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CDI saisonnier : les professionnels corses impatients d’expérimenter le dispositif


Julia Sereni le Lundi 11 Juillet 2022 à 19:34

Demande récurrente des acteurs du tourisme insulaire, l’expérimentation du CDI saisonnier est en passe de débuter. Après une phase d’étude, les professionnels espèrent tester concrètement le dispositif cet hiver.



Image d'illustration
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« Tous les jours, j’ai des employés qui tapent à la porte pour l’expérimenter ! » Benoit Chaudron, directeur de l’hôtel Campo dell’Oro et du club Marina Viva, par ailleurs Vice-président de l'Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) de Corse, ne cache pas son impatience. Comme de nombreux acteurs du tourisme, il espère beaucoup du CDI saisonnier. Son objectif ? Sécuriser les parcours des salariés tout en répondant aux besoins des entreprises via, notamment, une alternance de périodes travaillées et non travaillées.
 
Véritable serpent de mer, le dispositif réclamé depuis des décennies par les professionnels, est enfin entré dans une phase d’expérimentation en Corse. L’annonce a été faite le 4 juillet dernier par le groupe de travail dédié comprenant des socioprofessionnels (L'Umih, la Fédération Corse de l'Hôtellerie de Plein Air, Strada Corsa, U nostra voyageurs), l’État, la Collectivité de Corse et la Chambre de Commerce et d’Industrie.

23 établissements concernés

« Je ne sais pas si c’est la solution miracle, mais c’est une super idée. Après, il faut trouver comment la réaliser… », indique Élodie Mezzadri, gérante de l’hôtel U Frascone à Venaco, qui participe à l'expérimentation. Et c’est justement toute la question. Pour l’heure, le CDI saisonnier n’est encore qu’en phase d’étude : 23 établissements ont été consultés sur le sujet et une enquête en ligne a été lancée auprès des travailleurs saisonniers. Mais pour Benoit Chaudron, qui fait lui aussi partie des entreprises sélectionnées, c’est déjà un grand pas de franchi. « Cette étape, c’est un partage de réflexion et des envies des uns et des autres. Pour une fois, c’est une vraie discussion, et ce dialogue est magnifique », s’enthousiasme-t-il.

Il faut dire qu’en Corse, le sujet est particulièrement prégnant. En 2019, on compte 27 700 emplois saisonniers sur l’île, soit 19 % de l’emploi salarié annuel régional (hors agriculture). « Cette part, six fois plus importante qu’au niveau national, place l’île en tête des régions françaises », souligne le groupe de travail. Et ce constat n’est pas sans risque, tant pour l’emploi des saisonniers que pour la stabilité des entreprises des secteurs de la restauration, de l’hébergement et du commerce, qui concentrent « 80% de ces emplois », selon le groupe de travail. Au-delà, c’est la question même de l’équilibre économique de l’île qui est en jeu.

Une pénurie sans précédent

D’autant que cette année, le secteur fait face à une pénurie de main d’oeuvre sans précédent. Selon une étude réalisée en juin 2022 par la CCI et l'Umih Corse, 83% des professionnels du secteur des cafés, hôtels et restaurants ont connu des difficultés de recrutement cette saison. « Cette année, ça a été très compliqué de recruter. J’ai eu beau mettre des annonces, pour mon poste de réceptionniste, je n’ai eu qu’une seule candidature », reconnait Élodie Mezzadri.« C’est vrai qu’on se retrouve dans une certaine forme de désaffection », abonde Benoit Chaudron, qui emploie 180 à 200 personnes à Marina Viva, 50 à 60 personnes à l’hôtel Campo dell’Oro. « Les jeunes viennent vers notre secteur, mais on ne leur propose pas grand chose : avec un CDD, ils ne peuvent pas emprunter pour acheter une voiture ou une maison, alors ils se tournent vers d’autres métiers », analyse-t-il. Pour le directeur, le CDI saisonnier permettrait d’offrir « un choix aux jeunes », et de renforcer l’attractivité de ces métiers.
 
Côté entreprise, le vice-président de l’Umih n’y voit que des avantages. « Cela nous permettrait de pouvoir compter sur les mêmes personnes tous les ans, de monter des projets ensemble. Les saisonniers sont nos forces vives », assure Benoit Chaudron. C’est pourquoi le vice-président de l’Umih s’est particulièrement engagé dans le dispositif, en faisant un certain nombre de propositions. « Il s’agirait de lisser les rémunérations à l’année, mais aussi de faire de la formation. Et pourquoi pas favoriser les bi-métiers comme cela se fait à la montagne ? », interroge le directeur. S’il a fait part de ses conclusions il y a deux mois, ses employés étaient invités à remplir un questionnaire - de manière anonyme - en juillet, tout comme ceux d’Élodie Mezzadri. La restitution des résultats de cette étude est prévue « d’ici huit à dix semaines », selon le groupe de travail.
 
L’expérimentation, d’une durée totale de deux ans, pourra ensuite se concrétiser. « Nous espérons qu’elle commencera cet hiver », indique Benoit Chaudron. Élodie Mezzadri, elle aussi, est pressée. « Je m’inquiète déjà pour la saison prochaine, alors oui, j’espère que cela se concrétiser rapidement », conclut-elle.