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À Lumio, les premières Rencontres de la pierre sèche mettent en lumière un savoir-faire ancestral


Maria-Serena Volpei-Aliotti le Dimanche 15 Juin 2025 à 17:20

La commune de Lumio a accueilli, jeudi 12 juin, la première édition des Rencontres de la pierre sèche. Un événement organisé par l’Office de l’Environnement de la Corse (OEC), le Pays de Balagne, le GAL, le CAUE de Corse et la mairie, pour valoriser un savoir-faire ancestral désormais inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.



Au Spaziu Edmond Simeoni de Lumio, la pierre sèche était à l’honneur ce jeudi 12 juin. La commune a accueilli la première édition des Rencontres de la pierre sèche, un rendez-vous inédit imaginé pour valoriser une technique traditionnelle inscrite depuis 2018 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Une pratique rurale ancienne, mais loin d’être figée, à la croisée des enjeux patrimoniaux, écologiques, sociaux et économiques.

Cette journée d’échanges, co-organisée par l’Office de l’Environnement de la Corse (OEC), le Pays de Balagne, le Groupe d’Action Locale (GAL), le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) et la commune de Lumio, a rassemblé une centaine de participants : élus locaux, artisans muraillers, représentants des institutions, techniciens et habitants. Tous venus partager expériences et perspectives autour d’un savoir-faire transmis de génération en génération et aujourd’hui mobilisé dans une logique de développement durable.

Une dynamique collective enclenchée en Balagne
À l’ouverture des échanges, les différents partenaires ont souligné le chemin parcouru. Parmi eux, Pierre Poli, vice-président du Pays de Balagne, a salué une étape importante dans le processus engagé localement pour remettre à l’honneur la pierre sèche : « Je ne sais pas si l’on peut parler d’un aboutissement, en tout cas c'est une étape importante. L'aboutissement viendra peut-être plus tard, parce qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Mais on peut dire quand même qu'on a enclenché une dynamique au niveau de la Balagne, autour de la pierre sèche, de tous les édifices, et c'est grâce à l'initiative du Pays de Balagne ».

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une coopération européenne, soutenue par le programme LEADER (Lien entre actions de développement de l’économie rurale), qui permet aux territoires ruraux d’élaborer des projets valorisant leur patrimoine identitaire. Une nouvelle candidature est prévue pour la prochaine programmation 2026-2027. « Nous avons candidaté pour une prochaine programmation du programme leader (…) qui permettra de réaliser d'autres actions, comme celles qui ont été réalisées jusqu'à présent », a précisé Pierre Poli.

Le CAUE de Corse, partenaire de l’événement, œuvre depuis plusieurs années pour promouvoir les techniques constructives traditionnelles comme la pierre sèche. Stéphanie Grimaldi, sa directrice régionale, a rappelé que cette mission est au cœur des activités de l’organisme : « Nous CAUE, nous sommes très heureux de participer à cette journée sur la pierre sèche parce que nous sommes dans nos missions de base : accompagner, conseiller le grand public, les élus mais également les professionnels sur tout ce qui est technique traditionnelle et tout ce qui est construction durable ». Le travail de sensibilisation commence dès le plus jeune âge : « Nous apprenons aux enfants à aimer et à connaître l'histoire de leur patrimoine et l'histoire du bâti qui est autour d'eux pour qu'ils le comprennent et qu'ils l'apprennent », explique-t-elle. Mais le rôle du CAUE ne s’arrête pas là. Il s’agit également d’informer et de former les acteurs de l’aménagement : « Nous avons un rôle en termes de formation auprès des professionnels, pour leur expliquer l'intérêt, dans le cadre de la transition écologique, de construire de manière durable, donc de faire de l'éco-construction, de l'éco-rénovation ».

Le CAUE a récemment été retenu par la DREAL pour piloter le premier centre de ressources de la construction durable en Corse. Une mission de trois ans, qui vise à mettre à disposition des outils concrets pour les élus, les artisans et les particuliers. « Le CAUE a été choisi par la DREAL pour que pendant trois ans, nous lancions la création d'un centre de ressources de la construction durable pour la Corse (…) On va s'adosser à un observatoire au niveau de la construction durable », précise Stéphanie Grimaldi. Objectif : diffuser une culture partagée de l’éco-rénovation sur l’ensemble du territoire, à travers ateliers, conférences et publications.

En marge des discussions, la commune de Lumio a présenté un exemple concret de restauration en pierre sèche : les jardins culturels de l’église, réaménagés grâce au soutien du programme LEADER, et bénits par le Père Louis El Rahi. Pour Guy Armanet, président de l’Office de l’Environnement de la Corse, ce type de projet incarne parfaitement les ambitions portées par l’événement : « L’OEC remercie la commune de Lumiu pour avoir réalisé des travaux considérables et qui vont dans le sens du développement durable (…) Ce sont des pierres qui sont travaillées directement sur le territoire, qui remettent en valeur les terrasses, les anciens jardins. C'est vraiment un bel exemple de développement durable ».

L’OEC défend cette technique pour sa durabilité, mais aussi pour sa capacité à recréer du lien au sein des villages. « C’est bien aussi que l’on forme des gens, qu’on les amène à avoir un excellent niveau pour travailler la pierre et ça permet (…) de remonter des murs comme on le faisait avant, qui soutiennent la terre et qui sont souvent bien plus costauds que le béton », poursuit Guy Armanet.
 


Un partenariat européen renforcé avec Majorque

L’événement s’est aussi ouvert à l’international avec la présence de Philippe Alvaro, technicien du Conseil de l’Environnement de Majorque. « Ça fait plus de 30 ans que Majorque collabore avec l’Office de l’Environnement de la Corse (…) On est maintenant sur un réseau européen de la pierre sèche », a-t-il rappelé. L’île des Baléares a connu une dynamique similaire : « Dans notre cas, le patrimoine était en désuétude, abandonné, surtout à cause du changement de l'activité économique orientée vers le tourisme (…) Et c'est là qu'a commencé la dynamique pour le mettre en valeur, former des nouveaux murailliers qui acquièrent ce savoir-faire ».

Ce rapprochement entre la Corse et Majorque permet d’imaginer de nouveaux échanges de compétences, d’ouvrir à un tourisme paysager responsable et de structurer un réseau de formations qualifiantes pour les artisans.

À l’issue de cette première édition, les partenaires ont affiché leur volonté commune d’inscrire ces Rencontres de la pierre sèche dans la durée. Enjeu : donner de la visibilité à une pratique encore marginalisée, en faire un outil de résilience locale et de valorisation du patrimoine. La pierre sèche, oubliée durant des décennies, s’affirme aujourd’hui comme une solution d’avenir dans une Corse confrontée à la double exigence de transition écologique et de sauvegarde identitaire.