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Gilles Simeoni : « Aux municipales, les Corses ont dit clairement qu’ils ne voulaient pas d’un retour en arrière »


Nicole Mari le Mardi 30 Juin 2020 à 16:47

Lors de la dernière session de juin de l’Assemblée de Corse, deux jours après le 2nd tour des élections municipales, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, patron des nationalistes modérés, Gilles Simeoni, a livré un commentaire impromptu sur ce scrutin. Il estime que les Corses ont rejeté en bloc les logiques antinationalistes et affirmé clairement qu’ils ne voulaient pas de retour en arrière. Se félicitant de l’unité de vote de l’électorat nationaliste, il appelle à une réflexion interne à la majorité territoriale et annonce qu’il prendra un certain nombre d’initiatives pour mettre en œuvre cette réflexion commune.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et leader de Femu a Corsica. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et leader de Femu a Corsica. Photo Michel Luccioni.
C’est une prise de parole à chaud, impromptue, en même temps ferme et claire avec un message envoyé à une certaine opposition tant extérieure qu’intérieure. C’est aussi un appel à la raison et au dialogue que Gilles Simeoni a lancé à la famille nationaliste dans ce qui semble être une réponse sibylline à des sous-entendus critiques, émanant depuis deux jours de ses partenaires de la majorité, qu’ils aient été victorieux ou, en certains lieux, laissés sur la touche. Epuisé par la séquence électorale enchainée sans répit après la séquence COVID, mais pas vraiment enclin à laisser tirer des bordées ou des leçons sur son dos, le leader nationaliste et président de l’Exécutif territorial a mis, d’un ton sobre et monocorde, les choses aux points, en décochant au passage quelques tacles bien orientés.
 
Des vies ou des voix
Comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises, il a replacé, d’emblée, la séquence électorale dans son angoissant contexte sanitaire qui en a fortement troublé le déroulement et peut-être même, en certains lieux, le résultat. « Les élections municipales sont un moment important de notre vie collective et démocratique. Elles se sont, cette année, déroulées dans un contexte inédit, profondément bouleversé par l’épidémie du COVID19. Elles ont commencé le 15 mars et se sont achevées le 28 juin. Pendant plusieurs semaines, la nécessité de faire face à l’urgence impérieuse et d’aider à sauver des vies a, pour ce qui me concerne, comme pour beaucoup d’élus en situation de responsabilités, pris le pas sur toute autre considération, notamment sur les exigences habituelles d’une campagne électorale. Il est normal qu’il en ait été ainsi parce qu’au dessus de tout, il y a la vie et la nécessité de protéger les personnes qui sont exposées à la maladie, qui risquent de la contracter, exposées pour la combattre et la guérir. C’était aussi le sens de l’appel au report du 1er tour des élections municipales que j’ai fait en mon âme et conscience, y compris en sachant que cet appel risquait de nous desservir conjoncturellement d’un point de vue de l’arithmétique électorale. Il faut mieux essayer de sauver une vie que de gagner des voix ! ».
 
Equité et solidarité
Ce point évacué, il félicite sans surprise les nouveaux élus et leur assure de son soutien sur des principes mis en place depuis son accession aux responsabilités : « J’adresse mes félicitations à ceux et celles qui ont été élues, notre gratitude à celles et ceux qui, de façon générale, se sont présentés parce que c’est un acte d’engagement au service de l’intérêt généralUn certain nombre de membres de la majorité ont été élus dimanche, c’est une grande joie pour nous. Une joie humaine et une joie politique. Je les félicite chaleureusement…  Bien sûr, j’adresse mes vœux de réussite à celles et ceux qui seront en situation de responsabilité dans le mandat à-venir. Je tiens à leur dire que la Collectivité de Corse sera, comme c’est son rôle et son devoir, aux côtés des communes et intercommunalités de l’île pour les soutenir et les accompagner dans leurs projets. Nous continuerons à placer au cœur de l’engagement de la CDC les principes d’équité et de solidarité entre les territoires comme entre les citoyens ». Un message attendu, mais pas anodin dans les turbulences sanitaires et financières dans lesquelles se débattent ou vont se débattre nombre de collectivités locales confrontées aux conséquences de l’urgence sanitaire.

Dimanche soir à Bastia. Photo Livia Santana.
Dimanche soir à Bastia. Photo Livia Santana.
Une réflexion commune
Ce préalable établi, Gilles Simeoni tire sans ambages les premières leçons d’un scrutin que beaucoup de monde dans l’opposition espérait ou, parmi ses alliés prophétisait catastrophique pour la majorité territoriale, et plus précisément pour le patron de l’Exécutif qu’il est. Même s’il avoue que l’Assemblée de Corse n’est pas le lieu pour se livrer à une analyse détaillée, - « j’aurais l’occasion d’y revenir », affirme-t-il -, sa première leçon est affaire intérieure aux Nationalistes : « Certes, le recul manque pour tirer les leçons du scrutin municipal. Il y aura certainement une indispensable réflexion interne à la majorité territoriale à mener. Il y aura aussi à écouter ce que nous ont dit les Corses à travers le suffrage universel et à créer des espaces pour que nous puissions tirer les leçons de ce que nous avons fait, de ce que nous n’avons pas encore réussi à faire et de ce que nous devrons faire. En ma qualité de président du Conseil exécutif de Corse, je vais, après m’en être entretenu avec les principaux responsables de la majorité, prendre un certain nombre d’initiatives qui, je l’espère, concourront à cette réflexion commune ».
 
Pas de retour en arrière
La seconde leçon, que Gilles Simeoni tire, est une riposte froide à ses adversaires, notamment à Bastia, qui l’enterraient, il y a encore peu, avec tambour et trompettes : « Qu’il s’agisse de ce qu’a voulu faire ou donner comme dimension à ce scrutin municipal notre opposition de droite comme de gauche en l’investissant d’une dimension territoriale, les urnes ont ce que les Corses pensaient de cette façon de poser la question. De façon majoritaire, les Corses ont dit clairement qu’ils ne voulaient pas d’un retour en arrière concernant les pratiques qui ont marqué l’histoire politique et sociologique de ce pays, qu’ils ne voulaient pas d’un retour en arrière concernant un certain nombre de thématiques. Je crois que les Corses, majoritairement, de façon profonde, continuent de vouloir que la Corse et son peuple restent sur la trajectoire que nous avons initiée ensemble il y a des décennies et qui s’est concrétisée au plan électoral en mars 2014 à Bastia à l’occasion des élections municipales, puis en décembre 2015, en juin 2017 et en décembre 2017. Ils ont dit aussi qu’ils ne veulent pas de la logique « bloc contre bloc » que certains de nos adversaires politiques ont voulu placer au cœur de leur positionnement, y compris municipal. Les Corses ont dit clairement que le fait de se mettre ensemble pour battre les Nationalistes ne correspond pas à ce qu’ils attendent ». Il y voit « la confirmation que ce que nous avons dit devant les Corses, notamment en décembre 2017, nous devons continuer à le dire et surtout à le faire. Pour moi, l’engagement dans le fil historique du combat de ce peuple pour son droit à la vie et à l’émancipation est indissociable de la volonté de construire la Corse avec tous les Corses. C’est ce que nous allons continuer à faire ensemble. En tous cas, c’est ce que je proposerai. Nous aurons l’occasion d’en parler ».
 
Un signe d’espoir fort
Autre « signe d’espoir fort » pour Gilles Simeoni, c’est l’attitude des Nationalistes, qui, dimanche, ont su, à la volée, faire taire les amertumes, les querelles intestines et les dissensions diverses, et voté en bloc, toutes familles confondues, dans les scrutins majeurs : « Au-delà des divergences et des difficultés qui existent à lire la stratégie des uns et des autres, l’électorat, notamment nationaliste, n’en a pas tenu compte. De façon massive au 2ème tour, il a voté en faveur des candidats qui s’inscrivaient clairement dans le fil historique du combat qui est le nôtre… Les victoires de dimanche sont le signe d’un enracinement profond. Il n’y a pas un seul conseil municipal en Corse dans lequel il n’y ait pas des élus nationalistes ». Espoir, enfin, donné par la jeunesse que le leader modéré avait déjà salué dimanche soir à Bastia, lui attribuant le mérite de la victoire. « Le dernier message, que nous ont fait passer les électeurs dimanche et que je veux retenir, est celui d’une jeunesse qui s’est massivement engagée et investie. Plus encore que nous, elle croit au présent et à l’avenir de notre île et de notre peuple ».
 
N.M.