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Union européenne : Malte en première ligne pour défendre les intérêts des îles et des petits Etats


Nicole Mari le Dimanche 5 Mars 2017 à 22:12

Depuis le 1er janvier et jusqu’au 30 juin, Malte préside le Conseil de l’Union européenne (UE). Une présidence semestrielle tournante exercée pour la première fois par cette petite île méditerranéenne qui a intégré l’UE, le 1er mai 2004. Affichant des objectifs ambitieux dont celui de rétablir la confiance dans les instances communautaires et de préparer l’avenir, la présidence maltaise a défini des priorités : la spécificité de la Méditerranée, la migration, le marché intérieur, la sécurité, le secteur maritime et les pays voisins. Les îles, notamment la Corse, attendent beaucoup de cette présidence pour faire avancer, à Bruxelles, leurs revendications, notamment en matière d’insularité. Invitée, jeudi dernier à la réunion des Comités des régions d'Europe à Varsovie, l’ambassadeur maltais en Pologne, Natasha Meli Daudey, a certifié, à Corse Net Infos, la volonté de son pays de défendre les intérêts insulaires et de porter la voix des petits Etats.



Natasha Meli Daudey, l’ambassadeur maltais en Pologne.
Natasha Meli Daudey, l’ambassadeur maltais en Pologne.
- Est-ce important qu’une petite île comme Malte préside l’UE ?
- Oui ! C’est très important ! Même si Malte est petite, si c’est le plus petit Etat de l’UE, nous voulons contribuer de la même façon que les grands. Nous avons, aussi, notre voix et nos idées à apporter. A la réunion du Comité des régions à Varsovie, nous avons discuté sur l’entrepreneuriat dans les îles, un avis présenté, à notre demande, par Mme Maupertuis, la représentante de la Corse. Les îles sont, parfois, désavantagées pour des raisons de taille et de géographie. Nous devons utiliser cette période de présidence où notre voix compte, un peu plus que dans les autres périodes, pour défendre les intérêts des îles et des petits pays comme le nôtre. Même si la présidence doit porter une voix unique et œuvrer pour le compromis, ce temps est l’occasion de mettre en avant des sujets qui nous tiennent à cœur.
 
- Quelles sont vos priorités ?
- La spécificité de la Méditerranée, les affaires maritimes, les migrations, la sécurité, le marché unique et le voisinage de l’UE. Les affaires maritimes sont une question économique. L’Europe est confrontée à une stagnation économique, or il y a un secteur auquel elle n’accorde pas d’importance : le secteur maritime. On peut créer une économie maritime basée non seulement sur le tourisme, mais aussi sur la recherche, ce qu’on appelle une « économie bleue » qui favorise les échanges et crée des emplois. C’est un secteur très important qui n’est pas assez exploité. Tous les pays ne sont peut-être pas concernés, mais, au final, c’est toute l’Europe qui en tirera avantages et profits.
 
- Que proposez-vous pour faire reconnaître la spécificité de la Méditerranée ?
- Il faut considérer les deux rives de la Méditerranée, la rive Nord européenne et la rive Sud avec des pays aux situations instables. L’instabilité dans ces pays crée de l’insécurité chez nous. Nous sommes ensuite confrontés au problème de la migration illégale. L’accord avec la Turquie a permis de trouver plus ou moins une solution pour la voie de l’Est. Malte, avec l’Italie, est en première ligne pour la voie du Sud, la voie libyenne, dont nous sommes le débouché en Méditerranée centrale. La traversée est difficile, beaucoup de gens périssent. Au sommet européen de février qui s’est tenu à Malte, nous avons essayé de trouver une solution. Mais, c’est beaucoup plus difficile de travailler avec la Lybie qui n’est pas stable et n’a pas vraiment de gouvernement.
 
- Ces migrations font débat en Europe et suscitent des peurs. Redoutez-vous, à Malte, un risque terroriste ?
- Non ! Pour nous, le problème n’est pas le risque, mais le manque de solidarité entre Européens ! Tout simplement ! Les bateaux de migrants arrivent à Malte qui est une petite île. Le règlement de Dublin dit que si un immigré arrive illégalement dans un pays européen et qu’il a droit au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire, il reste dans ce pays. Or, Malte est une petite île, et c’est l’île la plus peuplée du monde ! Si tous les migrants, qui arrivent chez nous, y restent, comment faire ? S’il n’y a pas un vrai mécanisme de solidarité entre Européens pour une meilleure distribution des migrants, alors les problèmes commencent. On ne peut pas accueillir tout le monde ! On ne peut pas garantir une intégration ! C’est la porte ouverte au racisme et à la xénophobie.
 
- Quelle est la solution ?
- A Malte, lors de la réunion de février, nous avons dit qu’il faut éviter que les gens prennent les bateaux pour venir en Europe. Pour cela, il faut traiter les demandes de migration sur le continent africain et filtrer les migrants avant qu’ils ne quittent leur pays. Cela permet de faire le tri entre les gens, qui ont droit à une protection, et les migrants économiques. Les gens ont raison de vouloir une vie meilleure, mais, je le répète, on ne peut, malheureusement, pas accueillir tout le monde. Cela ne signifie pas, non plus, que plus personne ne pourra rentrer.
 

Natasha Meli Daudey, à la reunion du Comité des régions à Varsovie, lors de l'allocution de Nanette Maupertuis, représentante de la Corse.
Natasha Meli Daudey, à la reunion du Comité des régions à Varsovie, lors de l'allocution de Nanette Maupertuis, représentante de la Corse.
- Pensez-vous que les îles sont moins bien traitées que les autres territoires par l’UE ?
- Dans la plupart des cas, les îles sont plus petites que les autres régions. Notre voix est plus faible et il nous faut crier plus fort pour être entendues. C’est ce que nous essayons de faire ! Nous nous sommes rendus compte que des mécanismes sont mis à disposition pour des régions, comme les régions montagneuses ou autres, mais ne le sont pas pour les îles. Pourquoi les îles n’auraient-elles pas accès à ces dispositifs ? Il faut que l’UE fasse plus d’efforts vis-à-vis des îles.
 
- Les régions continentales ne sont-elles pas très réticentes à accorder aux îles des fonds dédiés spécifiques ?
- Oui, elles le sont ! Mais, la réticence est générale à accorder des fonds dédiés spécifiques, île ou pas. Nous le comprenons et nous évitons d’aller sur ce chemin-là. Nous préférons demander des mécanismes spécifiques. Cela fait moins peur aux technocrates, cela entre tout à fait dans la logique de l’UE et cela apporte, quand même, des avantages aux îles. Les propositions de Mme Maupertuis vont vraiment dans ce sens et sont excellentes. Elles ont, d’ailleurs, été acceptées à l’unanimité.
 
- Certaines îles, comme la Corse, la Sardaigne et les Baléares, se regroupent pour faire du lobbying et mieux peser sur Bruxelles. Est-ce une bonne stratégie ?
- Il faut toujours faire du lobbying pour que la voix soit plus forte ! Mais, la situation des îles, qui font partie d’un pays, et des îles, comme Malte et Chypre, qui sont des Etats, n’est pas la même. Les demandes ne sont pas forcément les mêmes. Il faut avancer, comme le fait le Comité des régions. Là, nous sommes sur la bonne voie.
 
- Quel est l’objectif premier que se fixe la présidence maltaise ?
- Nous sommes, tous, d’accord pour dire que nous vivons une conjoncture très difficile en Europe. Le Royaume-Uni devrait entamer, ce mois-ci, la procédure pour nous quitter. Beaucoup de fronts populistes sont eurosceptiques et contre l’Union européenne. A Malte, nous croyons en l’Europe, nous y croyons à fond ! Nous voulons essayer de remettre le projet européen sur la bonne voie. Pour cela, il faut regagner la confiance des citoyens européens. Ils ont perdu confiance parce que leurs problèmes n’ont pas été bien pris en compte, ces derniers temps. Ils ne sont pas assez entendus ! Nous voulons remettre le focus sur les citoyens et sur leurs problèmes, les écouter et regagner leur confiance. C’est un travail énorme ! Nous ne pouvons pas le faire en six mois ! Mais nous pouvons commencer et espérer que les autres présidences, qui suivront, continueront sur la même voie.
 
- Faut-il réformer l’UE ?
- Nous ne sommes pas là pour ça ! Ce n’est vraiment pas le moment ! Il faut, peut-être, la faire fonctionner un peu mieux, moins se concentrer sur les grands projets politiques qui ne parlent pas aux citoyens et plus travailler sur les besoins basiques des populations. Nous sommes sûrs que, ce faisant, la crise finira pas être éradiquée et les citoyens croiront de nouveau dans le projet européen.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Les 8 et 9 mars prochains, le président de l’Exécutif territorial corse, Gilles Simeoni, sera à Malte pour participer au cycle de conférences sur l’économie circulaire, initié en juillet dernier à Bastia, et à l’élection à la présidence de la Commission des îles de la CRPM (Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe) où il est candidat. Il sera accompagné de plusieurs membres du Conseil Exécutif, dont Nanette Maupertuis.