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Tribune : La réponse d'Edmond Simeoni au préfet de Corse


le Mardi 9 Juillet 2013 à 18:26

Edmond Siméoni avait répondu à Patrick Strzoda, préfet de Corse, quelques jours avant son départ. Dans son courrier il dénonce « l’impunité des mensonges » et la défaillance de l’Etat dans la protection du littoral



Tribune : La réponse d'Edmond Simeoni au préfet de Corse
Monsieur le Préfet,
Je vous ai adressé une lettre ouverte le 11 juin 2013 à la veille de votre départ pour une nouvelle affectation où je vous interpellais notamment sur le comportement de la DREAL – organisme d’Etat- qui veut désanctuariser certaines zones insulaires ; ainsi que sur le désistement de l’Etat lui-même de son recours contre l’empiètement manifeste d’un particulier, sur le DPM à Pietrosella.
Le 03 juillet 201, vous m’avez adressé en réponse une longue lettre de 3 pages qui apparaît, avec une autosatisfaction évidente, comme un plaidoyer en faveur de la politique de l’Etat en matière d’urbanisme et de protection de l’environnement. La densité et la complexité de votre réponse ne contribueront certainement pas à la clarification de l’indispensable débat sur ces problèmes brûlants et aggravés au fil des ans ; j’y vois davantage une grande part d’habileté que d’éléments convaincants.
J’aimerai faire quelques observations sur votre lettre et je terminerai par une brève appréciation sur la problématique de l’urbanisme en Corse. Vos propos sont repris en italique :
1) Vous dites à la page 1 : « Comme vous le savez, la faune et la flore sont composées d'êtres vivants, très sensibles à leurs conditions environnementales et mobiles, tant dans le temps que dans l'espace. Alors que les ZNIEFF actuelles  ont été créées sur la base d'inventaires établis pour les premiers d'entre eux en 1990 à partir de données antérieures à 1985, il devenait urgent de les actualiser…"
Justement, c'est bien cette argumentation et les effets pervers qu'elle suscite qui posent problème.
2) Les espèces protégées ne sont plus présentes sur le site car "l'environnement ne leur convient plus" ? L'espace protégé a été l'objet de transformations et présente désormais un état dégradé ?
La solution est toute trouvée ; il n'y a plus qu'à en modifier le périmètre ou donner le feu vert à un projet le saccageant un peu plus  (un peu plus, un peu moins, on n’est plus à cela près…) en proposant des mesures "pseudo compensatoires"...
Il ne reste plus aux promoteurs de projets destructeurs que de trouver des moyens d'éradiquer les espèces protégées présentes  ou tout simplement d'endommager le site  pour pouvoir - après avoir commis leurs forfaits - demander une modification du périmètre ou une remise en cause de la protection de cet espace.
3) "Il devenait urgent de les actualiser…" Urgent et au profit de qui Monsieur le Préfet?
4)  Vous faites état à la page 2 de l’augmentation de l’espace classé en ZNIEFF de 27% en Corse. Il est certain que le classement des massifs ( Cintu, Rotondu, Monte d’Oru, Renosu, Alcudine, aiguilles de Popolasca, etc), contribue à améliorer la performance encore qu’il semblait improbable d’ouvrir à la construction ces différents sommets ; je retiendrai que ces inventaires « sont soumis à l’avis du CSRPN »( Conseil consultatif régional du Patrimoine Naturel) qui se prononce alors sur la création, le maintien ou le déclassement de la protection. Par ailleurs, l’augmentation des ZNIEFF ne vaut pas quitus pour les excès de l’urbanisation dans l’île.
A Piana, vous oubliez de dire qu’une majorité du CSRPN s’est prononcée contre le déclassement !
A Coti-Chiavari, vous oubliez de préciser que les terrains dont le déclassement a été demandé veulent être le support de projets immobiliers d’envergure…
A Ventilègne, le site est concerné par Natura 2000 et par une ZNIEFF de type 1. Le site Natura 2000 Ventilègne – la Trinité – Fazzio, FR 9400592 couvre une superficie supérieure de 20% à celle arrêtée en 1997. Mais il n’englobe pas les terrains communaux, qui sont pourtant en ZNIEFF de type 1, dont l’inventaire n’a pas été volontairement réalisé. Sur la Testa, Natura 2000 ne couvre que les terrains du Conservatoire du Littoral.
Vous dites que deux ZNIEFF ont par ailleurs été créées en 2005 sur le site de la Testa Ventilegne. Mais vous oubliez de dire Monsieur le Préfet, que la ZNIEFF de Monte Scupetu a été réduite d’une vingtaine d’hectares (superficie superposable au projet d’urbanisation et même plus vaste) sans que le CSRPN soit consulté, contrairement à ce que vous annoncez plus haut. Ces nouveaux contours de la ZNIEFF sont donc illégaux. 
A Bonifacio, la ZNIEFF n000520000 a été créée en 1990. Elle comprend le massif de la Trinité. Son éventuelle actualisation, envisagée dans le programme en cours de modernisation des ZNIEFF, reste  subordonnée aux résultats d'études scientifiques à conduire et à l'analyse qui en sera faite par le CSRPN.Les études scientifiques commandées par la DREAL et déjà réalisées pour Natura 2000 ne concernaient pas un couloir de cette ZNIEFF. L’étude de ce couloir a été demandée par le CSRPN. Vous semblez annoncer Monsieur le Préfet, que la demande du CSRPN a été prise en compte. On s’en réjouira dès que nous en aurons confirmation.5) A Pietrosella, vous expliquez l' « empiètement manifeste» d'un particulier sur le domaine public maritime comme ne s’agissant que de la restauration et de la sécurisation d'un sentier littoral aménagé depuis plusieurs dizaines années le long du mur de clôture d'une propriété, il est vrai sur le domaine public maritime. Il s'agissait selon vous d'une portion du sentier littoral qui constituait un réel danger pour les promeneurs … et qui, remis en état aux frais et à l'Initiative des riverains, est à nouveau securisé… C'est la raison pour laquelle vous vous êtes volontairement désisté dans l'action introduite devant le tribunal administratif.
En conclusion, vous insistez sur le fait que la connaissance et la protection des milieux naturels, en particulier sur le littoral n’ont cessé d’être renforcées en Corse ces dernières années.
Les services de l'Etat, dans leur volonté de protéger la Corse et pour choisir les zones à protéger, mettent en balance, avec les statuts et réglements de protection existants, les documents d'urbanisme (projets de PLU?)...ça peut se comprendre mais, on est en droit alors de se demander quel poids ils accordent aux différents indicateurs dans leur prise de décision finale? En effet, à première vue (dossiers d'Arone, Ventilegne, ...etc), il semblerait que les documents d'urbanisme pèsent plus que les autres dans leur balance!
Je pense Monsieur le Préfet, et nous aurons l’occasion prochaine d’en faire la démonstration, dans le sillage d’organisations écologiques particulièrement présentes et performantes, qu’il existe une aggravation de l’urbanisation, ces dix dernières années sur le territoire littoral ; l’invalidation par le Tribunal administratif de 13 PLU est édifiante ; de plus, de très nombreux permis de construire ont été accordés par l’Etat en violation manifeste des principes de la Loi littoral. Le peuple corse est spolié de sa terre, de son patrimoine bâti et noyé volontairement par la submersion démographique ; la décorsisation des emplois s’accélère, la culture se délite. Le qualificatif est clair : c’est une politique coloniale.
Vous comprendrez sans peine que ce peuple, en très large opposition à une politique d’exclusion sur sa propre terre, politique que vous avez conduite avec ardeur et compétence pendant plus de deux ans, s’y oppose, résiste et demain s’insurgerait si une solution conforme à ses intérêts collectifs et aussi à ceux de l’autre partie, n’était pas acceptée par l’Etat. Une démarche politique, novatrice, d’émancipation nationale, serait seule conforme au droit et à l’Histoire.
Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, à l’assurance de ma volonté de voir éclater et prévaloir la vérité .
Docteur Edmond Simeoni.