C’est dans l’enceinte solennelle du tribunal judiciaire de Bastia qu’a été annoncée, récemment, la création de Mouv’Zitelli, antenne corse de l’association Mouv’Enfants. La conférence-débat, consacrée aux violences sexuelles sur mineurs et à la question de l’imprescriptibilité, a permis d’officialiser ce projet. Pour Arnaud Gallais, cofondateur de Mouv’Enfants et ancien membre de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), cette implantation régionale constitue une étape essentielle dans la construction d’une réponse adaptée aux réalités locales : « Si l’on veut agir efficacement, il faut être présent sur le terrain. Il faut entendre, représenter et accompagner les victimes là où elles sont. »
Créée en 2023, Mouv’Enfants s’est donné pour mission de lutter contre toutes les formes de violences faites aux mineurs, qu’elles soient sexuelles, physiques ou psychologiques. Si les chiffres nationaux sont alarmants – 160 000 enfants victimes chaque année selon les dernières estimations, soit une victime toutes les trois minutes – la Corse reste largement absente des données publiques et du débat national. « On ne parle pas de la Corse, ni dans les chiffres, ni dans les médias. Et quand on en parle, c’est toujours vu de loin », constate Arnaud Gallais. Ce déficit de représentation et de structuration locale justifie, selon lui, la création de Mouv’Zitelli, qui réunit aujourd’hui une équipe de cinq bénévoles appelés à se déployer sur l’ensemble du territoire insulaire.
Trois axes d’intervention
Comme sa structure mère, l’antenne corse développera ses actions autour de trois axes principaux. Le premier concerne le plaidoyer politique et la mobilisation citoyenne en faveur de l’application ou de l’évolution des lois. « Un exemple concret, c’est l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, qui est censée être obligatoire depuis 2001. Pourtant, seuls 15 % des élèves y ont accès aujourd’hui. Nous demandons que cette loi soit enfin appliquée », insiste Arnaud Gallais. La question de l’imprescriptibilité des crimes sexuels commis sur mineurs, au cœur de la conférence de Bastia, est également au centre du combat de l’association.
Le deuxième pilier est celui du soutien aux victimes. Mouv’Enfants s’est illustrée dans plusieurs affaires récentes, notamment dans l’affaire Betharram ou dans les mobilisations autour des révélations visant l’abbé Pierre. « Nous apportons une visibilité et un appui aux personnes qui témoignent, en les accompagnant dans leur démarche, parfois au prix de lourdes conséquences personnelles. »
Enfin, la troisième dimension de l’action de Mouv’Zitelli vise la transformation culturelle. « Il ne suffit pas d’avoir des lois. Il faut faire évoluer les mentalités. Cela passe par des débats, de la prévention, de la sensibilisation collective », résume Arnaud Gallais. L’association défend le concept de “réparation collective”, en mobilisant les savoirs issus des expériences vécues pour créer des espaces de dialogue avec la société. « Il ne s’agit pas seulement de pointer du doigt les institutions, mais aussi de faire émerger des solutions concrètes issues du terrain. »
Une société encore insuffisamment protectrice
Arnaud Gallais le rappelle avec force : « Sur les 33 000 témoignages recueillis par la Ciivise, seuls 8 % des enfants ont entendu : “Je te crois et je te protège.” Dans 60 % des cas, les professionnels ont cru les enfants, mais n’ont pas agi. » Pour l’association, cet écart entre la reconnaissance et la protection appelle une révolution dans la culture de la prise en charge. Et cette révolution passe aussi par l’ancrage territorial.
La mise en place de Mouv’Zitelli a pour but de structurer une stratégie de lutte contre les violences faites aux enfants propre à la Corse, avec ses contraintes et ses spécificités. « On a besoin de relais locaux pour comprendre les réalités du terrain : l’isolement géographique, les non-dits, les rapports familiaux parfois complexes, et un tissu associatif à renforcer sur ces questions », souligne Arnaud Gallais. À travers Mouv’Zitelli, l’association entend organiser des conférences, des actions de sensibilisation, mais aussi établir des partenariats avec les institutions locales, les collectivités, les établissements scolaires, les mairies ou les services de santé.
À terme, l’objectif est clair : libérer la parole des victimes, briser les silences, et impulser une dynamique locale de protection de l’enfance. « Ce que nous voulons construire en Corse, ce n’est pas un modèle calqué depuis Paris, mais une réponse enracinée dans le territoire, portée par ceux qui le connaissent et y vivent », conclut Arnaud Gallais.
-
Ajaccio : Au centre-ville, l'inquiétude des commerçants grandit face à la grève à la Muvistrada
-
A màghjina - Saone sott’à u celu d’inguernu
-
U tempu in Corsica
-
En Corse-du-Sud, les Assises de la Sécurité Routière révèlent des chiffres alarmants
-
Anthony Roncaglia avant SC Bastia-Red Star : « À nous de ne pas gâcher la fête »









Envoyer à un ami
Version imprimable





