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Les lieux culturels restent fermés 3 semaines de plus : les professionnels corses réagissent


Laurent Hérin le Vendredi 11 Décembre 2020 à 18:08

« Les établissements recevant du public resteront fermés trois semaines de plus » a annoncé hier, jeudi 10 décembre, le Premier ministre Jean Castex, sans concertation préalable avec les professionnels de la culture. Un coup de massue pour ce secteur d’activité déjà fortement touché et qui s’attendait à une reprise de l’activité au 15 décembre. Nous avons recueillis le témoignage d’acteurs insulaires.



La culture en berne, pas de réouverture des lieux culturels au 15 décembre
La culture en berne, pas de réouverture des lieux culturels au 15 décembre
Le monde de la culture avait beau s’y attendre, la pilule est dure à avaler. Aucune salle de spectacle, d’exposition ou de cinéma ne rouvrira avant le 7 janvier, dans le meilleur des cas. Si la profession s’est fortement mobilisée durant la journée de vendredi, notamment sur les réseaux sociaux – relayant ces fameuses vidéos qui compare une salle de cinéma avec une grande surface – elle a surtout espéré jusqu’au bout. Mais le miracle tant attendu n’est pas arrivé. Le Premier ministre a confirmé que les « établissements recevant du public resteront fermés trois semaines de plus » repoussant à janvier la prochaine décision les concernant. De son côté, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a encore brillé par son absence.
 
Interrogé sur cette décision gouvernementale, trois acteurs de la culture insulaire réagissent à ce nouveau coup de massue.
 
1. Les lieux de culture, cinémas et théâtres vont rester fermés au moins jusqu’au 7 janvier. Votre réaction ?
Juana Macari, directrice du Centre culturel Una Volta se dit « particulièrement révoltée. C’est encore un coup d’arrêt pour la culture. J’ai écouté la fin du discours de Jean Castex et je constate à nouveau que les centres culturels ne sont pas évoqués. Nous sommes des acteurs majeurs avec nos pluriactivités (expo, ateliers, événements, etc.) Lors du précédent confinement, le Président Macron en avait pourtant parlé “ Nos enfants vont retrouver les pratiques artistiques” mais cette fois, pas un mot. Tout ce temps perdu que nous ne pourrons pas rattraper. Je suis écœurée… »
Emilie Fenouil du cinéma L’Ellipse à Ajaccio ne trouve pas ses mots : « Que dire. C’est ridicule, terrible… On avait des séances prévues, on espérait au moins recevoir les scolaires et puis notre public bien-sûr. Au début du confinement, on se doutait qu’une ouverture en décembre n’était pas possible, le Gouvernement nous a donné de faux espoirs. La période des fêtes aurait "boosté" les entrées alors que janvier est un mois très faible. On va finir par ne plus croire à toutes ces annonces ! »
Daniel Benedittini, exploitant du cinéma le Régent ne mâche pas ses mots non plus : « C’est une grosse déception. J’ai écouté l’allocution avec attention. On est exaspéré, on a l’impression d’avoir travaillé pour rien ! Rouvrir un cinéma demande de l’énergie et de l’investissement : refaire la programmation, communiquer, commander les affiches, faire tourner les machines, etc. On misait aussi sur les Rencontres de l’animation, il y a eu un gros travail des bénévoles pour être prêt et faire une belle fête. Elle est à nouveau repoussée, je suis triste. On avait prévu des séances à l’Alb’oru, on avait réfléchi à une programmation cohérente avec les autres exploitants. C’est le point positif, il y a eu une belle solidarité avec les acteurs culturels insulaires. Mais bon, tout ça pour rien au final… »
 
2. Dans la pratique, comment allez-vous faire ?
« L’Ellipse est un établissement solide et Michel Simongiovanni – le directeur – a passé toute son équipe en chômage partiel, nous confirme Emilie. On devrait tenir, on est moins précaire que certains établissements dans d’autres domaines. Mais c’est dur. Notre activité c’est de fournir du bonheur aux gens. Là on a l’impression de ne servir à rien… »


Juana aussi a passé tout son staff en chômage partiel. « Je n’ai pas le choix, nous explique-t-elle. On maintenait un accueil téléphonique à Una Volta mais on va fermer complètement pendant deux semaines. Alors que des stages étaient prévus. C’est triste. Pour le moment, les financeurs nous soutiennent mais pour combien de temps ? Je suis inquiète quand je vois comment la culture est considérée actuellement. On a de quoi avoir peur pour l’année à venir. On sait que la culture est souvent dans les premiers budgets sacrifiés. J’ai bien peur qu’on doive se serrer la ceinture… » Daniel est sur la même longueur d’onde : « C’est un gros coup au moral. Evidement je prends en compte les risques de cette épidémie qui circule mais franchement, il n’y a pas eu de cluster signalé dans des salles de spectacle. On avait mis en place un protocole strict, on était même prêt à le renforcer. Mon personnel est en chômage partiel mais ça va devenir très difficile si la situation se prolonge. »
 
3. Du coup, à plus long terme, comment envisagez vous le début d’année ?
Daniel n’est pas rassuré : « La date du 7 janvier a été évoquée mais on se demande si elle va être effective ou si, comme jeudi, le Gouvernement va encore repousser. On voit se profiler une réouverture au 20 janvier, en même temps que les bars et restaurants. Du moins on espère… Je n’ai pas de boule de cristal ! J’espère juste que les gens ne vont pas oublier la salle, qu’ils auront envie de revenir. J’essaye d’y croire, je garde espoir. La preuve, j’ai toujours l’intention de mener à bout mon projet de multiplexe. Même si la période nous a fait prendre du retard… »
La directrice du Centre culturel garde espoir : « Trois expositions sont prêtes depuis début novembre. On espère les montrer à la rentrée. On voudrait à nouveau proposer nos ateliers et nos stages aux adhérents. La plupart sont impossible à réaliser en visio. Il y a aussi les Rencontres du film d’animation que l’on repousse pour la deuxième fois [prévue en novembre puis en décembre, NDLR] qu’on espère pouvoir déplacer en janvier. Mais on ne sait plus. Il va y avoir embouteillage, on pense déjà à la prochaine édition de BD à Bastia qui se déroule du 25 au 28 mars. On va continuer à y croire ! »
Même son de cloche du côté de L’Ellipse : « On n’a pas de visibilité. Les distributeurs qui avaient misé sur le 15 décembre sont dépités. Les Festivals nous sollicitent pour trouver des dates dès janvier. Il risque d’y avoir embouteillage, sur les sorties de films et sur les événements. Mais bon, que dire, à part : The Show must go on… »