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Tour de France : Où sont les Corses !


Nicole Mari le Lundi 1 Juillet 2013 à 01:02

Un village corse relégué en arrière plan et quasiment désert, un village du Tour interdit d’accès, des élus de premier plan pas invités, une presse locale traitée au rabais, un Préfet qui demande aux Corses de rester chez eux, une affluence très moyenne en grande partie composée de touristes étrangers, des cerbères énervés à chaque mètre… Et une population locale peu impliquée. Un tour de Corse sans les Corses, selon un hebdomadaire parisien.



Le village du Tour bunkerisé sur la place Saint-Nicolas.
Le village du Tour bunkerisé sur la place Saint-Nicolas.
« La Grande Boucle est une grande fête populaire, une fête qui réunit tous les Français le long des routes, comme si, d’un coup, les corporatismes disparaissaient au profit des seuls conflits entre supporters. Avec ces trois étapes en Corse, cette représentation idéale de la communion vélocipédique en prend un sacré coup. Devant les difficultés prévisibles de circulation sur l’île le préfet a lancé aux habitants un péremptoire "Restez chez vous !", tout en donnant comme conseil à ceux qui se déplaceraient de se munir de litres d’eau pour résister aux heures d’attente. Du coup, les Corses vont être dans la situation de Fabrice à Waterloo dans "La Chartreuse de Parme", qui se trouve à quelques mètres de Napoléon, mais qui ne le voit pas en raison du l’épais brouillard provoqué par la bataille et ne perçoit que des "Vive l’empereur !". Ils entendront les klaxons de la caravane passant à quelques centaines de mètres, mais ils devront se contenter… de regarder la télé pour la voir », écrit François Jost, analyste des médias, dans un article du Nouvel Obs, « Tour de France 2013 : la télé grande gagnante, les Corses grands oubliés », publié samedi, peu après le départ de Porto-Vecchio du 100ème Tour de France.(http://leplus.nouvelobs.com/contribution/895488-tour-de-france-2013-la-tele-grande-gagnante-les-corses-grands-oublies.html?)
 
Une fête sans spectateurs
Pour l’analyste du Nouvel Obs, la faute en incombe, principalement, à l’organisation de ce 100ème  Tour de France qui fait la part belle à la télévision, seule gagnante avec certains leaders politiques insulaires. « Si le départ par la Corse répond sans nul doute aux demandes de politiques, il se fera au détriment des Corses eux-mêmes, qui n’auront même pas le droit de faire partie du décor et de communier devant cette longue procession d’annonceurs qui n’a d’ailleurs rien de religieux. Loin d’être une victoire pour les habitants, ce choix n’a donc été fait que pour l’image : on verra des paysages magnifiques, des sites classés au patrimoine de l’Unesco, mais pas de présence humaine : une Corse sans les Corses en quelque sorte. Une balade dans un grand studio insulaire ». Et de conclure : « À qui profitera ce spectacle ? À la région, qui, montrée dans toute sa beauté, bénéficiera d’un spot publicitaire de trois jours ? Au téléspectateur, qui, lui, sera toujours bien placé par rapport aux coureurs et qui pourra frémir à les voir descendre des routes en lacets impressionnantes ? Cette centième édition du Tour avec sa fête populaire sans spectateurs, mais conçue entièrement pour le téléspectateur, marque une nouvelle victoire de la télévision sur la réalité ».
 
Pas d’adhésion
On aimerait bien affirmer que François Jost exagère… Mais, le sentiment, qui domine après les deux premières étapes, est similaire à ce qu’il décrit. Si, en apparence, tout le monde, des organisateurs du Tour aux élus insulaires, affiche officiellement une pleine satisfaction de circonstance, en off, comme on dit dans les médias, c’est-à-dire hors micro, les commentaires sont bien plus mitigés. D’abord, certains partenaires du Tour avouent, en sourdine, que l’affluence pour le Top départ porto-vecchiais n’a pas été celle escomptée, la qualifiant de « très moyenne » et très loin des 40 000 personnes que la Cité du Sel attendait. Murmurant que le Tour ne suscitait pas vraiment, jusqu’à présent, l’adhésion des Corses ! A part dans quelques gros points urbains, on ne peut pas dire que ceux-ci se soient déplacés en masse sur les bords du parcours de la 1ère étape pour applaudir la caravane publicitaire ou encourager les cyclistes ! Les touristes étaient bien plus nombreux et enthousiastes. Les autochtones ont-ils suivi à la lettre les conseils préfectoraux et regarder le Tour à la télévision ? A la question posée, la même réponse fuse : « Ah ! Si c’était le foot, vous auriez vu  ! ». Comment comparer la ferveur insulaire du ballon rond à la curiosité discrète que suscitent les deux roues !
 
Une affluence très moyenne
Si on peut incriminer la géographie insulaire tortueuse et les déserts ruraux peu propices à l’agglutinement sur les routes, l’affluence n’a guère été meilleure à l’arrivée sur la plage de l’Arinella à Bastia qui, malgré le carnaval de la caravane publicitaire, s’engluait dans l’ennui, sauvée au finish par l’incident du car s’encastrant dans le portique à quelques kilomètres du sprint final. Etait-ce l’absence de parkings, les transports en commun ou la marche à pied qui a rebuté les Bastiais et consorts ?
Il y avait plus de monde au fond de la place Saint-Nicolas et du boulevard Paoli, dimanche matin pour le départ de la 2ème étape, plus de touristes européens aussi, venus encourager leur équipe nationale. Néanmoins, le chanteur Patrick Fiori a fait plus recette au rond-point Novelty qu’une place Saint-Nicolas phagocytée par un village du Tour bunkerisé par une double protection de grilles et de barrières et à l’accès strictement réservé. Même pas l’espace technique où les coureurs patientaient avant le départ n’a suscité de réel engouement.
Les bords des routes se sont peu à peu remplis le long de la 2ème étape à mesure que le peloton progressait vers Ajaccio. On peut, sans peine, imaginer que l’afflux des 1er juillettistes grossira les troupes pour l’arrivée à Calvi.
 
Un village corse fantôme
Si beaucoup de Corses sont restés chez eux, il y a ceux qui auraient voulu y être et qui n’ont pas été conviés. Les Exécutifs territoriaux et municipaux ayant négligemment omis d’accréditer leurs adversaires politiques, certains élus de premier plan n’ont du leur présence qu’à l’invitation des représentants locaux des sponsors nationaux. Ce qui n’a pas manqué de nourrir rancœurs et polémiques. A neuf mois du scrutin des municipales, la fête pour tous s’est révélée faire-valoir électoral au profit de quelques uns.
Autres mécontents, les producteurs du village corse bastiais, parqués sur la place du Marché, bien loin de l’effervescence du Tour et de l’Arinella, qui, toute la journée de samedi, ont attendu, en vain, le chaland promis. Lassés d’attendre, certains ont, le samedi soir, pliés bagage trois heures plus tôt que prévus. Le village du Tour installé, samedi matin, sur la place Saint-Nicolas, ils ont espéré… mais n’ont rien vu venir ! Touristes et locaux sont restés loin, la plupart ignorant même l’existence du village corse. Réflexion désabusée d’un producteur agricole : « C’est du n’importe quoi ! Ils auraient pu nous mettre devant le lycée, au moins les gens nous auraient vu ! Encore de l’argent dépensé par la CTC pour rien ! ».
 
Un super coup de pub !
Si la liste des mécontents est loin d’être exhaustive, celle des satisfaits est plus facile à établir. Exécutif territorial, exécutif municipaux et départementaux, de Paul Giacobbi à Emile Zuccarelli en passant par Georges Mela ou Dominique Bucchini, les politiques se félicitent et se congratulent. C’est, certes, une super opération de promotion médiatique, mais pas seulement pour la Corse ! Toutes les télévisions du monde ont montré, des heures durant, des images sublimes que, jamais, l’industrie touristique locale n’aurait eu les moyens de s’offrir et qui semblent effacer, comme par enchantement, tant d’autres images mortifères qui nous collent comme une seconde peau ! Les professionnels, dans leur ensemble, sont ravis de l’aubaine. Mais, certains esprits chagrins se demandent si c’était bien nécessaire… Il faudra calculer la douloureuse facture de cette gigantesque campagne de pub planétaire et analyser si le jeu en valait bien la chandelle ! Certaines régions françaises ont, cette année, par peur de manquer de moyens, renoncé à accueillir le Tour ! Si les retombées en termes touristiques s’avèrent, dans l’avenir, celles escomptées, l’île et ses infrastructures limitées pourront-elles absorber un afflux supplémentaire de touristes sur deux mois estivaux déjà saturés ? La réponse est évidente ! En attendons, ne mégotons pas, jusqu’à lundi soir, ne boudons pas notre plaisir. Grandeur nature, même sur petit écran, que la Corse est belle !
 
N.M.