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U Casgiu merzu au pilori


Jacques RENUCCI le Vendredi 16 Novembre 2018 à 08:25

Le fromage aux asticots apparaît dans une exposition en Suède consacrée aux "nourritures les plus répugnantes du monde"



U Casgiu merzu au pilori
Malmoë, en Suède, est connue du monde entier (c'est sans doute ce que l'intéressé pense) pour être la ville de naissance de Zlatan Ibrahimovic. Mais elle vient d'acquérir une célébrité éphémère supplémentaire à l'occasion d'une exposition qui sort de l'ordinaire : celle consacrée aux nourritures répugnantes – non seulement par la simple appréciation gustative, mais par l'idée même de les porter à sa bouche. On y voit dans des vitrine des mets du monde entier (remplacés tous les jours pour en garantir la fraîcheur) qui illustrent la notion de dégoût, « l'une des six émotions humaines fondamentales. »  

Au hasard des allées, on trouve le pénis de taureau cru, le requin fermenté d'Islande, un fruit asiatique, le durian, dont la seule odeur soulève paraît-il le cœur, l'eau de vie chinoise aux souris à peine nées, les rats rôtis du Pérou, un pot-au-feu de tête et d'estomac de mouton... et soudain quelque chose de familier qui ressemble à un magma grouillant: u casu marzu, ainsi écrit sous le présentoir. Cette spécialité, qualifiée d'origine sarde, est la sœur jumelle de la nôtre, u casgiu merzu, autrement dit un fromage aux asticots.

Le principe de l'exposition est, selon le conservateur du musée, de provoquer chez les visiteurs une réflexion sur la notion de dégoût et sur la façon relative dont on conçoit celle-ci à travers la planète. Sont but lointain – vertueux au possible – est que l'on doit s'intéresser pour l'avenir « à des sources de protéines différentes et moins néfaste pour l'environnement, en particulier les insectes. » A la réflexion, u casgiu merzu n'entre-t-il pas dans cette catégorie où l'on déguste l'insecte – en l'occurrence la mouche – à l'état naissant ? Bien sûr, chez nous, ce fromage tient plus de la culture de la nécessité que d'un quelconque héritage culinaire. Mais il a son particularisme et, c'est le cas de le dire, son caractère, même si l'hygiénisme ambiant et la communauté de destin en font une espèce en voie de disparition.

 

« Un goût de pourriture et de vomi »

 

Lorsqu'on lit les descriptions qui en sont faites, on se demande si les insulaires de tradition ne sont pas atteints d'une perversion du goût. Ainsi, le Wall Street Journal a appris aux Américains qu'il s'agissait d'« une glu visqueuse et puante qui brûle la langue et peut affecter d'autres parties du corps. » Le guide international Lonely Planet souligne aussi cet effet de brûlure, ajoutant : « Il a une parfaite saveur de pourriture et de décomposition avec une notre prolongée de vomi. » En Suède, on est plus nuancé : « Un goût d’essence, d'ammoniaque et de cire. »

Il y a l'effet en bouche, et le reste. Les mouches pondent leurs œufs sur le fromage et les vers s'en nourrissent, le digèrent en l'amenant à la putréfaction. Les vrais gourmets n'attendent pas qu'ils aient mené leur travail à son terme, ils avalent les asticots avec la pâte. Ceux-ci continuent à vivre dans l'intestin et ils peuvent y faire du dégât. C'est pourquoi le Guiness Book des records a pu qualifier u casgiu merzu de « fromage le plus dangereux du monde... ». Et la Communauté européenne en a interdit la fabrication et la vente dès 2005, en faisant ainsi de lui un produit clandestin, donc encore plus prisé. Face à ces offensives anti-patrimoniales, que faire ? Rien sans doute. A moins que... La spécialité unanimement décriée est parfois qualifiée de « Sardinian Viagra. » Baptisé « Corsican Viagra », il suffirait de le teindre en bleu et de le vendre en pilules pour lui assurer une nouvelle prospérité.


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