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Conférence sociale : Des propositions concrètes pour améliorer le pouvoir d’achat des Corses


Nicole Mari le Samedi 25 Juin 2022 à 08:45

La question du pouvoir d’achat a été au cœur de la nouvelle réunion de la Conférence sociale qui s’est tenue vendredi après-midi à Aiacciu. Mise en place en 2018 par la Collectivité de Corse pour répondre à la crise des gilets jaunes et à la précarité grandissante dans l’île, la Conférence, qui réunit autour de l’Exécutif, de l’Assemblée de Corse et du CESEC, l’ensemble des acteurs syndicaux, consulaires et associatifs, a débattu et validé des propositions d’adaptation spécifique à la Corse du projet de loi sur le pouvoir d’achat qui sera discuté dans quelques jours à l’Assemblée nationale. Notamment les mesures concernant le chèque alimentaire, la prime carburant, l’indexation des retraites sur l’inflation et l’indemnité de transport.



La Conférence sociale s'est réunie, vendredi 24 juin à Aiacciu, sur la question du pouvoir d'achat, à l'initiative du Président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni, des présidentes de l’Assemblée de Corse et du CESEC, Nanette Maupertuis et Marie-Jeanne Nicoli, en présence des élus et des acteurs syndicaux et associatifs.
La Conférence sociale s'est réunie, vendredi 24 juin à Aiacciu, sur la question du pouvoir d'achat, à l'initiative du Président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni, des présidentes de l’Assemblée de Corse et du CESEC, Nanette Maupertuis et Marie-Jeanne Nicoli, en présence des élus et des acteurs syndicaux et associatifs.
Adapter aux spécificités de la Corse les principales mesures de la future loi sur le pouvoir d’achat, qui doit être présentée le 6 juillet en Conseil des ministres, a été l’objet de la nouvelle réunion de la Conférence sociale qui s’est tenue, vendredi après-midi, à la Collectivité de Corse à Aiacciu. Lancée en 2018 pour répondre à la crise dite des gilets jaunes, la Conférence sociale étudie, sous la houlette du Président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni, des présidentes de l’Assemblée de Corse et du CESEC, Nanette Maupertuis et Marie-Jeanne Nicoli, les moyens d’améliorer le pouvoir d’achat des Corses, notamment ceux qui se trouvent en situation de précarité et de pauvreté. Saisissant l’opportunité du projet de loi du gouvernement sur le pouvoir d’achat, l’Exécutif corse a, dès la réunion du 23 mai, mis en place un groupe de travail dédié pour demander, en application du principe d’adaptation législative, de prendre en compte les spécificités insulaires avec la double problématique de la faiblesse des revenus et de la cherté de la vie. « La question du pouvoir d’achat est un problème prégnant en France de façon générale et encore plus accentué en Corse par l’effet ciseau parce que les salaires et les retraites sont plus bas et le coût de la vie, plus haut. Donc, mécaniquement, ce qui est grave sur le continent devient extrêmement grave ici. Il faut absolument que le gouvernement, parce cela relève exclusivement de sa compétence, apporte des réponses fortes pour annuler ce différentiel », commente Gilles Simeoni.
 
Des demandes d’urgence
C’est d’autant plus prégnant que l’INSEE vient d’annoncer une baisse moyenne de 1% cette année du pouvoir d’achat des Français, due principalement à une flambée des prix à la consommation qui devrait atteindre 6,8% en septembre sur un an. L’urgence est telle que l’Assemblée nationale, à peine réélue, en fait sa priorité. La NUPES déposera, dès la semaine prochaine son projet de « loi d’urgence sociale » pour contrer les deux textes gouvernementaux. Pourtant, ce vendredi après-midi, à Aiacciu, seuls les élus du groupe majoritaire, Fà Populu Inseme, les syndicats CGT, FO et STC, et les collectifs étaient présents, aucun représentant des autres groupes de l’Assemblée de Corse, ni de droite, ni nationaliste, pas plus de représentants consulaires ou du patronat. Face au calendrier resserré, les participants à cette réunion se sont axés sur les mesures d’urgence, mais ont tenu, au préalable, à « réaffirmer que les problématiques sociales et économiques de la Corse appellent des réponses structurelles qui ont vocation à être débattues dans le cadre du processus de négociation « à vocation historique » qui doit s’ouvrir avec l’Etat ». Ceci acté, ils ont adopté à l’unanimité quatre propositions d’adaptation des mesures annoncées par le gouvernement concernant le chèque alimentaire, la prime carburant, l’indexation des retraites sur l’inflation et l’indemnité de transport régional corse (ITRC). « Il fallait saisir l’opportunité politique de cette loi sur le pouvoir d’achat pour faire prendre en compte le différentiel de la Corse en se concentrant sur quatre points présentant un caractère d’urgence. Des propositions fortes et concrètes pour améliorer le pouvoir d’achat des Corses ont été adoptées, aujourd’hui, à l’unanimité », se félicite le président de l’Exécutif.

Le chèque alimentaire
La première demande porte sur le montant du nouveau chèque alimentaire qui pourrait, selon les annonces du gouvernement, atteindre 150 € et profiter aux jeunes de 18 à 25 ans, ainsi qu'aux familles modestes avec enfants et aux retraités. Cette aide financière devrait leur permettre d'accéder à des produits locaux de qualité et pourrait prendre la forme d'un chèque ou d'une carte mensuelle. « Nous demandons, pour la Corse, de tenir compte du différentiel entre des prix moyens plus élevés sur les produits de consommation courante et un niveau de vie moyen inférieur à celui du continent, et donc, de porter la valeur du chèque alimentaire à 300 €. Nous demandons également d’en élargir les bénéficiaires en rendant éligible toute personne vivant au-dessous du seuil de pauvreté, et de verser cette prestation sous forme exclusive de carte envoyée par voie postale ou dématérialisée, afin de ne pas l’incluer dans un système bancaire et de renforcer la spirale du surendettement. Il s’agit aussi d’en garantir la durée », précise la Conférence sociale.
 
La région la plus pauvre
Les participants s’appuient sur la dernière enquête de l’Insee sur les prix, qui remonte à 2015, pour objectiver le différentiel global moyen de 3,6% entre les prix pratiqués en Corse et ceux du continent. Avec des pointes de +8,7% sur l’alimentaire, qui représente environ 15% des dépenses des ménages, notamment sur le poisson frais, la viande, les sucreries et, dans une moindre mesure, les laitages, les boissons non alcoolisées, les huiles et graisses. Ce sont ces mêmes dépenses qui sont fléchées par le chèque alimentaire. Quand au public cible, la Corse, toujours selon un dossier de l’Insee paru en 2021, est la région la plus touchée par la pauvreté monétaire avec 18,5 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté. Sont particulièrement concernés les familles monoparentales, les jeunes de moins de 30 ans et les personnes de plus de 75 ans. Le niveau moyen des salaires est le plus bas de France métropolitaine avec un différentiel de 440 €. Le niveau de vie médian d’un ménage insulaire est inférieur à 580 € par rapport au continent. Celui d’une personne précaire n’est que 855 € par mois contre 1 063 € en moyenne française.
 
La Prime carburant
La seconde demande concerne la Prime sur les carburants dont les prix en Corse ont explosé à 2,18 € et 2,22 €/ litre. Le gouvernement a décidé de prolonger au moins jusqu'à fin août, la remise carburant de 18 centimes instaurée depuis le 1er avril. Il envisage, dans un des textes de sa future loi sur le pouvoir d’achat, la mise en place d’un dispositif « pérenne et mieux ciblé », prenant en compte de nouveaux critères comme celui du revenu ou de l'utilisation du véhicule dans le cadre professionnel. La Corse demande « le maintien du caractère général de la mesure et une majoration à hauteur du différentiel moyen constaté en Corse jusqu’à la mise en place d’un dispositif spécifique pour la Corse demandé par une délibération de l’Assemblée de Corse du 1er octobre 2021 ». Les prix sont supérieurs dans l’île avec des écarts de 9 à 12 centimes par litre pour le SP95 et le gazole.
 

L’indexation des retraites
La troisième demande concerne l’indexation des retraites sur l’inflation. Le gouvernement envisage d’instaurer une retraite minimum de 1 100 € et d’indexer les pensions de retraites sur le niveau de l'inflation, pour tenir compte de la forte hausse des prix à la consommation qui s’établit déjà provisoirement à 4,8 % sur un an en mai, selon l’Insee. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé que l’augmentation devrait, donc, se situer autour de 4 %. Or, l’Insee pointe qu’un retraité corse a, en moyenne, un taux de pauvreté supérieur de 9 % à celui d’un retraité continental et qu’il touche de 205 € à 263 € en moins. La part des retraités percevant le minimum vieillesse est de 8,6 % contre 3,3 % au national. Le montant de cette allocation - en moyenne 742 €/mois - étant inférieur au seuil de pauvreté, ces retraités se trouvent automatiquement en situation de précarité, affichant ainsi un taux de pauvreté élevé de la population des seniors. « Afin de tenir compte de l’exposition particulière aux difficultés financières des retraités corses, il est demandé de doubler l’augmentation des retraites prévues pour être indexée sur l’inflation, portant le chiffre à 10% », explique l’Exécutif corse. La Conférence sociale entend également travailler à l’extension aux retraités du bénéfice de la prime Transports, sur un modèle similaire, dans le cadre du projet de loi sur les retraites qui devrait également être examiné prochainement à l’Assemblée nationale.
 
L’indemnité trajet
La quatrième demande concerne l’indemnité de transport régional qui s’applique, depuis 2009, à l’ensemble des salariés du secteur privé dont la résidence habituelle et le lieu de travail se situent en Corse. Cette indemnité est exonérée de charges sociales dans la limite de 200 € par an et par salarié. En 2020, une négociation a été engagée pour la revaloriser à hauteur de 300 € annuels, mais la crise sanitaire a gelé la validation de l’accord interprofessionnel qui est, depuis ce mois de juin, de nouveau en discussion. Mais les syndicats estiment que « cette somme n’est pas suffisante pour opérer une réelle compensation du coût de la vie, notamment les prix excessifs du carburant sur l’île ». Aussi la Conférence sociale propose-t-elle « d’augmenter le plafond d’exonération des charges et contributions sociales de la prime à hauteur de 300€ pour la période 2023-2025, et que la législation permettant de majorer les exonérations de cotisations des entreprises situées en Corse soit enfin appliquée, conformément à la loi de 2002 relative à la Corse ».
 
Une adaptation législative
Ces propositions seront débattues mardi prochain au CESEC, puis jeudi à l’Assemblée de Corse. « Sous réserve que l’Assemblée de Corse valide, nos propositions seront transmises au Premier Ministre afin de solliciter une adaptation législative et aux quatre députés corses pour qu’ils les relayent à l’Assemblée nationale », annonce le Président de l’Exécutif. Pour lui, il est essentiel d’utiliser la fenêtre de tir du projet de loi : « Dans la situation d’instabilité que connait la France, on voit que tout le monde, même les opposants, souhaite qu’une loi sur le pouvoir d’achat soit adoptée et que des mesures fortes soient prises. Il y a, donc, la place pour qu’une majorité valide des mesures spécifiques à la Corse dès lors qu’on démontre qu’il y a un différentiel objectif, et nous avons fait un gros travail de fond pour objectiver le différentiel ». Et d’ajouter : « Ce sont des dépenses strictement régaliennes auxquelles la Collectivité ne contribue pas. Il faut voir ce que l’Etat propose. C’est quand même lui qui est à la manœuvre ». Le projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui sera envoyé dès la semaine prochaine au Haut Conseil des finances publiques et au Conseil d'Etat, pourrait être adopté avant la fin juillet.
 
N.M.