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Rapport sur l’évolution institutionnelle de la Corse : un pas vers l’autonomie ?


Philippe Peraut le Samedi 16 Octobre 2021 à 10:07

La restitution du rapport de Wanda Mastor sur l’évolution institutionnelle de la Corse, présentée ce vendredi à l’Hôtel de Région, marque une avancée dans la politique que souhaite engager l’actuelle majorité territoriale. Un document de 260 pages, vingt-huit élus interrogés et quinze propositions qui mettent en relief deux axes : le renforcement démocratique des institutions et l’évolution institutionnelle conduisant à un statut d’autonomie.



La présentation à l'Hôtel de Région à Aiacciu du rapport de Wanda mastor sur l'évolution institutionnelle de la Collectivité de Corse.
La présentation à l'Hôtel de Région à Aiacciu du rapport de Wanda mastor sur l'évolution institutionnelle de la Collectivité de Corse.
Très attendue, la restitution du rapport de Wanda Mastor, professeure agrégée des facultés de droit, sur l’évolution institutionnelle de la Corse, s’est déroulée ce vendredi 15 octobre à l’Hôtel de Région. À la tribune, la juriste, Gilles Simeoni, Président de l’Exécutif, Marie-Antoinette Maupertuis, Présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Jeanne Nicoli, Présidente du CESEC, Romain Colonna, président de la commission des compétences législatives et réglementaires, Marie-France Bereni-Canazzi, présidente de la commission d’évaluation des politiques publiques, et Jean Biancucci, président du groupe « Fà populu inseme » à l’Assemblée de Corse. Des absents de marque parmi lesquels les trois autres présidents de groupe.

Une mission claire
Le président de l’Exécutif avait confié, il y a tout juste un mois, à Wanda Mastor une mission claire, celle de consulter des acteurs et de rédiger des propositions sur deux sujets phares : le renforcement du fonctionnement démocratique des institutions existantes et la revendication d’une autonomie de plein droit et de plein exercice. Gilles Simeoni pose en préambule ce rapport comme : « la contribution majeure aux débats à venir. Il s’inscrit dans la continuité des engagements pris, en tant que candidat, autour du renforcement démocratique et du statut d’autonomie que l’on s’est engagé à promouvoir pour la Corse. Un principe largement validé par le suffrage universel ». Il rappelle qu’au niveau des échéances à court terme, l’Association des Régions de France devrait publier un Livre Blanc sur la décentralisation d’ici à la fin de l’année et appelé les futurs candidats à l’élection présidentielle « à se positionner sur ce point ».

28 entretiens
Pour sa part, Wanda Mastor tient à préciser « l’indépendance intellectuelle » de sa démarche, les deux rapports précédents ayant été rédigés sous les mandatures précédentes à la demande d’abord de Paul Giacobbi et ensuite de Jean-Guy Talamoni. « Cette mission est beaucoup plus large que les précédentes. Je me suis astreinte à rester neutre et objective ». Autour du mot « autonomie », elle met en exergue les 28 entretiens effectués avec des élus d’hier (Dominique Bucchini, José Rossi, Paul Giacobbi, Camille de Rocca Serra, Ange Santini), d’aujourd’hui (Marie-Antoinette Maupertuis, Jean-Christophe Angelini, Jean Biancucci, Paul-Félix Benedetti, Josepha Giacometti, Louis Pozzo di Borgo, Laurent Marcangeli, Jean-Charles Orsucci), des élus d’autres îles (Gaetano Armano de Sicile, Francina Armengol Socias des Baléares), les députés Jean-Félix Acquaviva, Jean-Jacques Ferrara et Paul-André Colombani, le député européen François Alfonsi, les sénateurs Jean-Jacques Panunzi et Paulu-Santu Parigi, deux vice-présidents de l’Assemblea di a Ghjuventù (Petru Antò Vesperini et Camille Martelli), la présidente du CESEC, Marie-Jeanne Nicoli, le maire de Bastia Pierre Savelli, la présidente du comité d’évaluation des politiques publiques, Marie-France Benetti-Canazzi, l’ancien Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, et l’ancien ministre de l’intérieur, Pierre Joxe…

Quinze propositions

Réformer le Conseil exécutif
  1. Fusionner certaines agences et Office avec la nécessité de faire un audit au préalable.
  2. Permettre au président du Conseil exécutif de Corse d’ester en justice, en demande ou en défense, sur délégation de l’Assemblée de Corse pendant la durée de son mandat.
  3. Permettre à l’Assemblée de Corse de déroger à titre expérimental à certaines dispositions de la loi sur habilitation législative.
 
Renforcer les droits de l’opposition
  1. Elire les membres de la Commission permanente de l’Assemblée de Corse à la représentation proportionnelle au plus fort reste.
  2. Confier la présidence de l’une des trois Commissions organiques à un membre d’un groupe minoritaire, de l’opposition, ou apparenté à l’un des deux.
 
Renforcer les relations avec les 4 organes consultatifs
  1. Pour donner aux avis du CESEC leur fonction première qui est d’éclairer les élus surtout dans le cadre des avis obligatoires, tenter d’instaurer une bonne pratique du délai raisonnable.
  2. Élargir la conférence des présidents à la présidence du CESEC.
  3. Déléguer la présidence de la Chambre des territoires à un représentant des communautés de communes.
  4. Création d’un référent politique jouant le rôle d’interface entre l’Assemblea di a Ghjuventù et le Conseil exécutif.
 
Renforcer le contrôle des institutions
  1.  Consacrer l’existence du Comité d’évaluation des politiques publiques dans le règlement intérieur de l’Assemblée de Corse. Et réformer sa composition pour renforcer son indépendance (absence du conseil exécutif comme membre de droit) et son caractère démocratique (augmentation des citoyens tirés au sort).
  2. Bâtir un plan anti-corruption. Nommer un référent déontologique chargé de présider un comité de pilotage composé de la Direction du contrôle interne et de l’Inspection générale de la Collectivité, des membres de la Commission de déontologie de l’Assemblée de Corse et des secrétaires généraux du Conseil de l’Exécutif et de l’Assemblée.
 
Renforcer le lien entre le peuple et les élus
  1. Créer des conférences citoyennes corses, appelées « Pievi » sur le thème du développement durable. Elles seront organisées au sein de territoires et composées, pour un tiers de personnes tirées au sort, un tiers de personnes désignées par l’Assemblée de Corse sur la base de candidatures, et un tiers de personnes élues au sein des milieux associatifs, syndicalistes et religieux.
 
Insérer la Corse dans la Constitution
  1.  Insérer la notion de peuple corse dans la Constitution.
  2.  Réviser la Constitution pour y insérer la possibilité de l’enseignement immersif des langues régionales.
  3. Insérer la Corse dans la Constitution avec trois options :
    1. Option a minima : pouvoir d’adaptation des normes nationales dans l’article 72–5
    2. Option médiane : autonomie législative dans l’article 74–2
    3.  Option a maxima : autonomie législative avec perspective d’un référendum d’autodétermination au nouveau titre XIII bis.

Une deuxième phase de consultation

« Il appartient désormais aux élus de décider ce qu’ils vont retirer de ce document », commente Wanda Mastor. « Il est substantiel. Je n’ai fait que fournir une boîte à outils pour répondre à la question : comment nos institutions peuvent-elles mieux respirer démocratiquement en interne et en externe afin d’avoir plus d’outils pour négocier l’autonomie ? ». Pour Gilles Simeoni, « ce document est la synthèse de nombreuses revendications. Il permet à des acteurs politiques de tous bords de faire des propositions. C’est aussi le point de départ de débats à mener et de décisions à prendre… À travers les deux enjeux majeurs : le renforcement de la respiration démocratique de notre société et sa concrétisation dans un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice...Un gros travail nous attend. On va hiérarchiser les priorités, mais ce point de départ était essentiel ». Ce rapport sera discuté lors de la session de fin octobre à l’Assemblée de Corse après, sans doute, un examen en Commission permanente. La mission de Wanda Mastor n’est pas terminée pour autant. Une deuxième phase de consultation va débuter auprès d’autres élus non représentés au sein de l’hémicycle, de personnalités de la société civile, mais aussi des religieux, associatifs...Un travail qui, celui-là, s’étalera sur un an. Un premier pas d’où ressort un consensus sur une volonté d’autonomie, même si l’interprétation diffère selon les interlocuteurs.