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Trafic de stupéfiants en Corse : la lutte est-elle freinée par le manque de moyens ?


Naël Makhzoum le Mercredi 16 Novembre 2022 à 18:02

Alors que les effectifs supplémentaires promis par Gérald Darmanin cet été ne sont toujours pas arrivés, la police judiciaire continue ses opérations de lutte contre le trafic de stupéfiants en Corse. Malgré le manque de moyens pour faire face à l'ampleur du phénomène.



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La problématique prend de plus en plus de place sur l'île. Le trafic de stupéfiants prolifère en Corse et la politique pénale répressive mise en place se veut à la hauteur du fléau. "Une dizaine d'affaires ont été ouvertes en 2021 à l'instruction sur le trafic de stupéfiants et six cette année", expliquait il y a quelques jours le procureur de la République d'Ajaccio. Dans son interview accordée à CNI, Nicolas Septe rappelait l'intensification de l'action cette année "avec des opérations et interpellations extrêmement nombreuses pour démanteler les trafics".

Preuve en est encore l'intervention d'ampleur réalisée la semaine passée à Baleone, sur la commune de Sarrola-Carcopino. Mercredi 9 novembre, huit personnes ont ainsi été interpellées dans deux véhicules différents en provenance de la Haute-Corse et toutes, incarcérées à la maison d'arrêt d'Ajaccio ou au centre pénitentiaire de Borgo.

"C'était une belle opération avec 20 kg de résine de cannabis et de l'argent liquide saisis par le groupe stups et la brigade de recherche et d'intervention de la police judiciaire, se réjouit d'abord Pierre Azema, délégué du syndicat Unité SGP Police Corse, avant de recontextualiser. Mais derrière pour eux, il y a eu 86 heures de garde à vue, ils ont dû assumer les conduites à l'hôpital car la sécurité publique ne pouvait pas le faire. Ce sont des journées à rallonge. Le manque de moyens impacte la lutte contre les stupéfiants et la criminalité organisée."

"Environ 20% d'effectifs perdus cette année"

En visite à Bastia le 22 juillet dernier, le ministre de l'Intérieur avait lui-même constaté le besoin d'allouer davantage de ressources à la police judiciaire insulaire. "Un renforcement des moyens policiers et judiciaires est nécessaire, établissait Gérald Darmanin cet été. Il s'effectuera dans les prochaines semaines, pour la rentrée de septembre. La Corse ne doit pas devenir la plaque tournante de la drogue en Méditerranée. Nous devons absolument mettre davantage de moyens en œuvre pour lutter contre cette criminalité organisée."

Seulement, depuis rien n'a changé et les effectifs qui auraient dû débarquer sur l'île il y a deux mois ne sont jamais arrivés. "J'ai rencontré la direction cette semaine, on en a discuté et elle espérait vraiment obtenir des effectifs en septembre comme ça avait été promis, regrette Pierre Azema. Au niveau opérationnel, la police judiciaire a perdu environ 20% d'effectifs cette année en Corse qui n'ont pas été compensés."

Une pénurie de ressources qui impacte directement l'efficacité de la lutte contre le trafic de stupéfiants. D'autant que le procureur de la République d'Ajaccio s'accordait à dire que "s'atteler à démanteler des réseaux suppose une police judiciaire bien dimensionnée, avec des services pouvant assurer des enquêtes à moyen terme", rappelant au passage que "le commissariat d'Ajaccio et la sureté départementale se trouvent parfois en difficulté pour assurer la gestion du flux des procédures en cours."

Sans signe d'arrivée de renforts et inquiet de "l'essor des clans mafieux dans l'économie insulaire", le syndicat Unité SGP Police Corse s'interroge aussi sur le caractère volontaire de ce silence, qui pourrait s'expliquer par une réforme de la Direction Départementale de la Police Nationale (DDPN) - aux dépends de la police judiciaire - à laquelle il s'oppose fortement.