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Ports et aéroports corses : L’Assemblée de Corse valide les contrats de concession à la CCI


Nicole Mari le Samedi 20 Décembre 2025 à 19:58

Pour finaliser le rattachement de la Chambre de commerce et d’industrie à la Collectivité de Corse au 1er janvier 2026, l’Assemblée de Corse a adopté dix rapports concernant les contrats de concession du port de commerce de Bastia et des aéroports de Figari, Calvi, Bastia-Poretta et Aiacciu et la mise en place d’un nouveau modèle. Pour le président de l’Exécutif qui a rappelé les enjeux, tous les objectifs fixés ont été atteints. Ce dossier de rattachement, qui ne rencontre pas d’opposition dans l’hémicycle, a été adopté à l’unanimité.



L'aéroport de Bastia-Poretta. Photo CNI.
L'aéroport de Bastia-Poretta. Photo CNI.
C’est dans un hémicycle quasiment vide qu’ont été examinés, vendredi matin, les dix dossiers concernant les infrastructures portuaires et aéroportuaires de la Corse. Pas moins de 25 élus, dont les ténors de l’Assemblée de Corse, n’ont pas eu le droit de siéger car ils sont membres du Conseil d’administration de l’EPIC (Etablissement public, industriel et commercial) qui remplacera l’actuelle Chambre de commerce et d’industrie de Corse (CCI) au 1er janvier 2026. Dix dossiers concernant les contrats de service public du port de commerce de Bastia et des aéroports de Figari, Calvi, Bastia-Poretta et Aiacciu qui viennent compléter les six dossiers déjà adoptés à la session précédente dans le cadre de la procédure complexe de rattachement des chambres consulaires à la Collectivité de Corse (CdC). Cinq pour choisir les concessionnaires et les nouveaux contrats de de concession et cinq pour mettre fin aux contrats actuels de Délégation de service public (DSP) d’exploitation qui arrivent à échéance le 31 décembre. Dans cette perspective, l’Assemblée de Corse s’est, le mois dernier, prononcée sur le principe du recours à un contrat de concession de service public en quasi-régie. Les contrats au bénéfice de la CCI concernant les autres ports et aéroports arriveront à expiration à compter de 2027.
 
Trois enjeux
« C’est un combat long qui est au croisement de trois enjeux », rappelle le président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni. « Le premier enjeu était de sauver la CCI de Corse après la réforme globale voulue par l’Etat, qui conduit à la disparition des petites Chambres consulaires. Le deuxième enjeu est corrélé à la gestion des ports et aéroports. Les contrats de concessions, qui arrivent à expiration, ont été placés dans un contexte économique qui n’est pas celui de 2025 ». A l’époque, la CCI fut le seul opérateur à se positionner. Depuis 15 ans, les modes de gestion des ports et des aéroports ont évolué de façon très significative. « Il y a une concurrence féroce entre les différents opérateurs pour gérer ces plateformes. Si on était resté dans une mise en concurrence, il y a fort à parier que des opérateurs extérieurs à l’île, des grands groupes, se seraient positionnés, comme cela s’est passé sur le continent. Nous avons cherché à faire primer un principe politique majeur, celui de la gestion publique. Un territoire insulaire doit avoir la maîtrise de ses ports et de ses aéroports, à fortiori quand il est très dépendant du tourisme et des importations ». Le troisième enjeu, ajoute-t-il, est d’aller vers une gestion plus efficiente des ports et aéroports. « Il n’y avait pas de vision stratégique partagée entre la CCI et la CdC, il pouvait y avoir quelquefois des différences d’appréciation importantes ». Un conseil d’administration se tiendra, dès lundi, par anticipation, pour créer le cadre juridique qui sera en vigueur le 1er janvier.
 
Une bonne santé financière
Le président Simeoni fait ensuite un point sur la santé financière de la CCI et sa structure budgétaire : « Il y a, d’un côté, des activités de formation, de soutien aux entreprises et de présence sur le terrain qui sont financées à titre principal par la taxe sur les frais de chambre qui est prélevée sur les territoires. Cette taxe remonte vers la CCI France qui la reverse par péréquation pour équilibrer entre CCI pauvres et CCI riches. La CCI de Corse en a bénéficié, elle prélève 1,5 million € et en perçoit 4 millions €, avec un différentiel de 2,5 millions €. Le gouvernement a garanti les 4 millions € pour 2026, mais comme la Commission paritaire n’a pas validé le budget de l’Etat, une loi spéciale va être votée. C’est un point de vigilance. Il y a, de l’autre côté, des activités liées à l’exploitation des ports et aéroports qui représentent l’essentiel des revenus ». Il affirme, chiffres à l’appui, que la situation financière de la CCI est globalement bonne : « Elle a été assainie au lendemain de la crise COVID, grâce à une politique prudentielle en amont et volontariste pendant la crise qui a absorbé le choc ». Les capitaux propres atteignent 91,4 millions € pour un fonds de roulement net d’environ 80 millions €. « Il y a de la marge et de la respiration financière », commente Gilles Simeoni. Depuis 2005, la CdC a investi environ 80 millions € sur fonds propres, dont plus de 43 millions € depuis décembre 2015, « date de notre accès aux responsabilités. Nous avons donc contribué largement à ce qui a été fait ». Les subventions à la CCI se sont élevées à 11 millions €, soit, au total 91 millions €. La CCI a financé 24 millions € sur ses fonds propres.

Gilles Simeoni. Photo Paule Santoni.
Gilles Simeoni. Photo Paule Santoni.
Des investissements importants
L’aéroport d’Aiacciu, qui détient le plus gros volume d’activité du réseau insulaire, affichait en 2024 un résultat opérationnel positif : 17,4 millions € de capitaux propres et 16,9 millions € de fonds de roulement. « Beaucoup de marges, mais des investissements importants à faire dans les prochaines années ». L’aéroport de Bastia-Poretta, qui oscille autour de 1,5 million de passagers, pâtit d’un contexte moins dynamique, mais dispose d’un fonds de roulement confortable et d’une base patrimoniale significative « parce que des investissements importants ont été faits. Donc, un aéroport robuste avec un potentiel de développement ». L’aéroport de Figari avec plus de 700 000 passagers par an est le site le plus dynamique avec une croissance de trafic de 15 %, une marge opérationnelle élevée et 7,5 millions € de capitaux propres. « Nous avons investi déjà de façon massive sur les quatre aéroports, notamment à Figari avec un programme de réfection de pistes de 20 millions €, mais cet aéroport est structurellement sous dimensionné par rapport à la réalité actuelle du trafic », précise Gilles Simeoni. Avant de fixer les enjeux : « Le premier enjeu est de définir, dans le cadre de notre PPI global, une stratégie de développement répondant à la fois aux besoins actuels et à la perspective dans laquelle nous voulons nous projeter et obtenir les financements pour assurer ce développement. Le deuxième enjeu est de réfléchir à une redistribution plus équitable pour les communes qui ont le site de l’aéroport sur leur territoire. Nous y travaillons ». L’aéroport de Calvi, qui était menacé de disparition par un rapport de la Cour de Comptes, est le plus fragile. S’il franchit les 300 000 passagers par an, il n’y a pas de vol de nuit. « Nous travaillons à sécuriser et à ouvrir le vol de nuit. Nous travaillons aussi à une politique commerciale. Nous avons soutenu politiquement et économiquement l’aéroport de Calvi, investi massivement pour se rapprocher de la rentabilité ». Le port de commerce de Bastia, qui accueille entre 2 et 2,5 millions de passagers par an et assure à lui seul plus de 50 % des échanges passagers et marchandises de l’île, bénéficie d’une situation saine, de capitaux élevés, d’un niveau de dette très faible et d’une trésorerie importante. « Nous avons beaucoup investi, la CCI aussi ».
 
Un changement de modèle
Le changement de statut doit s’accompagner d’un changement de modèle financier qui s’applique, à la fois, sur la fin des contrats actuels et sur les nouvelles DSP. Concernant les premiers, un principe a été posé : « Chaque contrat de concession, donc au final l’EPIC, conserve ses excédents qui vont sur un fond de réserve qui sert exclusivement à financer les investissements de la concession concernée. Donc, les bénéfices de Bastia financent Bastia, les bénéfices d’Aiacciu financent Aiacciu, les bénéfices de Figari financent Figari et les bénéfices de Calvi financent Calvi », indique Gilles Simeoni. Côté investissements, les deux Exécutifs, CdC et CCI, sont tombés d’accord sur une liste d’investissements prioritaires avec une clause de revoyure. « Dans les deux ans à venir, nous travaillerons ensemble, dans une logique de convergence et une stratégie partagée, à affiner notre plan pluriannuel d’investissements en hiérarchisant les investissements, les priorités, en les phasant et en faisant des plans d’investissement cohérents. Le fonds de réserve est mobilisé de façon prioritaire pour financer les investissements. C’est un système équilibré et vertueux qui ne cherche pas la rentabilité, mais l’efficacité ». Le même système s’applique à la dette de 20 millions € qui sera transférée au nouvel EPIC.
 
Un contrat moral et politique
Quid des futurs contrats qui sont, assure le président Simeoni, « dans un progrès technique, financier, budgétaire et juridique notable par rapport aux anciens contrats ». Des améliorations sont apportées, notamment la création d’une redevance d’occupation du domaine public qui n’existait pas, avec une recette estimée à 723 000 € par an, soit 10 millions € sur 10 ans et 1,5 % du chiffre d’affaires global. Un mécanisme de partage de la valeur alimentera un compte de réserve d’investissements concession par concession. « Le gain projeté représente 70 millions € sur 15 ans. L’EPIC a ainsi une visibilité de sa trajectoire financière ». Autre principe : l’opérateur assure la maîtrise d’ouvrage avec la possibilité de dérogation d’exception en faveur de la CdC. « Nous serons sur des trajectoires d’investissements très importantes, dès cette année sur tous les aéroports, singulièrement sur Aiacciu et Figari. Nous avons construit un cadre juridique robuste, sécurisant, innovant et intelligent ». Il insiste sur la dimension humaine de la fusion : « Nous n’aurions pas pu la faire s’il n’y avait pas eu un contrat moral et politique de confiance et d’engagement, d’abord entre les deux institutions, CdC et CCI, ensuite entre les dirigeants et avec les salariés et les syndicats ». Et le président Simeoni de conclure : « Objectif stratégique atteint. Objectif de développement des infrastructures en passe d’être atteint. Objectif social atteint : 1100 emplois préservés. Nous n’oublions pas la Chambre des métiers. Le calendrier politique ne nous a pas permis de mener à bien ce second volet. J’ai un engagement du gouvernement que nous le ferons dans l’année 2026. Je me suis engagé à ce que nous réussissions ce que nous sommes en passe de réussir pour la CCI ».

Charles Voglimacci. Photo Paule Santoni.
Charles Voglimacci. Photo Paule Santoni.
Un dossier très politique
En l’absence d’opposition sur ce dossier du rattachement de la CCI qui fait l’unanimité dans l’hémicycle, le débat fut bref. Pour la droite, Charles Voglimacci, élu d’U Soffiu Novu, salue un dossier « très complexe, très technique et très politique. A vu de ce qui se passe sur le continent, il est bien heureux que nous gardions la main sur nos transports ». Puis demande des précisions sur le calendrier concernant les quatre ports restants - Lisula, Aiacciu, Portivechju et Pruprià. « Pourriez-vous nous communiquer le calendrier des dates de fin de concession courant sur l’ancien modèle ? ». Il interroge également sur les prévisions estimées à 70 millions € sur 15 ans concernant le compte de réserve : « Est-ce qu’elles ne portent que sur les infrastructures, qui ont été débattues aujourd’hui, ou sur l’ensemble comprenant les infrastructures restantes afin de savoir si des marges de manœuvre supplémentaires sont encore possibles ou pas ? ». Gilles Simeoni confirme que ces prévisions ne portent que sur les cinq infrastructures débattues. Et précise les dates d’échéance des contrats de concession pour les autres ports : 2028 pour Purtivecchju et Lisula, 2029 pour Pruprià, 2036 pour Bunifaziu, 2043 pour le port de commerce d’Aiacciu et 2027 pour le port de plaisance Tino Rossi.  Auparavant, Don-Joseph Luccioni, pour le groupe majoritaire, s’est réjoui de ce rattachement réussi : « C’est pour nous, avec notre position de nationalistes corses, le signe, le symbole et la preuve que la Corse, les institutions de la Corse, celles et ceux qui président à leurs destinées, ont la capacité de porter notre pays sur une trajectoire vertueuse de maîtrise et d’émancipation ». Les dix rapports ont été adoptés à l’unanimité.
 
N.M.