Corse Net Infos - Pure player corse

François Alfonsi : « Régions et Peuples Solidaire fêtera ses 30 ans lors de son université d’été fin août en Corse »


Nicole Mari le Samedi 2 Août 2025 à 18:15

Régions et Peuples Solidaires (R&PS), le parti qui fédère les mouvements régionalistes et autonomistes, fêtera son 30ème anniversaire lors de son université d'été annuelle qui se tiendra du 25 au 27 août en Corse, au village de vacances des Isles, sur la commune de Taglio-Isolaccio. Fondé en février 1995, R&PS regroupe aujourd’hui 13 organisations membres, quatre députés et un sénateur. François Alfonsi, président de R&PS, détaille à Corse Net Infos le programme et les enjeux de cette trentième édition.



François Alfonsi, président de R&PS (Régions et Peuples Solidaires).
François Alfonsi, président de R&PS (Régions et Peuples Solidaires).
- Quel sera le programme de cette trentième édition ?
- Il y aura deux temps. La première journée du 25 août sera consacrée à R&PS proprement dite avec un focus sur son 30ème anniversaire. Nous avons commandé à l’IFOP un sondage qui traite toutes les questions de régionalisme, notamment la langue régionale et l’autonomie, avec des focus sur les territoires : Bretagne, Alsace, Corse, etc. L’IFOP viendra présenter son sondage devant un certain nombre de personnalités politiques. Le débat sera animé par André Fazi, politologue et maître de conférence à l'Université de Corse, et Tudi Kernalegenn, un universitaire breton, docteur en Sciences politiques. Suivront trois débats consacrés aux militants et sympathisants de R&PS. Un débat où l’on présentera l’avancement du processus d’autonomie avec notamment Nanette Maupertuis et Romain Colonna. Un deuxième débat traitera de la question des transports avec la priorité aux territoires. Un troisième débat portera sur les moyens de garantir le foncier agricole contre la spéculation avec la participation du président de la Chambre d’agriculture de Corse, Jean Baptiste Arena, et d’autres intervenants.
 
- Quel bilan faites-vous de ces trente ans ?
- Notre structure est plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était, il y a 30 ans, et même il y a 10 ans. Nous avons réussi à fédérer les organisations qui sont associées dans la même démarche vis-à-vis du financement public. Notre fédération permet à chaque composante d’avoir accès au financement public. En même temps, la façon dont évoluent les composantes corses, Femu a Corsica et le PNC, donne de la force à la fédération. Le sujet phare, aujourd’hui, est évidemment le sujet de l’autonomie de la Corse qui intéresse tout le monde, qui est dans l’actualité forte et qui le sera encore plus fortement avant la fin de l’été. On a eu la proposition gouvernementale et l’on sera à la veille de l’ouverture des sessions parlementaires où elle sera débattue. Nous avons aussi des agendas forts tournés vers le prochain scrutin des municipales avec des opportunités en Alsace, au Pays basque où un député R&PS a été élu, en Bretagne aussi.
 
- Pourquoi avoir choisi de débattre des transports ferroviaires ?
- Plusieurs territoires sont confrontés à de fortes concurrences entre le développement des transports régionaux, dont les lignes ferment régulièrement, et l’ouverture de nouvelles lignes TGV dont on sait à l’avance qu’elles n’auront pas le rendement d’un Paris-Lyon. Ce débat est porté par beaucoup de composantes R&PS. Comme la Corse a un modèle d’organisation des chemins de fer assez original, ces composantes R&PS, souhaitaient le connaître, nous l’avons donc inscrit à l’ordre du jour avec comme thématique : « priorité aux transports régionaux ». C’est ce message-là que nous entendons faire passer à travers cette réunion.
 
- L’autre débat porte sur le foncier agricole et la lutte contre la spéculation. Est-ce une problématique que l’on retrouve de la même façon sur les autres territoires ?
- Oui ! C’est une problématique que l’on retrouve ailleurs dans toutes les zones à forte pression touristique qui sont en concurrence avec l’activité agricole. Au Pays basque, les grands corps de ferme sont des bâtiments très coûteux. Quand un bâtiment est mis en vente avec dix hectares de terrain, il est racheté par un milliardaire et les 10 ha de terrain sont perdus pour l’agriculture. Le député basque, qui malheureusement ne sera pas là, va déposer un projet de loi pour justement proposer des approches qui permettent de garder des terrains pour l’activité agricole, quand on ne peut pas réussir à garantir le patrimoine. Ce problème se pose partout, chaque territoire fait remonter à Paris quand il a un député, comme l’a fait Jean Félix Acquaviva pendant longtemps, une approche qui essaye d’apporter des solutions. C’est un sujet intéressant dont l’Odarc et la Chambre d’agriculture ont fait une priorité.
 
- De quoi sera-t-il question pendant la seconde journée ?
- La seconde journée est organisée avec l’Alliance libre européenne (ALE), le parti européen. Avec pour thématique : « Quelle stratégie européenne pour la Méditerranée ? ». Plusieurs participants sont déjà confirmés. Le débat s’articule autour d’un rapport que j’ai fait voter quand j’étais député européen sur « la stratégie macro-régionale pour la Méditerranée » dans le suivi est assuré par des députés qui travaillaient avec moi à l’époque et qui viendront : Younous Omarjee, vice-président du Parlement européen, Nora Mebarek, députée européenne socialiste de la région d’Arles et Vicent Marzàn, député valencien ALE qui a repris les dossiers que je traitais. L’ALE a, d’autre part, invité la croate Dubravka Suiça, commissaire européenne à la Méditerranée, qui n’a pas encore confirmé sa présence. Il y aura aussi une présentation qui justifiera l’intérêt de cette coopération méditerranéenne au niveau européen. On a choisi la question de la pression touristique avec le représentant de Mes per Minorca, un mouvement autonomiste des Baléares, qui est en train de faire voter une loi autonome sur le statut de résident. Également Sauveur Giannoni, professeur à l’université de Corte qui a travaillé sur ces questions-là. Nous avons retenu un second thème : « L’adaptation de l’agriculture au réchauffement climatique dans l’espace méditerranéen » avec l’intervention de Nathalie Uscidda, directrice du centre de recherche viticole, qui parlera de l’irrigation et des adaptations qui, en Corse, commencent à être anticipées par des chercheurs. L’après-midi se poursuivra par des visites de terrain et se terminera au parc Galéa par une soirée avec Marcu-Andria Castellani qui fera un récit autour de Pascal Paoli, entrecoupé de chants.
 
- Quel est votre sentiment sur l’avenir du processus d’autonomie et ses chances de le voir adopter ?
- Il y a manifestement une démarche en cours qui avance à pas de sénateur, mais qui avance. Même si elle se place dans le débat parlementaire dans un climat, au niveau de la France, où tout le monde a la tête ailleurs, cela n’empêche pas la démarche institutionnelle de progresser. Une fois que le texte sera mis à l’agenda du Parlement, même si le gouvernement Bayrou ne résiste pas à l’automne, la démarche continuera. Il y aura un autre gouvernement, peut-être d’autres élections. Le plus difficile, c’est de gagner chaque match, la première mi-temps à l’Assemblée nationale, la seconde mi-temps au Sénat, et la troisième mi-temps au Congrès. Chaque match sera serré, difficile, c’est un combat à mener. On se battra, on verra chaque groupe, chaque parlementaire personnellement pour essayer qu’à la fin sorte une majorité. Je rappelle que la dernière réforme constitutionnelle, celle de 2008, a été adoptée par une voix de majorité. Que la réforme soit adoptée par une voix d’avance ou par cent, ce qui compte, c’est le résultat final ! Il faut surtout rester cohérent au niveau de la Corse et montrer que cette volonté se confirme et avance. L’obstacle de l’Assemblée nationale, malgré le bloc RN, devrait être plus facile à franchir que l’obstacle du Sénat. Mais même au Sénat, avec la position de l’Union centriste et les divergences au sein de la majorité de Bruno Retailleau, je pense que ça peut passer. Ce n’est pas gagné d’avance, mais ce n’est pas perdu d’avance non plus !
 
- Concernant la stratégie pour la Méditerranée, que devient votre projet de loi ?
- Le Parlement européen a pris une position. La Commission en a été saisie. Normalement, elle doit apporter une réponse institutionnelle et proposer un cadre, rédiger une proposition politique qui corresponde à ce projet. Il faut le feu vert du Conseil des ministres qui ne sait pas encore réuni pour se prononcer sur la position du Parlement. On en est là. Le commissaire européen en charge de la question est très allant et, apparemment, il y a, au niveau de de la Commission, la volonté de faire annoncer les choses. Mais, cela dépendra du Conseil. La Méditerranée est un sujet prégnant parce que la moitié de son territoire est en Europe. C’est, en même temps, un sujet extrêmement difficile parce que les enjeux diplomatiques avec la Rive Sud sont très compliqués. On demande à l’Europe de prendre une initiative et d’engager une démarche qui, ensuite, sera raccrochée au fur et à mesure des opportunités politiques pour être élargie au-delà de l’Europe. C’est déjà au sein de l’Europe qu’il doit y avoir l’affichage d’une volonté collective d’agir sur les dossiers qui concernent l’ensemble des territoires méditerranéens. Je rappelle que la Méditerranée est l’espace européen le plus soumis au changement climatique.
 
- Vous avez fait voter au Parlement européen une loi sur la reconnaissance des langues régionales. Que pensez-vous de la décision du Conseil d’Etat qui bannit la langue corse des débats de l’assemblée de Corse et de la vie publique ?
- C’est une décision proprement abracadabrantesque ! Si on ne parle pas corse en Corse, et si les élus de la Corse ne peuvent pas parler corse, c’est qu’on a décidé qu’il fallait faire disparaître une langue. Il faut arrêter avec les arguties sur l’article 2 de la Constitution. Cette décision du Conseil d’Etat n’est qu’une interprétation de l’article 2. Ce n’est pas parce qu’on parle corse à l’assemblée de Corse que le français n’est plus la langue de la France. Tout cela n’a pas de sens ! C’est une position purement idéologique. Chaque décision de ce type nous conforte dans l’idée qu’il faut l’autonomie et qu’il faut un statut pour la langue Corse.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.