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Pass vaccinal en débat : la position des députés corses


Julia Sereni le Mercredi 5 Janvier 2022 à 13:38

L’Assemblée nationale a débuté lundi 3 janvier l’examen du projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire », qui prévoit notamment la transformation du pass sanitaire actuellement exigé dans de nombreux lieux publics en un pass vaccinal. Si le gouvernement comptait sur une adoption définitive le 15 janvier, les débats particulièrement houleux pourraient bousculer ce calendrier. Du côté des députés corses, l'opposition au texte est unanime. Ils nous expliquent pourquoi.



Pass vaccinal en débat : la position des députés corses

Jean-Jacques Ferrara, député LR de la première circonscription de Corse-du-Sud : "C’est une obligation déguisée"

Je suis vacciné et pour la vaccination. Mais dans la mesure où on ne la rend pas obligatoire, il faut accepter l’idée que certains ne soient pas vaccinés. Si on pense que c’est criminel, comme semble le dire le président de la République, alors il faut la rendre obligatoire. Là, le pass vaccinal, c’est une obligation déguisée, le ministre de la Santé Olivier Véran l’a d’ailleurs reconnu. Avec, en plus, des points très gênants, comme la vaccination des enfants. Des amendements ont été consentis sur ce sujet mais la question reste problématique. Autre point important, les déplacements entre les régions, car cela nous touche directement. Comment interdire à des citoyens de se déplacer librement ? Sur le continent, la question est moins grave car on peut se déplacer en voiture, mais pour nous, cela n’est pas possible. Sans bateau, sans avion, le citoyen ne peut ni entrer, ni sortir de Corse. La liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale, c’est donc très gênant de la restreindre. Ce sont, pour moi, les éléments les plus choquants du projet de loi.
 
Ensuite, sont arrivés les débats et les conditions dans lesquelles ils se sont déroulés. Lundi, une prolongation de séance a été demandée par le ministre, qui ne s’est pas rendu compte qu’il n’était pas majoritaire. Il restait 600 amendements et il était minuit. Cela participe à une curieuse façon de considérer ou plutôt de déconsidérer le Parlement. C’est un chantage permanent, où l’on nous dit que nous sommes des inconscients car plus le temps passe, plus les gens meurent… C’est inacceptable. Si on ne peut plus discuter de lois de cette nature tranquillement ! Hier après-midi, nous reprenons, et là, patatras ! L’interview du président, qui dit qu’il veut "emmerder les non vaccinés", tombe. Là encore, c’est une curieuse considération du Parlement. Ce n’est pas digne. Un président de la République ne peut pas tenir ce genre de propos. La loi est faite pour protéger préserver, donner des garanties, pas pour "emmerder". 

Jean-Félix Acquaviva, député de la seconde circonscription de Haute-Corse (Libertés & Territoires) : "De trop grandes atteintes aux libertés"

Le Projet de loi de gestion sanitaire cible expressément et quasi-exclusivement les non vaccinés. Pour ne pas instaurer l’obligation vaccinale pour tous qui impliquerait la responsabilité juridique et financière de l’Etat en cas de préjudice causé, il est proposé un "pass vaccinal" excluant d’un certain nombre d’activités, de services, les non-vaccinés même titulaires d’un test de virologie négatif lors de l’accès à ceux-ci.
Le vaccin est présenté dans ce projet de loi comme l’horizon indépassable de lutte contre les variants. Or, s’il préserve en général et en grande majorité des formes graves il ne permet plus d’empêcher la transmission du variant Omicron par les vaccinés.
[...] De vraies questions doivent être traitées, non dans le cadre d’un état d’urgence permanent mais désormais dans le cadre normal d’une recherche d’apaisement et de responsabilité : la question grave de la vaccination des mineurs et de leur non accès aux activités, légitimement angoissante pour les familles, en fait partie, tout comme celle de la liberté d’aller et venir par exemple. Et l’évaluation de l’efficacité réelle des politiques mises en place dans un laps de temps court devrait être la règle. Tout comme la concertation, voire la co-construction des mesures avec les territoires. En particulier avec la Corse.

Les coups de menton, les vraies-fausses annonces concernant la fin de la pandémie, les rapports de force permanents, les ciblages et mises à l’index doivent cesser. C’est une pluralité de moyens construits de manière collective qui permettra à la société de juguler le caractère dramatique de la pandémie et d’anticiper plus rationnellement la venue probable de nouveaux variants. Cela suppose humilité, écoute, pédagogie, détermination, vérité, transparence et responsabilité. Ce n’est pas un chemin simple. Mais cette crise ne peut être surmontée que dans la cohésion, pas en créant de nouvelles fractures. Je suis vacciné et pour promouvoir le vaccin, mais en l’état des trop grandes atteintes aux libertés, des angoisses entretenues, et d’une méthode délétère je suis opposé à ce projet de loi dit du “passe vaccinal”. Des questions centrales telles que la vaccination des mineurs et la liberté de se déplacer font l’objet de toute mon attention. J’en appelle encore une fois à la raison. Et en dehors de toute polémique politicienne liée en particulier aux présidentielles qui arrivent, j’invite à ce que nous prenions le chemin de l’éthique de vérité et de responsabilité.

Michel Castellani, député de la première circonscription de Haute-Corse (Libertés & Territoires) : "Il faut distinguer la vaccination et le pass"

Depuis cette nuit, le débat ne porte plus sur le pass vaccinal. Jusqu’à maintenant, nous cherchions la meilleure formule pour rendre moins virulente l’épidémie, mais le combat a changé d’armes. Quand le président de la République considère qu’il faut "emmerder les gens", cela bloque tout. Pour ma part, je considère qu’il faut distinguer la vaccination et le pass. La vaccination est un beau moyen pour ralentir le virus et le rendre moins virulent et transmissible. Le pass met une contrainte sur les gens, c’est un système privatif de liberté, qui s’ajoute à bien d’autres mesures déjà prises par le gouvernement. Je suis vacciné et favorable à la vaccination, j’ai eu moi-même le Covid et je suis pourtant très réservé, et encore plus depuis cette nuit. Le rôle du président de la République n’est pas de mettre de l’huile sur le feu d’une société déjà profondément divisée. Pour ce qui concerne la Corse, j’ai déposé un amendement pour que les gens puissent se déplacer en cas de nécessité impérieuse, professionnelle ou personnelle.

"Trop d’incohérences" pour Paul-André Colombani, député de la seconde circonscription de Corse-du-Sud (Libertés & Territoires)

Le pass vaccinal prend le relais du pass sanitaire. Il y a eu plusieurs versions de ce dernier, et dans la toute première, nous avions demandé des dispositions propres à la Corse, qui avaient été acceptées, je l’avais donc votée. Mais depuis, dans les autres versions, il y a trop d’incohérences et c’est pour cela que j’ai fini par m’y opposer. Il y a des atteintes aux libertés individuelles, de circuler, qui ne sont pas acceptables. La vaccination des adolescents et des enfants inquiète trop les gens. Les dispositions sur le télétravail bafouent les bases du code du travail. Comment exercer, par exemple, le droit syndical de cette manière ? Cela fait deux ans que nous sommes dans cette situation, et il y a encore une grande impréparation sur ces sujets. On ne peut donc pas adhérer à ce texte. Par ailleurs, le ton des débats est inacceptable, avec, en plus, la "couche" rajoutée hier par le président. Quand on est élu, de conseiller municipal à député, et a fortiori président, on est élu de tout le monde et on doit respecter les citoyens et les libertés de chacun. Je le dis depuis le début, en tant que médecin je suis favorable à la vaccination mais on doit tout faire pour maintenir un niveau de dialogue serein.