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Festivale di a ruralità : A Via San Martinu réveille les territoires ruraux et prône un éco-tourisme lent et durable


Nicole Mari le Mercredi 10 Mars 2021 à 18:24

Plus de 150 000 personnes ont suivi sur les réseaux sociaux U festivale di a ruralità en version dématérialisée. Une véritable gageure et un pari réussi pour son concepteur, Christian Andreani, président du réseau européen des itinéraires culturels Saint Martin et président du Centru culturale San Martinu Corsica, labellisé par le Conseil de l’Europe, qui a fait le choix de maintenir la manifestation et ses rubriques habituelles. Pour lui, pas question d’arrêter ce chemin, qui véhicule les valeurs fondatrices de l’Union européenne, et relie les territoires autour d’un patrimoine commun, celui de San Martinu, du partage citoyen et d’un concept de bande verte et citoyenne qui prône un éco-tourisme lent et durable. Explications, pour Corse Net Infos, de Christian Andreani.



L'église San Martinu de Patrimoniu, point de départ en Corse d'A Via San Martinu, itinéraire culturel européen. Photo Jean-Baptiste Andreani.
L'église San Martinu de Patrimoniu, point de départ en Corse d'A Via San Martinu, itinéraire culturel européen. Photo Jean-Baptiste Andreani.
- Vous avez maintenu et même amplifié u festivale. Comment avez-vous réussi cette gageure ?
- On n’arrête pas un chemin ! U festivale di a ruralità n’est pas un simple festival, c’est la maquette d’a Via San Martinu in Corsica, une projection sur le territoire de ce que sera cet itinéraire culturel européen labellisé par le Conseil de l’Europe. Depuis 12 ans, contre vents et marées, nous avons, sans discontinuer, chaque année, assuré son développement en agrégeant progressivement de plus en plus de communes qui possèdent du patrimoine martinien et proposé, chaque fois, des lieux nouveaux et des découvertes inédites. Pour nous, il n’était pas question de ne pas être présents en 2020. Alors, face aux contraintes sanitaires, nous avons tenté d’innover en dématérialisant u festivale et en créant, sur Facebook, une chaine Web dédiée et libre d’accès. Le résultat a, de très loin, dépassé nos espérances : plus de 150 000 personnes ont déjà suivi les manifestations et conférences qui sont en ligne et leur nombre augmente de jour en jour. Je dirais même que de chemin parcouru depuis la première édition en 2008 qui s’était déroulée sur une seule journée de novembre dans la seule commune de Patrimoniu et qui avait, quand même, réuni 150 participants !
 
- Que propose cette chaine Web exactement ?
- Toutes les rubriques habituelles déclinées par u festivale sont visibles en vidéo. Des conférences inédites en langue corse ou française, notamment l’histoire des forêts et tours génoises par Antoine-Marie Graziani, celle des Franciscains par Michel Casta, la Corse des noms de lieux par Jean Chiorboli, la toponymie du parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate par Stella Medori, aussi de l’archéologie avec l’INRAP, la FAGEC… Ces conférences ont suscité un vrai engouement. Les dernières vidéo mises en ligne dans la rubrique Locu & storia, notamment la visite par Sylvie Casalta, guide conférencière, d’A Cappella Santa Croce di Bastia, et celle par Dominique Jaboulet, des ex-votos de Lavasina, connaissent, également, un franc succès. Sans oublier la rubrique In Musica avec la participation de talents confirmés comme Barbara Furtuna, Sandrine Luigi, la Compagnie des Regains et Caramusa, et de jeunes talents comme I Maistrelli, Sarah Procissi, Véronique Desideri et Corde in Bastia qui ont su, aussi, trouver un public.

Christian Andreani près de la statue de San Martinu, une oeuvre d'André Truchon de Patrimoniu. Photo Maria Cleia Andreani.
Christian Andreani près de la statue de San Martinu, une oeuvre d'André Truchon de Patrimoniu. Photo Maria Cleia Andreani.
- Comment expliquez-vous ce succès ?
- Cela fait plusieurs années que le festival est désormais bien ancré dans le paysage local et qu’il est devenu un rendez-vous incontournable en automne, en dehors de la saison touristique. Il suscite toujours plus d’intérêt dans la population parce qu’il permet de découvrir un patrimoine matériel et immatériel martinien encore méconnu, mais tout à fait exceptionnel que nous n’avons pas fini d’investiguer. Mais pas seulement ! L’itinéraire culturel européen de Saint Martin – A Via Sancti Martini - porte la notion de partage que la crise pandémique, que nous subissons, a remis au cœur des débats. Son but est de partager la connaissance et les valeurs d’un personnage commun à toute l’Europe, Saint Martin, à travers un itinéraire de 2800 kilomètres qui retrace son parcours de Hongrie jusqu’en France en traversant 14 pays. 1700 ans après sa mort, les deux gestes forts qu’il a accomplis - le partage de son manteau avec un pauvre et le baiser à un lépreux – ont tellement marqué les mémoires que le Conseil de l’Europe l’a choisi comme personnage emblématique des valeurs européennes. San Martinu, patron des vignerons, est le chantre de la ruralité. C’est pour cela que chaque territoire le décline sous une forme locale, ce qui replace notre île de façon singulière dans l’histoire européenne. U festivale di a ruralità expérimente les actions qui maillent le projet de « la bande verte et citoyenne, a banda verde e citàdina », entourant l'itinéraire. C’est plus que jamais d’actualité !

- Quel est l’objectif de ce chemin ?
- L’objectif affiché par le chemin de Saint Martin est, selon son promoteur Antoine Selosse, de construire « un chemin du 21ème siècle : exemplaire, éthique, social et environnemental… Un lieu de partage et d’échanges entre les locaux et les passants autour de projets concrets se structurant en relation avec l’homme et la nature ». C’est-à-dire un véritable changement des mentalités qui est déjà, d’ailleurs, en marche, un éveil des consciences à l’absolue nécessité de partager le bien commun : l'eau, l'air, la nourriture, les ressources, les savoirs, les cultures, l'accès à l'éducation, au travail, à la santé, au logement... A banda verde e citàdina est un chemin doux, lent, authentique, où l’on prend le temps de découvrir un territoire autrement, de rencontrer ses habitants, d’appréhender leur culture, leur mode de vie, leurs activités, de découvrir les produits du terroir, de manger sainement, de consommer équitable tout en respectant et protégeant les sites naturels et en défendant les valeurs de partage citoyen. C’est désormais dans l’air du temps. L’itinéraire propose une nouvelle forme de tourisme, un écotourisme lent, vert et citoyen qui n’existe pas de façon organisée en Corse et qui est une formidable opportunité pour valoriser et de redynamiser les territoires ruraux. L’Agence du tourisme de la Corse (ATC) ne s’y est pas trompée, elle a mis A Via San Martinu dans sa feuille route du tourisme durable et responsable, d’un tourisme à taille humaine basé sur la valorisation des sites naturels, historiques et des parcours patrimoniaux. Nous avons souscrit au label Safe.Corsica, la marque de l’ATC de sécurité sanitaire.

Eglise romane à Sotta. Photo JB Andreani.
Eglise romane à Sotta. Photo JB Andreani.
- Comment l’itinéraire peut-il redynamiser des territoires ruraux ?
- A Via San Martinu est un outil de développement et d’aménagement des territoires ruraux. Comme je le répète inlassablement depuis des années, on ne peut plus continuer, comme par le passé, à se reposer sur la seule saison estivale, l’actualité pandémique et la crise économique, qui en découle, l’ont cruellement montré. Aujourd’hui, on ne peut plus attendre la prochaine saison en espérant qu’elle sera meilleure et moins courte ! Il faut attirer d’autres touristes tout au long de l’année sur des flux petits, mais pérennes, et sur d’autres bases. La Corse dispose d’un énorme potentiel naturel, culturel, historique et patrimonial qui n’est pas mis en valeur. A travers u festivale di a ruralità, qui s’étend désormais sur une quarantaine de communes du Nord au Sud de l’île, nous prouvons à quel point ces territoires sont riches de possibilités, de trésors parfois insoupçonnés, de joyaux architecturaux – ne serait-ce que les églises pisanes et baroques, les castelli, les citadelles et les ponts génois ! -, et de gens dépositaires d’une mémoire et de savoirs ancestraux. A banda verde e citàdina est un moyen d’organiser des flux à la mesure d’un territoire et par là même, d’y fixer des gens, producteurs, artisans et jeunes actifs, qui voudraient bien y vivre, mais qui n’ont pas d’opportunité pour le faire.
 
- Quand sera ouvert le premier chemin d’A Via San Martinu ?
- Bientôt ! Le premier chemin reliera Patrimoniu à Ville-di-Pietrabugnu. Il empruntera « I Chjassi di a Memoria », deux sentiers du patrimoine – le sentier de Ville-di-Pietrabugnu et le sentier de Patrimoniu - labellisés par l’Office de l’Environnement de la Corse dans le cadre du projet européen GRITACCESS (Grand itinéraire tyrrhénien accessible patrimonial et culturel). Les travaux d’aménagements de ces deux chjassi sont en cours d’achèvement. La jonction entre les deux chemins se fera à travers les crêtes du Pignu et sera mise en œuvre par la Communauté de communes Nebbiu Conca d’Oru avec l’Agence du tourisme de la Corse. Ils formeront la première étape en Corse d’A Via San Martinu et la première étape en Méditerranée de la Via Sancti Martini. La mairie de Patrimoniu vient de mettre à disposition un local qui sera le siège du Centru Culturale San Martinu Corsica. En mai, nous espérons, si le contexte sanitaire le permet, pouvoir accueillir en Corse les 14 représentants des centres culturels européens Saint Martin. Sur le réseau français, des villes comme Vichy et Roanne vont organiser des journées sur le modèle d’u festivale di a ruralità. Le chemin continue de se déployer à travers toute l’Europe. En Corse, la dynamique est en marche, le projet d'itinéraire se structure grâce à l’implication d’un nombre croissant de communes et d’intercommunalités. Notre ambition est de rendre encore plus visible et attractive sur le réseau européen la singularité patrimoniale et la complexité culturelle de la Corse. Notre île possède l’une des plus grandes concentrations de patrimoine martinien en Europe, 110 communes sont en cours d’inventaire. Il en reste encore tant d’autres à inventorier, tant de choses à découvrir et à valoriser. C’est dire si le potentiel est considérable !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

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