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Antonia Luciani : « Le volet éducatif et linguistique sera un point central dans les discussions avec Paris »


Nicole Mari le Samedi 3 Septembre 2022 à 20:15

La Conseillère exécutive en charge de l’éducation et de la formation, Antonia Luciani, a effectué la rentrée des classes, vendredi 2 septembre, au lycée Giocante de Casabianca à Bastia, avec le maire, Pierre Savelli, et le député de la circonscription, Michel Castellani. Elle a rencontré les classes de seconde, mais aussi la classe préparatoire khâgnes-hypokhâgnes et le BTS tourisme. L’occasion pour Antonia Luciani de faire un point sur l’action de la Collectivité de Corse (CDC) en matière d’enseignement, de formation et de rénovation thermique des bâtiments qui restent une priorité majeure pour l’Exécutif corse. Elle aborde, aussi, l’enjeu de l’éducation dans le cadre des discussions sur l’autonomie, amorcées en juillet dernier avec le gouvernement.



Antonia Luciani, Conseillère exécutive en charge de l’éducation et de la formation, au lycée Giocante de Casabianca à Bastia, le 2 septembre 2022, jour de la rentrée des classes. Photo CNI.
Antonia Luciani, Conseillère exécutive en charge de l’éducation et de la formation, au lycée Giocante de Casabianca à Bastia, le 2 septembre 2022, jour de la rentrée des classes. Photo CNI.
- Quelles sont les nouveautés pour cette rentrée 2022 ?
- Nous sommes particulièrement contents d’avoir effectué cette rentrée au lycée Giocante de Casabianca parce qu’il fait justement partie d’un des établissements qui ont été sélectionnés pour subir des réelles transformations concernant les bâtiments et les équipements, notamment en matière de rénovation énergétique. Avec l’augmentation du coût de l’énergie, nous devons avoir des bâtiments beaucoup plus performants et adaptés aux enjeux du réchauffement climatique. Nous avons affecté un budget de 3 millions d’euros rien que pour la rénovation de cet établissement. Donc, à partir de 2023, le lycée Giocante bénéficiera d’une isolation complète, d’une chaudière biomasse… Et tout cela concourra à plus de 50 % d’économie d’énergie.
 
- Justement, la CDC a entrepris un vaste plan de rénovation des bâtiments scolaires. Où en est-il ?
- Le plan pluriannuel d’investissements, qui court de la période 2018 à 2023 et que nous aurons à renouveler l’année prochaine, représente 80 millions d’euros. C’est une somme extrêmement importante. La CDC gère 47 établissements d’enseignement secondaire, nous essayons de faire au mieux avec des budgets qui sont, quand même, contraints. De manière globale, on peut être satisfait des établissements et de leur qualité, mais nous savons que nous avons des efforts à faire en ce qui concerne la chaleur en été. Avec l’intensification des canicules, qui arrivent de plus en plus tôt, même au mois de mai ou de juin, voire en septembre, cela peut être un peu compliqué. D’où aussi l’adaptation du calendrier scolaire qui peut nous aider à travailler dans de meilleures conditions.
 
- Vous aviez acté la nécessité de construire de nouveaux collèges et lycées pour faire face à l’augmentation de la population. Qu’est-ce-qui est prévu ?
- Aujourd’hui, la pression démographique la plus importante se situe autour du bassin du Grand Aiacciu. Nous avons effectivement acté le principe de construire deux nouveaux établissements, c’est-à-dire un nouveau lycée et un nouveau collège. Nous avons, depuis le début de cette année, lancé une étude pour avoir une assistance à maîtrise d’ouvrage qui nous aidera à déterminer le meilleur lieu d’implantation. Le but est d’essayer de diminuer les trajets extrêmement importants et, du coup, extrêmement longs avec toutes les difficultés de circulation que nous connaissons à Aiacciu.

- L’inflation impacte lourdement les budgets scolaires. La CDC pourrait-elle mettre en place des dispositifs supplémentaires pour aider les familles en difficulté ?
- Nous avons déjà pris des premières mesures. Dans le dialogue de gestion que nous avons avec les établissements, nous avons demandé à ce que le tarif hébergement-restauration ne subisse pas d’augmentation. Il ne faut absolument pas que l’augmentation des matières premières ait un impact sur les budgets des ménages corses. Donc, s’il y a un surcoût à prévoir sur l’achat des matières premières, d’autant que nous encourageons les achats de produits locaux et Bio, la Collectivité de Corse prendra le reste à charge.
 
- La formation reste-t-elle, pour l’Exécutif nationaliste, un levier important ?
- Oui ! C’est ce que nous avons eu à cœur de redire, vendredi matin, aux BTS et aux étudiants d’hypokhâgne. Nous leur avons dit qu’ils sont dans des filières liées aux enjeux d’aujourd’hui comme le tourisme durable ou les filières khâgnes-Hypokhâgnes qui font la renommée et sont un fleuron pour la ville de Bastia. Nous avons fait le lien avec la candidature de Bastia, capitale européenne de la culture pour leur dire que la filière Lettres faisait complètement partie de cette dynamique. C’est aussi une vitrine pour la ville de Bastia. Nous étions, aussi, très contents de pouvoir les encourager et leur dire de s’accrocher pendant cette première année qui peut être parfois un peu difficile.
 
- Le « Pass cultura » est-il renouvelé ?
- Oui ! Bien sûr ! Le Pass Cultura continue. Nous travaillons à une version numérique. Le chèque papier, c’est bien, mais nous devons passer à une autre ère beaucoup plus adaptée aux besoins des jeunes. On pourrait regrouper à l’intérieur de ce Pass toutes les aides jeunesse qui sont développées par ma collègue, Lauda Guidicelli, afin d’avoir une seule et même application où les élèves et les étudiants retrouveraient toutes les aides de la Collectivité de Corse.

Photo CNI.
Photo CNI.
- La rentrée est aussi politique. Quelle sera la place de l’éducation dans le cycle de discussions qui s’est ouvert avec Paris sur l’autonomie ?
- Aussi bien la culture que le volet linguistique et l’éducation ont une place prépondérante dans les discussions avec Paris. Ils font partie des fondamentaux de la discussion. Notre souhait, à l’heure actuelle, est qu’il n’y ait pas de ligne rouge et qu’on puisse parler de tout. Vous savez qu’il y a un point particulier sur la langue Corse où nous considérons qu’il faut aller plus vite et plus loin, et pas uniquement sur la formation. On a déjà eu un grand plan de formation premier degré qui a été positif, il faut absolument le mettre en place de manière équivalente pour le second degré. Aujourd’hui jusqu’à la troisième, on peut avoir un accès facilité à des filières bilingues, mais après, au lycée, c’est beaucoup plus compliqué. Nous considérons qu’il y a vraiment des efforts à faire. Donc, immanquablement, dans les discussions avec Paris, le volet éducatif et linguistique sera un point central.
 
- Dans les régions autonomes, les collectivités ont aussi leur mot à dire sur le programme éducatif. Est-ce, au-delà de la langue corse, une de vos revendications ?
- En tout cas, ce qui est certain, c’est que nous considérons qu’il doit y avoir des adaptations parce que la Corse a des spécificités historiques, culturelles et linguistiques. A ce titre, nous pourrions avoir un champ d’intervention pédagogique beaucoup plus important que celui que nous avons. Aujourd’hui, nous intervenons sur un certain nombre de programmes pédagogiques, en complément de l’Education nationale, notamment sur le volet culturel et artistique, sur le volet linguistique, sur le volet environnemental et développement durable, mais nous considérons qu’on peut aller encore plus loin. Et, effectivement, la Collectivité de Corse souhaite être complètement partie prenante du volet éducatif.
 
- Souhaitez-vous que l’éducation soit une compétence pleine et entière de la CDC ?
- L’Education nationale reste, quand même, un marqueur fort de l’État français dans sa structure la plus jacobine et traditionnelle. C’est forcément un point d’achoppement ! Mais, en tout cas, nous ne nous interdisons rien à ce stade, je pense que le gouvernement aussi. Nous souhaitons entamer ces discussions sans tabou et voir jusqu’où nous pouvons aller pour que justement la Collectivité de Corse puisse récupérer un maximum de compétences. Nous avons déjà eu ce débat-là lorsque nous avons présenté le calendrier scolaire. Nous étions opposés au calendrier scolaire tout simplement parce que nous considérons que, sur le principe, c’est la Collectivité de Corse qui devrait l’établir. Il en est de même pour d’autres sujets beaucoup plus pédagogiques et liés à l’enseignement.
 
Propos recueillis par M.V.