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Yvan Colonna : un an après sa mort, retour sur la vie du militant nationaliste


La rédaction avec AFP le Mardi 21 Mars 2023 à 11:27

Condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac, Yvan Colonna a toujours nié son implication. Violemment agressé à mains nues le 9 mars 2022 à la maison centrale d'Arles où il était détenu malgré ses multiples tentatives de se rapprocher de la Corse il est décédé ce lundi soir 21 mars 2022 à l'hôpital Nord de Marseille où il était dans le coma depuis la sauvage agression dont il a été victime.
Retour sur la vie du militant nationaliste



A la cathédrale d'Ajaccio. Photo Michel Luccioni
A la cathédrale d'Ajaccio. Photo Michel Luccioni
Deuxième d'une fratrie de trois, Yvan Colonna est né le 7 avril 1960 à Ajaccio. Mais il va quitter l'île à l'adolescence, pour Nice, avec sa famille, ce qui restera une blessure pour lui. 
Sur la Côte d'Azur, il passe un bac B et étudie pour devenir professeur d'éducation physique, comme son père, Jean-Hugues Colonna. Ce dernier, entré en politique, devient député socialiste des Alpes-Maritimes en 1981, puis conseiller au ministère de l'Intérieur.
L'amour de ce brun athlétique pour son île natale lui fait vite abandonner ses études pour retourner dans son fief familial de Cargèse, au nord d'Ajaccio, où il va alterner les petits boulots, comme maître-nageur, avant de s'installer en tant que chevrier. 

Soupçonné par les policiers d'avoir été un "soldat" du Front de Libération nationale de la Corse (FLNC, clandestin), il admet simplement avoir été "un militant politique". De 1995 jusqu'à sa mise en cause dans l'assassinat du préfet, il ne fait pas parler de lui. 
Le 6 février 1998, Claude Erignac, préfet en Corse depuis deux ans, est assassiné. Un acte "barbare... sans précédent dans notre histoire", dira le président Jacques Chirac.

En mai 1999, quand sont arrêtés les membres du groupe suspecté de l'assassinat et qu'interviennent les premières dénonciations, Yvan Colonna prend le maquis. Une cavale de quatre ans, jusqu'à son arrestation en juillet 2003. Sa piste a été suivie du Venezuela à la Sardaigne en passant par Vanuatu ou le Costa Rica, mais il était en réalité dans son île, dans une bergerie près de Propriano. 

"Détenu particulièrement signalé" 
Sur la photo diffusée alors, il apparaît les cheveux mi-longs, une boucle d'oreille et un tee-shirt blanc, nourrissant l'image d'un homme qui s'est forgé une "carapace" durant sa fuite. Carapace qu'il renforcera pendant ses huit années de détention provisoire. Suivra une longue saga judiciaire, avec trois procès avant une condamnation définitive à la réclusion criminelle à perpétuité (sans période de sûreté) en 2011. 

Mais Yvan Colonna a toujours nié. "J'ai jamais tué personne, j'ai jamais pensé tuer quelqu'un", avait-il insisté lors de son dernier procès. Mais il assume: "Je suis nationaliste, je pense que je le serai toujours". Il déclarait toutefois avoir quitté le militantisme en 1989-1990, après la naissance de son premier fils, pour se consacrer à sa famille et à son élevage caprin. 

Il tentera même d'obtenir un énième procès en saisissant la Cour européenne des droits de l'Homme, estimant de pas avoir été traité équitablement par la justice française. 
Incarcéré à Fresnes, Toulon puis Arles, entre autres, il a multiplié les demandes de rapprochement en Corse, toutes refusées pour ce "détenu particulièrement signalé". 

Lucide" et "déterminé
En 2018, sa femme, qu'il a épousée en prison et avec qui il a eu un fils aujourd'hui âgé d'une dizaine d'années, interpellait Emmanuel Macron lors d'une visite à Ajaccio: "Mon fils de six ans n'a pas vu son père depuis un an et demi. S'il vous plait, faites quelque chose". 
"Que votre enfant puisse voir son père, que les personnes qui sont détenues dans notre pays puissent voir leur famille, ça fait partie des choses que nous allons assurer", lui avait alors répondu le président. 

Incarcéré depuis 19 ans, la détention d'Yvan Colonna était devenue un sujet éminemment politique. Fin janvier de 2022, quelques jours seulement avant son agression, les trois députés nationalistes corses, avaient déclaré devant la prison d'Arles qu'il subissait "un traitement dégradant du point de vue du droit", plaidant pour un rapprochement familial. En vain. Ils l'avaient alors trouvé "physiquement très en forme" et mentalement "lucide" et "déterminé" 

Une forme, une lucidité et une détermination qui ne l'auront pas préservé de la folie meurtrière  d'un jihadiste de 36 ans, condamné à neuf ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste…

"Une volonté de dissimulation de l'administration"

Le 15 mars dernier lors d'un point d'étape de la commission d'enquête créée pour "faire la lumière sur les dysfonctionnements" qui ont conduit à la mort d'Yvan Colonna, les députés Jean-Félix Acquaviva et Laurent Marcangeli, respectivement président et rapporteur de la commission d'enquête, ont souligné les failles de la surveillance de Franck Elong Abé, le détenu qui a tué le militant nationaliste et fait part de leur circonspection quant à la gestion, en amont comme en aval, des faits qui ont conduit à ce meurtre.  Les deux élus ont notamment posé la question d'une volonté de "dissimulation" de l'administration sur des éléments "troublants" qui auraient précédé le meurtre d'Yvan Colonna.  En attendant les conclusions de la commission qui seront rendues au mois de mai, ce jeudi 16 mars, la commission poursuit ses travaux avec l'audition de plusieurs avocats.