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En Corse, le tourisme fait exploser le volume de déchets


VL le Jeudi 5 Juin 2025 à 10:01

Avec 632 kg d’ordures ménagères collectées par habitant en 2024, la Corse détient le record national. Un volume largement amplifié par l’afflux touristique estival, qui pèse lourd sur le système de gestion insulaire. En dépit de progrès dans le tri, les ordures ménagères résiduelles et l’enfouissement dominent encore.



Photo d'illustration
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C’est un indicateur peu flatteur que rappelle l’Insee dans son étude publiée ce 4 juin : malgré une baisse par rapport au pic post-Covid de 2021, la Corse reste, en 2024, la région de France où la quantité d’ordures ménagères collectées par habitant est la plus élevée. L’an dernier, 219 700 tonnes de déchets ménagers et assimilés ont été collectées sur l’île, selon l’Observatoire des Déchets Ménagers Corsica, soit l’équivalent de 632 kg par habitant. À titre de comparaison, la moyenne hexagonale est estimée autour de 550 kg.

En 2021, ce ratio atteignait même 722 kg. Cette année-là, marquée par un fort rebond touristique après la pandémie, a constitué un sommet, "mais le recul observé depuis n’efface pas l’écart structurel." observe l'Insee. Même corrigée de la variation saisonnière de la population, qui double durant les mois d’été, la Corse conserve une production supérieure à la moyenne française. Rapportée à une population moyenne annuelle estimée à 420 000 personnes, incluant touristes et résidents secondaires, la production annuelle reste de 599 kg par habitant.

L'île paie le prix de son succès touristique
L’afflux de visiteurs entre avril et octobre, et plus fortement en juillet et août, impacte directement les volumes d’ordures à traiter. En été, le pic atteint plus de 27 000 tonnes collectées sur un seul mois, contre moins de 17 000 tonnes en janvier ou décembre. Cette pression saisonnière est particulièrement visible dans les zones balnéaires et touristiques.

Dans la communauté de communes Sud-Corse, par exemple, le volume de déchets collectés est multiplié par 2,5 entre janvier et août. En moyenne annuelle, le ratio atteint 1 375 kg par habitant, soit plus du double de la moyenne corse. Même constat dans l’Alta Rocca (1 000 kg), le Sartenais-Valinco-Taravo, ou encore en Balagne (près de 970 kg à Calvi). À l’inverse, les agglomérations d’Ajaccio et Bastia, bien que densément peuplées, présentent des volumes plus contenus (respectivement 565 et 570 kg par habitant), en partie en raison d’une moindre variation saisonnière.

La charge touristique se traduit aussi par une production accrue de déchets professionnels, notamment liés à la restauration et à l’hôtellerie, non comptabilisés dans les DMA mais qui viennent saturer les circuits de collecte.

Des pratiques de tri en progrès, mais encore en retrait
L’Insee observe toutefois une amélioration significative des comportements de tri. Entre 2017 et 2021, les quantités de déchets orientées vers les canaux de tri et les déchetteries ont bondi de 40 %, passant de 83 000 à 111 000 tonnes. Cette évolution reflète un changement d’habitudes, porté par la mise à disposition de composteurs publics, l’extension du tri sélectif et un accompagnement des collectivités.

Le taux global de tri atteint désormais 39 % en 2024, en hausse d’un point par rapport à 2021. C’est un signal positif, mais encore en deçà des ambitions fixées par la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte, qui visait 55 % de valorisation en 2020 et 65 % en 2025. En Corse, la valorisation des déchets s’élève à 36 %, soit 12 points de moins que la moyenne nationale.

Autre point noir : la part encore importante des ordures ménagères résiduelles (OMR), collectées en vrac et destinées à l’enfouissement. Elles représentent 56 % des DMA, contre 45 % dans l’Hexagone. Pourtant, cette part est en diminution : la pratique du compostage individuel et la baisse des déchets alimentaires ont permis de faire reculer de 7 % le volume d’OMR collecté par habitant en cinq ans.

Une valorisation encore limitée, en particulier pour les biodéchets
Si la valorisation matière (recyclage des matériaux) progresse et concerne désormais près d’un tiers des déchets insulaires, la valorisation organique reste largement marginale. Seuls 6 % des déchets sont traités par compostage industriel ou méthanisation, contre 18 % au niveau national. La Corse est la région où ce type de traitement est le moins répandu.

Les déchets verts et biodéchets ne représentent que 7,5 % des volumes collectés, soit deux fois moins qu’en métropole, alors même que la ruralité de l’île devrait favoriser ce type de déchets. Cela s’explique notamment par des pratiques alternatives, comme l’écobuage ou le compostage domestique, mais aussi par un retard des infrastructures.

La Corse, rappelle l'Insee, reste confrontée à une équation difficile. "Le niveau élevé de production de déchets, couplé à un réseau d’infrastructures de traitement encore limité, complexifie la planification. La quasi-totalité des OMR est enfouie, faute d’unités de valorisation suffisantes." souligne l'étude qui rappelle "que les intercommunalités sont tenues d’adopter des plans locaux de prévention des déchets, mais que leur mise en œuvre est inégale."