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Travail en période de chaleur : ce que change le nouveau décret, et pourquoi la Corse est déjà prête


Léana Serve le Samedi 21 Juin 2025 à 15:17

À partir du 1er juillet, un décret viendra renforcer les obligations des employeurs en matière de prévention des risques liés aux fortes chaleurs. Fourniture d’eau potable en quantité suffisante, équipements adaptés, aménagement des horaires : ces mesures devront être mises en œuvre dans tous les secteurs concernés. En Corse, où les épisodes de chaleur extrême se répètent chaque été, les professionnels du BTP assurent que ces consignes sont déjà appliquées sur les chantiers.



Photo d'illustration
Photo d'illustration

Face à la multiplication des épisodes de chaleur intense, un décret signé par plusieurs ministres et publié au Journal officiel  le 27 mai impose de nouvelles règles aux employeurs pour prévenir les risques liés aux températures élevées. Dès le 1er juillet, les entreprises devront notamment fournir au moins trois litres d’eau potable par jour et par salarié, du matériel de protection adapté (vêtements couvrants, chapeaux, crème solaire, zones ombragées), aménager les horaires pour éviter les pics de chaleur, et actualiser leur document d’évaluation des risques. Ces mesures s’appliqueront dès qu’une alerte jaune, orange ou rouge est émise par Météo-France.

Sur l’île, où les étés sont régulièrement marqués par des températures dépassant les 35 °C, ces recommandations ne surprennent pas les professionnels du bâtiment, qui affirment en avoir fait une habitude de travail. “C’est un sujet très important, et c'est un sujet de bon sens”, résume Jean-Baptiste Michon, président de la CAPEB (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) de Corse-du-Sud.  “Tous les métiers qui sont en extérieur sont en lien direct avec les problématiques de chaleur, et ce depuis des années. Personnellement, je ne connais pas de patron qui veut mettre ses salariés en danger. On laisse déjà beaucoup d’eau à disposition, et on adapte aussi les horaires pour travailler en fonction du soleil. Par exemple, un façadier va travailler sur une façade à l’ombre, et tourner en même temps que le soleil.”

Même discours en Haute-Corse : « On n'a pas attendu ce décret pour communiquer auprès de tous nos adhérents, les artisans du bâtiment, des règles basiques, mais qui sont de bon sens.  », insiste Vincent Baldo, président de la CAPEB 2B.  “On s'organise à travailler plus tôt le matin ou plus tard en fin d'après-midi, afin d'éviter les moments de forte chaleur. On prévoit aussi de quoi se couvrir avec des choses légères, mais en ayant en même temps les équipements de protection individuelle, on essaie de travailler au maximum à l'ombre et on emporte de l'eau. Tout ça sont des choses qui sont rappelées à nos adhérents par divers moyens en interne, comme de l'emailing ou des posts sur les réseaux sociaux.”

La Fédération du BTP de Corse-du-Sud confirme que ces mesures sont en place depuis des années. Sa présidente, Corinne Bernardini, souligne l’implication de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment, qui propose des outils concrets  “On n'a pas attendu le décret pour s'en préoccuper, ce n'est pas un sujet nouveau pour nous, surtout dans notre région où on est habitué aux chaleurs. On a un organisme de prévention spécifique, l'OPPBTP, avec des aides pour les entreprises, comme des bracelets intelligents pour voir la température corporelle, des éléments pour déceler un malaise lié à la chaleur, qui sont mis en place depuis des années. On a aussi testé des tee-shirts thermo-régulants et rafraîchissants. On est sans cesse en alerte pour le bien-être de nos salariés.”
 

Un décret qui confirme des pratiques déjà existantes
Si les entreprises corses du bâtiment affirment ne pas avoir attendu le décret pour agir, elles vont parfois au-delà des exigences légales. En pleine saison estivale, certaines tâches sont tout simplement suspendues, jugées trop risquées compte tenu des températures. “Dans ma propre entreprise, nous ne faisons plus d’isolation dans les combles entre mi-juin et mi-septembre, ou alors très tôt le matin, de 5h à 9h”, détaille Vincent Baldo. “Je n’ai pas envie de perdre quelqu’un sur le chantier à cause des chaleurs intenables.”  D’autres travaux, comme la pose de panneaux solaires sur les toits, peuvent être décalés, voire annulés en plein été. “Pour l’isolation, on travaille tôt parce que souvent, on travaille dans des résidences secondaires, où les propriétaires ne sont pas là souvent. Par contre, on arrête de travailler sur les toitures pour poser des panneaux solaires, parce que ce sont des chantiers plus longs, qu’on ne peut pas étaler sur plusieurs demi-journées. Les clients sont assez compréhensifs.”
 

Pour les professionnels du bâtiment, le décret ne fait qu’officialiser une réalité de terrain déjà bien ancrée. “On a un gouvernement qui nous prend pour des écoliers et qui remet une couche sur les obligations des entreprises par des effets d’annonce ou des décrets qui appuient bien les annonces”, lance Vincent Baldo. “Mais cet arrêté ne vient que confirmer des choses qui sont déjà mises en application, et aussi demandées dans la filière du bâtiment depuis des années.” Un avis partagé par Jean-Baptiste Michon : “C’est d’autant plus important d’y prêter attention, parce qu’on sait que le risque augmente avec la chaleur, dans un secteur déjà sujet aux accidents. Même si les choses sont déjà faites, il est toujours bon de les rappeler, parce que d’une année sur l’autre, on peut parfois prêter moins d’attention, et il est important de rafraîchir la mémoire du collectif.”

Selon eux, le texte pourrait surtout ouvrir la voie à plus de contrôles. “Le décret vient juste officialiser des obligations, et quand on officialise, bien souvent, c'est pour contrôler et sanctionner derrière. À ma connaissance, il n’y a jamais vraiment eu de contrôles en lien avec la chaleur, mais je pense qu’il y en aura plus cette année. En tout cas, ils pourront s’appuyer sur ce décret lors des contrôles”, détaille Vincent Baldo. Le président de la CAPEB de Corse-du-Sud, quant à lui, insiste sur l’importance de responsabiliser leurs adhérents. “La sensibilisation aux risques professionnels est un message qu’on porte toute l'année, et encore plus quand il y a de fortes chaleurs. On a besoin de ces textes-là, parce qu’il peut y avoir des entreprises qui ne respectent pas les règles : elles ne sont pas au courant ou alors elles ont oublié, alors que ce sont des éléments essentiels pour la protection des salariés.”