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Camping-cars : La CTC tente de trouver une solution fiscale à ce casse-tête touristique et environnemental


Nicole Mari le Jeudi 27 Juillet 2017 à 23:55

Plus de 28 000 camping-cars sont entrés en Corse pendant la saison estivale 2015. Ce phénomène touristique, en pleine expansion, suscite dans l’île, comme sur le continent, une forme de rejet tant des habitants que des professionnels du tourisme par les nuisances qu’il provoque. Au pilori : le manque de régulation, les problèmes de circulation, le stationnement anarchique, le risque environnemental, le camping sauvage et le non-paiement de la taxe de séjour. Dans une île où la pression touristique est déjà très forte, l’Exécutif territorial a décidé de réguler cette forme de tourisme à travers plusieurs dispositifs, notamment un carnet à souches d’amendes ou une écotaxe. Un rapport en ce sens est présenté, ce vendredi, à l’Assemblée de Corse. Décryptage.



Camping-cars : La CTC tente de trouver une solution fiscale à ce casse-tête touristique et environnemental
 
Arcachon, Hendaye, Rochefort, La Rochelle, La Flotte-en-Ré, Mathes-La Palmyre, Carolles, Cancale, Pornic, Les Sables-d'Olonne, La Bernerie-en-Retz… Toutes ces communes du continent ont un point commun : le raz-le bol des camping-cars qui envahissent, chaque été, leur territoire en toute anarchie ! Avec beaucoup d’autres villes majoritairement littorales, elles ont pris des arrêtés et mis des panneaux d’interdiction de stationner. Des arrêtés apparemment illégaux, généralement cassés par les tribunaux administratifs qui sont automatiquement saisis par le très actif lobby des camping-caristes. Les mairies condamnées, en plein désarroi, font de la résistance et refusent, pour beaucoup, de retirer les panneaux. Le phénomène fait florès. Les coups de gueule des riverains inondent les réseaux sociaux. Le bras de guerre, engagé depuis quelques années, tend à se durcir. Il est à la hauteur de l’expansion d’une pratique touristique qui génère de plus en plus d’adeptes tout en étant de plus en plus contestée. En Corse, on n’en est pas encore là, mais ça pourrait venir. Même si l’île n’est pas dans le trio de tête des destinations françaises préférées du 1,5 million d’afficionados européens de cette formule de voyage (Bretagne, Côte d’Azur, Aquitaine), elle attire de plus en plus ce type de clientèle avide de découverte, de liberté, de sites naturels et de grands espaces.  
 
3000 véhicules par jour
Selon l’Observatoire régional des transports, - derniers chiffres connus - près de 28 000 camping-cars sont entrés en Corse en 2015, dont plus de la moitié par le port de Bastia, en provenance des ports de Toulon et de Nice. Si à l’instar des autres formes de tourisme, ce trafic reste marqué par une forte saisonnalité : 2/3 des camping-cars arrivent entre juin et septembre, mais, en majeure partie, hors week-end pour des raisons tarifaires évidentes. La plupart effectue des séjours assez longs, 13,2 jours en moyenne, soit l’équivalent d’un million de nuitées… c’est-à-dire environ 3% du total des nuitées touristiques de l’île ! Pendant 4 mois, plus de 2 000 véhicules circulent, donc, chaque jour dans l’île. Le  chiffre dépasse 3000 véhicules par jour pendant les six semaines de la pleine saison avec un pic de 3 350 camping-cars recensés le 11 août 2015. En 2016, la fréquentation a progressé de + 12,4 % contre seulement 1,5 % pour les trafics globaux de véhicules. Comme partout ailleurs, mais peut-être même plus qu’ailleurs, l’essor de ce phénomène inquiète. Ne serait-ce que par son ampleur et son impact indéniable sur un territoire qui subit déjà la forte pression de 3,2 millions de touristes pour 320 000 habitants. Et sur la menace qu’il fait peser sur des écosystèmes fragiles. La Corse est la 1ère région de France métropolitaine par le nombre de ses sites classés et de sa superficie globale protégée. Outre le parc naturel qui couvre les 2/3 de son territoire, elle compte deux parcs marins, une zone Unesco, une réserve Man and Biosphère, six réserves naturelles, des ZNIEFFS, des Zones Natura 2000, des Grands Sites de France…
 
Du camping sauvage
Quel est le problème ? Pourquoi une telle levée de boucliers, un tel rejet des populations résidentes et des professionnels du tourisme ? La polémique est à multiples facettes et s’articule autour de la notion de coût. Premier grief : le coût social. Trop de camping-cars n’arrangent guère les conditions de circulation, déjà très difficiles en été dans les zones touristiques. Ce type de véhicule, totalement inadapté à l’étroitesse et à la sinuosité des routes corses, ne fait qu’intensifier les embouteillages et les conflits d’usage. Deuxième et plus important grief : le coût environnemental du à un stationnement anarchique, autrement dit le camping sauvage, strictement illégal. Selon une étude réalisée sur le continent, seuls 68% des campings caristes fréquentent les campings, ce sont majoritairement des seniors. Le reste, plus de 30 %, y va rarement ou jamais pour les plus jeunes, notamment les moins de 35 ans. Ce qui signifie qu’en plein été, entre 330 et 800 camping-cars sont stationnés dans la nature en Corse, squattent, parfois pendant plusieurs jours, les parkings, les zones commerciales, les places de village, les bords des routes et des plages… se concentrent souvent sur les plus beaux sites, les plus fragiles : l’Ospedale en tête, les plages d’île Rousse ou l’Extrême-Sud. Au mépris de la protection d’espèces animales, végétales ou d’espaces classés, avec les risques inhérents : incendie, pollution visuelle, amas d’ordures, vidanges de fosse et déversement des eaux usées n’importe où…
 
Un coût économique
Au-delà des nuisances environnementales, cette occupation illégale du domaine public a un coût économique, dénoncé tant par les professionnels du tourisme que par les collectivités locales. Le manque à gagner atteint de 2,5 millions € à 4 millions € par an pour les campings où la place de stationnement coûte entre 30 € et 48 € la nuit. Les camping-caristes sont les seuls touristes qui peuvent venir dans l’île, se loger, consommer l'eau et évacuer leurs déchets gratuitement, sans payer la taxe de séjour ! Un coût, stigmatisent de nombreuses voix, supporté par les contribuables. Le problème est que nombre de camping-caristes refusent ce qu’ils considèrent comme un parcage forcé. S'ils ont choisi cette formule touristique, c'est très souvent par souci de liberté, mais aussi pour dépenser le moins possible, jugeant les tarifs des campings trop élevés. La situation pâtit de la faiblesse structurelle des équipements susceptibles d’accueillir ces véhicules dans des conditions adaptées, hors des structures d’hôtellerie de plein air. Si l’on dénombre 170 campings offrant un nombre suffisant de places, il existe, en revanche, peu d’aires de services communales ou privées permettant l’approvisionnement en eau, la vidange des eaux usées et des eaux noires et peu d’aires de stationnement et d’accueil dédiées. L’île ne totalise que trois aires de vidange publique : deux à Barretali et une Ogliastro en Haute-Corse, une autre à Ota en Corse du Sud.
 
Ecotaxe ou carnet d’amendes ?
Le problème est que le droit est inadapté. Il n’oblige pas un camping-car à aller dans un camping. Pire, le code de la route l’autorise même à stationner sept jours au même endroit à condition que ses occupants n’étalent pas table et chaises à l’extérieur. Le manque de moyens de contrôle rend le flagrant délit difficile à établir. D’où l’exaspération des maires qui prennent des arrêtés d’interdiction, mais les communes littorales semblent assez démunies face à cet envahissement. Saisie de la question, l’Exécutif de la Collectivité territoriale de Corse a choisi, à travers l’Agence du tourisme, d’anticiper et de réguler. Un rapport en ce sens est soumis aux élus ce vendredi. Il entend concilier les avantages et les inconvénients de cette forme de tourisme en définissant des mesures de politique publique visant, à la fois, à minimiser les impacts et les risques. Deux mécanismes de régulation sont proposés. Le premier consiste à distribuer, à l’arrivée dans l’île, un carnet à souches d’amendes servant à attester que le camping-cariste a bien séjourné dans des structures dotées d’équipements spécifiques. Avec, dans le cas contraire, le paiement éventuel d’une amende lors du départ. Le second dispositif est la mise en place d’une écotaxe remboursable. Son objectif est double : favoriser un comportement vertueux sur le plan environnemental, et contribuer à la mise aux normes ou à la mise en place d’infrastructures d’accueil dédiées. Une hypothèse privilégiée par l’Exécutif sous réserve de sa validité juridique.
 
N.M.