Ils sont quinze à avoir franchi un cap symbolique dans leur parcours. Lors d’une cérémonie organisée à Bastia par la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Corse, ces professionnels, représentant une diversité de métiers – de la coutellerie à la sellerie, en passant par la joaillerie – ont reçu le titre d’artisan en métier d’art. Attribué sous conditions, ce titre consacre l’expertise d’un artisan inscrit au Registre national des entreprises, titulaire d’un diplôme de niveau 3 dans sa spécialité, ou pouvant justifier d’au moins trois ans d’expérience professionnelle dans le domaine exercé.
Pour Jean-Charles Martinelli, président de la Chambre consulaire, cette distinction est bien plus qu’un simple label : « Lorsque vos pairs reconnaissent le travail que vous avez accompli, il y a de la satisfaction. Ce sont souvent des artisans en marge du monde économique, isolés, qui travaillent seuls. Ils ont besoin de reconnaissance, et nous devons leur dire que nous sommes là pour les accompagner et les valoriser à leur juste valeur, car ce sont des personnes très inventives. »
Parmi les nouveaux titulaires, Orane Perello Santandreu, sellière harnacheuse installée en Corse après une formation en Normandie et un passage par la Garde républicaine et l’École militaire de Fontainebleau, a accueilli cette reconnaissance avec émotion : « Dans mon métier, on peut exercer sans diplôme. Alors être reconnue officiellement, ça prouve que mon travail est bien fait, et que je n’ai pas fait tout ça pour rien. »
Même fierté du côté de Luca Mulier, joaillier autodidacte passé par plusieurs métiers avant de se lancer dans la création de pièces uniques : « Tout a commencé par un défi : celui de créer une alliance. Aujourd’hui, je réalise des pièces qui prennent parfois des centaines d’heures. Ce titre, c’est la reconnaissance d’un savoir-faire. »
Valoriser un savoir-faire ancestral
La remise de ce titre ne se contente pas d’honorer les compétences des artisans : elle permet aussi de valoriser un savoir-faire insulaire et de faire perdurer les traditions. “Il y a beaucoup de résilience dans ce qu'ils font, parce que ce n’est pas toujours très bien rémunéré ou récompensé. Faire perdurer les traditions pour une région comme la nôtre, c'est essentiel. Ce sont des personnes inspirées, qui sont en capacité de faire des choses que peu de gens dans le monde savent faire”, précise Jean-Charles Martinelli.
Du côté des artisans, Orane Perello Santandreu souligne l’importance de préserver des métiers ancestraux comme le sien. “C’est important d’accentuer sur le fait main, parce qu’aujourd’hui, de grosses distributions dans des pays étrangers comme l’Inde ou le Maroc utilisent des machines. Personnellement, je travaille entièrement à la main, et ça demande d’être rapide pour rester concurrentiel. C’est un savoir-faire ancestral qui est en train de mourir, alors qu’il pourrait se transmettre.”
Luca Mulier, quant à lui, alerte sur le manque de formation pour devenir joaillier. “Le plus proche, c’est Aix-en-Provence, mais c’est une formation très chère, on parle de 900 euros la semaine. Chaque étape de la création de bijoux est un CAP différent, donc ça monte très vite. De plus, les structures ne peuvent parfois pas recevoir d’apprentis. Tout ça risque de faire disparaître mon métier, alors que c’est un métier fabuleux, avec un savoir-faire unique. Il faut le perpétrer.”