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"Garder la mémoire de la barbarie"


Marilyne SANTI le Mercredi 29 Janvier 2014 à 23:08

A l’occasion de la Journée Nationale de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'Humanité, Michel Barat, recteur de l’académie de Corse, s’est rendu au collège de Porticcio où il a aminé une conférence-débat en présence de la classe de 3éme2 et de leur professeur Roselyne Hurson, professeur certifiée en Histoire-géographie. Une démarche éducative présente dans tous les collèges et lycées de Corse et associée aux cérémonies du 70 ème anniversaire de la libération de la Corse.



Trois génocides reconnus par l'ONU

"Garder la mémoire de la barbarie"
Un travail de mémoire qui doit passer prioritairement par l'éducation des enfants et des adolescents. Depuis 2003, la journée du 27 janvier (anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz), a été décidée journée du souvenir en France et en Allemagne. L’occasion pour la communauté éducative d’engager une réflexion sur des parts d’histoires qui ont dépassées l’horreur et de rappeler les valeurs humanistes qui fondent notre démocratie.
« Une telle journée n'a pas pour but de perpétuer la mémoire de l'horreur mais d'apprendre aux élèves à être vigilants, à défendre les valeurs démocratiques et à combattre l'intolérance". Conférence de Cracovie (octobre 2000).
Trois génocides sont actuellement reconnus par l’ONU, celui des juifs par les nazis pendant la seconde guerre mondiale, des arméniens par l’Empire ottoman d’avril 1915 à juillet 1916 et des Tutsis au Rwanda, commis par les milices hutues extrémistes en 1995.
« Garder la mémoire de la barbarie qui s’est produite dans notre pays, sur l’Europe, dans le monde et celle des hommes et des femmes qui refusèrent la soumission à un ordre inhumain, fondé sur le racisme, le déchainement de la violence sans limite. La mémoire est bien plus que l’histoire, elle garde vivant dans la conscience et même dans l’inconscient des personnes et des citoyens des évènements, mais d’abord les visages de femmes et d’hommes qui nous ont permis de continuer d’être ce que la République nous a fait, c'est-à-dire des femmes et des hommes libres et égaux… » C’est en ces termes que le recteur d’académie a débuté cette conférence-débat devant des collégiens déjà fortement sensibilisés au sujet par leur professeur d’histoire.

Interview de Roselyne Hurson, professeur certifiée en Histoire-géographie

- Cette journée a été marquée par la venue du recteur de Corse et de l’inspecteur d’académie de la Corse du Sud dans votre classe. Comment avez-vous préparé ce moment avec vos élèves ?
- Mes élèves de troisième avaient déjà étudié avec moi le génocide Arménien et le génocide des Juifs, des Slaves et des Tziganes, à l’aide de divers supports tels que des photos, des images d’archives et des témoignages de survivants. L’idée de mon intervention a été de faire une synthèse des évènements, de retenir l’essentiel en présence du Recteur. La venue des plus hautes autorités de l’Education Nationale prévue dans leur classe a permis aux élèves de prendre conscience de l’importance et de la nécessité de commémorer la mémoire des victimes. Ils ont été impressionné et surpris par la solennité de l’événement à venir, ce qui participe déjà à une prise de conscience dans leurs jeunes esprits.

- Quelle est le but de cette journée du 27 janvier ?
- Chaque année, le ministère de l’Education nationale invite l’ensemble de la communauté éducative à engager une réflexion avec les élèves sur l’Holocauste et les génocides reconnus. Ce 27 janvier est la date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Cette journée de commémoration n’a pas pour unique but de rappeler la barbarie qu’a eu lieu, l’objectif est également de s’attaquer aux causes afin de prévenir d’autre crimes, en amenant les jeunes à connaître l’autre à travers sa diversité et sa richesse.

- Lorsqu’on est professeur d’Histoire, comment engage t-on une réflexion avec des élèves de troisième sur le sujet sensible qu’est le génocide ?
- Le génocide Arménien et la Shoah sont très difficiles à transmettre car il y a une charge affective énorme… C’est difficile, mais c’est nécessaire. L’Holocauste s’éloigne dans le temps, le nombre de survivants diminue… Comment enseigner l’indicible ?
Il faut rappeler aux jeunes que c’est à nous de nous souvenir et de défendre la dignité humaine. Nous avons tous, face à cette violence de masse, à ces guerres d’anéantissement, un devoir de mémoire envers ces populations civiles sacrifiées sur l’autel de la haine, du racisme et de l’antisémitisme.
Se souvenir, c’est s’incliner devant ces millions d’hommes, de femmes et d’enfants, uniquement coupables « d’être nés », ils ne doivent jamais être oubliés.
Se souvenir, c’est aussi constamment être vigilant car le crime peut encore se produire.
Se souvenir, c’est comprendre le présent et préparer l’avenir ; la conscience des génocides nous permet aussi de choisir, dans notre vie , entre ce que nous acceptons et ce que nous refusons.
Pour les survivants et nous-mêmes, « Oublier, ce serait faillir à notre devoir envers les hommes, ce serait trahir le serment que nous faisons : PLUS JAMAIS CA ».
Cette réflexion doit accompagner constamment tous les documents étudiés en classe.

- Vous utilisez des films, des photos qui peuvent être choquants pour des adolescents. Pour quelles raisons ?
- Effectivement, les élèves se trouvent confrontés à des images terribles des camps d’extermination, et visionnent le film « Nuit et Brouillard » ainsi que le procès de Nuremberg. Lorsque vous leur expliquez par des mots ce que fut la Shoah, ils écoutent et comprennent mais ils ont du mal à se faire une représentation concrète des camps, cela reste abstrait. Les images horribles d’archives leur font prendre conscience de la réalité de cet effroyable génocide et permettent aux jeunes de mettre un visage sur les victimes et les bourreaux, ce qui donne corps à la représentation qu’ils peuvent s’en faire.

- Quels sont les retours de vos élèves face à la réalité de ces horreurs ?
-C’est d’abord pour eux un choc émotionnel très fort, ils sont effarés de l’ampleur du massacre (8 millions de morts civils) et de l’organisation intentionnelle, systématique et programmée de l’extermination d’un peuple ; ils se disent ensuite que cela aurait pu arriver à l’époque à leur mère, leur père, leurs frères et sœurs…Ils s’aperçoivent aussi que ce n’est pas loin dans le temps, que nous ne parlons pas de temps obscurs moyennâgeux…Enfin et surtout, ils se demandent comment cela a été possible sans que personne n’en sache rien ou ne dise rien…

- Devoir de mémoire, mais pas seulement ?
- Cette journée n’a pas pour but principal de perpétrer la mémoire de l’horreur, les élèves marchent beaucoup à l’affectif, c’est à nous, enseignants, de leur faire prendre du recul pour réfléchir ;  la finalité de l’enseignement des génocides est civique : rappeler les valeurs fondatrices de l’humanisme moderne telles que la dignité de la personne, le respect de la vie d’autrui et les fondements de la démocratie. Il faut expliquer aux jeunes comment une démocratie peut basculer aussi vite dans un régime totalitaire xénophobe par le mécanisme des élections en temps de crise économique et de l’appel à la haine incessant contre un bouc émissaire tout désigné.
La finalité de cette journée est aussi d’apprendre aux élèves à être vigilants et à reconnaître d’éventuels prémices de xénophobie, et de refuser, demain, toutes formes de racismes et de discrimination.
Enfin, Rappeler aussi le rôle crucial de tous ceux qui ont combattu la barbarie et la violence au péril de leur vie et qui incarnent les valeurs positives de l’humanité, de la solidarité, de la liberté et de l’engagement : il s’agit là d’éducation à la citoyenneté. 

Etaient présents:
Guy Monchaux directeur académique de Corse-du-Sud,
Jean-Luc GIOCANTI directeur de cabinet
Christiane REVEST inspectrice de la 1ere circonscription d’Ajaccio 
Poli Gilles principal du collège de Porticcio
Lacombe Xavier principal adjoint


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