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Téléphones bannis au collège : en Corse, une interdiction bien accueillie mais des défis à relever


Léana Serve le Lundi 1 Septembre 2025 à 18:00

À partir de cette rentrée, l’utilisation du téléphone portable est strictement interdite dans tous les collèges français, une mesure inscrite dans le Code de l’éducation depuis 2018 et désormais renforcée. En Corse, cette décision suscite un large consensus, même si sa mise en œuvre soulève encore de nombreuses questions pratiques.



Photo d'illustration
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Fini l’utilisation des téléphones portables dans l’enceinte du collège. À partir de cette rentrée scolaire, les collégiens de la sixième à la troisième seront obligés de se séparer de leurs téléphones en arrivant dans l’enceinte de l’établissement. Une interdiction déjà inscrite dans le Code de l’éducation depuis le 6 août 2018, mais qui se renforce cette année pour les plus de 3 millions de collégiens en France. “L’enjeu des écrans est un enjeu de santé publique, un enjeu de santé mentale dont nul ne peut nier les effets”, a rappelé Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, lors d’une conférence de presse le 27 août dernier, avant de détailler le dispositif “portable en pause” qui vise à interdire l’utilisation de ces objets qui peuvent “nuire gravement à la qualité d’écoute et de concentration nécessaire aux activités d’enseignement” et “susciter la convoitise, le racket, le vol entre camarades”.
 

En Corse, cette décision est plutôt bien accueillie par les syndicats. “C’est une bonne chose puisque ça permet une plus grande concentration des élèves”, indique Fabien Mineo, secrétaire départemental du SNUIPP-FSU en Haute-Corse. “Quand on voit le temps que les jeunes passent sur les écrans, notamment sur leur téléphone portable, c’est bien qu’ils fassent autre chose quand ils sont à l'école, et qu'ils se concentrent et se consacrent au savoir qui leur est enseigné. C’est devenu assez problématique, surtout dans les collèges et dans les lycées, et des enseignants avaient déjà différentes techniques : ils demandaient, par exemple, aux élèves de déposer leur portable à l’entrée du cours, ça leur permettait de ne pas être distraits. Et puis le téléphone, c'est une ouverture avec Internet, alors ça évite aussi, quand il y a des contrôles, de l’avoir sur les genoux et de pouvoir tricher.”
 

Un avis partagé par Denis Luciani, président de l’Associu di i Parenti Corsi, qui estime que la mesure est justifiée face à la surexposition des jeunes aux écrans. “Il est important de poser des limites au sein des établissements scolaires. Le portable reste un outil utile, notamment pour communiquer en cas de problème, mais il faut absolument imposer une régulation. Et en Corse, c’est aussi une question liée au type de téléphone, un peu comme pour les marques, mais au-delà de ça, il y a une vraie surexposition. Le téléphone est devenu une sorte de drogue pour certains, alors s’ils utilisent leurs portables constamment dans la cour à chaque pause, ça devient problématique.”
 

La mise en œuvre de l’interdiction du téléphone dans les collèges varie selon les établissements. Dans certains cas, les élèves doivent déposer leur téléphone dans un casier ou une boîte à leur arrivée. Dans d’autres, comme au collège Simon-Vinciguerra de Bastia, les téléphones sont déposés dans une pochette en feutrine scellée. Avant de quitter l’établissement, l’élève pose cette pochette sur une borne aimantée qui déverrouille le mécanisme et permet de récupérer son téléphone. Mais si l’interdiction est globalement acceptée sur le principe, sa mise en place concrète dans les établissements scolaires pose encore de nombreux défis logistiques. “Ça me paraît assez difficile à mettre en place… Ça fait quand même beaucoup de téléphones à récupérer le matin, surtout pour des établissements de 700 élèves par exemple. Il aurait peut-être fallu l’interdire uniquement au niveau des cours”, souligne Denis Luciani.
 

Du côté des établissements, certains n’ont pas attendu cette mesure nationale pour interdire l’utilisation des téléphones portables. “Le téléphone portable est strictement interdit dans l'établissement depuis des années. Nous n'avons pas attendu la loi gouvernementale pour faire appliquer ce qui nous paraît être d'une logique implacable : les enfants, dans l'ensemble de l'établissement, n'ont pas besoin d'utiliser leur téléphone. C’est vrai que les plus jeunes en ont dès leur entrée en sixième, mais ils comprennent parfaitement qu'ils n'ont pas le droit de l'utiliser et que s'ils l'utilisent, il est confisqué et c'est ensuite aux familles de venir le récupérer avant la fin de la journée. Ils le gardent simplement éteint dans leur sac, et c'est un fonctionnement qui marche très bien, c’est pourquoi on ne voit pas l'intérêt de se lancer dans des achats conséquents pour faire appliquer cette directive”, détaille François Grimaldi d'Esdra, principal du collège Saint-Paul à Ajaccio.

Pourtant, certains regrettent cette interdiction totale, estimant qu’elle aurait pu être évitée si l’utilisation des téléphones avait été mieux régulée. “Sur le principe, ça me gêne qu'on interdise quelque chose qui pourrait être un outil au niveau de l'institution, utilisé pour rechercher des informations. Le problème, c'est l'excès. Si vous laissez un téléphone entre les mains d'un collégien, il va naviguer sur les réseaux sociaux, et ne plus être concentré dans un lieu qui est censé être un espace d’apprentissage, alors on n’a pas le choix d’interdire. Mais je pense qu’il faut arriver à jouer sur la modération par le biais de la mission éducative des parents. Il y a l'interdiction, mais il y a aussi un rôle pédagogique. Il faut sensibiliser, il faut que les jeunes comprennent, parce que pour le moment, je ne sais pas si cette mesure va marcher. On a tous été collégiens, si on peut trouver des parades, on les trouve”, précise Jean-Pierre Luciani, secrétaire national du STC Éducation.