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Santé : Le Médiator a été surconsommé en Corse


Damien Bianchi le Vendredi 21 Février 2014 à 23:08

Prescrit pour le traitement du diabète, le Médiator a fait l’objet d’une consommation importante en Corse en 2009 et particulièrement en Corse-du-Sud. Les données nationales qui viennent d’être rendues publiques confirment que l’antidiabétique a été utilisé en partie comme coupe-faim.



80 % des patients qui ont pris du Médiator entre 2008 et 2010 ne bénéficiaient pas d’autre traitement supplémentaire contre le diabète. C’est l’une des informations tirées des données statistiques concernant la consommation du Médiator avant son retrait du marché. Ces chiffres viennent d’être publiés par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, grâce à la pression du collectif Initiative Transparence Santé (ITS), qui milite pour l’accès en toute transparence aux données publiques de santé.

Pour la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, ces statistiques sont à relativiser. Elles ne signifient pas que 80% de patients ayant pris du Mediator n’étaient pas diabétiques. Le cachet pouvait être prescrit pour des diabètes légers en complément d’un régime alimentaire sans que soit associé d’autre antidiabétique. Toujours selon la CNAM, pour avoir des résultats plus proches de la réalité, « il eût été nécessaire de disposer d'une analyse détaillée de la situation médicale nécessitant l'accès au dossier médical du patient ».
 
Mais pour le collectif ITS, cela ne fait aucun doute : « le médicament de Servier était prescrit dans environ 80 % des cas hors de ses indications officielles ». Le médicament aurait été détourné de son A.M.M (autorisation de mise sur le marché), c'est-à-dire les patients diabétiques en surpoids, pour être utilisé comme coupe-faim, alors qu’il était remboursé par la sécurité sociale comme antidiabétique.
 
Le médicament des laboratoires Servier a été à l’origine d’un scandale sanitaire en 2009. Selon un rapport d'expertise rendu en avril 2013, il pourrait avoir causé entre 1.300 à 1.800 morts en France. Il a été retiré du marché pour des risques d’atteintes cardiaques, notamment des valvulopathies et de l’hypertension pulmonaire.

Une consommation plus forte en Corse-du-Sud

Un autre élément retenu par l’ITS est la forte disparité géographique de consommation entre les départements français. Le Médiator a été plus prescrit dans les départements du Sud-Est de la France que dans les départements du Nord. Sur les dix départements les plus consommateurs de l’antidiabétique, huit sont dans le sud méditerranéen.
 
Les départements corses présentent eux-aussi une consommation importante. L’année avant l’arrêt de la commercialisation du Médiator, en 2009, la Corse-du-Sud a enregistré 1 782 remboursements du médicament antidiabétique. Rapporté au nombre d’habitants total, cela équivaut à 1,24 % de la population insulaire. La Corse-du-Sud se classe en 4ème position des départements métropolitains pour la consommation de Médiator.
 
La Haute-Corse a connu une consommation inférieure à la Corse-du-Sud bien que supérieure à la moyenne nationale. 1 072 personnes ont consommé du Médiator au cours de l’année 2009 soit 0.65 % de la population totale. A l’inverse, des départements du Nord comme la Mayenne, où seulement 0,1 % a consommé du Médiator. Cependant, si l’on compare uniquement avec les départements du pourtour méditerranéen, la Haute-Corse reste celui qui en a consommé le moins.
Classement des départements métropolitains dans la consommation du Médiator
Classement des départements métropolitains dans la consommation du Médiator

Un « tropisme méditerranéen »

La Corse, à l'image de la majorité des départements méditerranéens, n’est pas une région particulièrement touchée par le diabète. En effet, selon les chiffres de l’Institut national de veille sanitaire, la prévalence du diabète dans les deux départements concerne entre 4,01 % et 4,51 % de la population générale.  A l’inverse, les départements du Nord ont dans une grande majorité un nombre de diabétiques plus élevé. Pourtant, ils présentent un taux de consommation de Médiator inférieur à ceux du Sud-Est.

Cette différence entre le nombre de diabétiques et la consommation de Médiator a également interpellé le journal Médiapart qui, dans un article publié la semaine dernière, évoquait un « étrange effet méditerranéen ». Pour le site d’infos en ligne, « le « tropisme méditerranéen » des prescriptions suggère fortement une utilisation massive à visée amaigrissante ». Il aurait été plutôt utilisé pour ses propriétés anorexigènes pour accompagner des régimes. Est-ce la « proximité des plages » qui a favorisé sa consommation du Médiator, ou bien, comme le suggère le collectif ITS, le lobbying des laboratoires Servier qui  avaient « des visiteurs médicaux très performants dans le Sud » ? Difficile de répondre.
 
Certains pointent également la responsabilité de l’administration chargée du contrôle : la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. « Soit la CNAM avait connaissance de ce mésusage et n’a rien fait, ce qui nous semble hautement critiquable. Soit elle ne le savait pas mais aurait facilement pu le découvrir » ajoute l’ITS. Surtout qu’en 1998, une étude en forme d’avertissement effectuée par l’URCAM de Bourgogne relevait déjà 35 % de prescriptions « hors AMM » dont 86% à visée amaigrissante. « En ce cas, la CNAM a pêché par défaut de surveillance ce qui nous semble également fort regrettable » conclut le collectif.