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Tchernobyl : La Corse choquée par la réponse de la ministre


Nicole Mari le Lundi 19 Août 2013 à 23:20

La France a longtemps nié les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl sur le territoire national. L’étude épidémiologique, réalisée par le groupement Ospedali Galliera de Gênes à la demande de l’Assemblée de Corse (CTC) et publiée sur le site de la CTC, démontre l’hypocrisie de l’Etat. Elle jette un tel pavé dans la mare que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a été obligée de la déclarer « non concluante ». De même, l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), organisme public, bras armé de l’Etat, a cru préférable de l’éreinter. Se disant « choqué » par ces propos, Paul Giacobbi, le président de l’Exécutif territorial, revient, pour Corse Net Infos, sur cette polémique.



Paul Giacobbi, président de l’Exécutif territorial, député.
Paul Giacobbi, président de l’Exécutif territorial, député.
- Qu’est-ce qui vous a choqué dans la réaction de la ministre ?
- Je suis choqué par la réaction de la ministre qui est certainement mal informée. Mais aussi, par l’avis rendu par le laboratoire épidémiologique de l’IRSN qui, dans cette affaire, depuis le début, a menti. Il finit par le reconnaître, en 2002, en faisant des études plus sérieuses. Aujourd’hui, il répond à une étude épidémiologique de centaines de pages par une note sommaire de deux pages qui n’est pas une note d’information, mais de désinformation. Tout cela n’est ni normal, ni logique.
 
- C’est-à-dire ?
- D’abord, sur le plan de la décence. Quand on est l’IRSN et qu’on a perdu beaucoup de crédibilité, on n’a plus le droit de se prononcer de cette manière sur cette affaire. Ensuite, sur le plan rationnel, l’IRSN doit répondre à des données scientifiques de manière sérieuse. Il appartient à ce laboratoire de répondre par une autre étude scientifique qui sera publiée dans une publication scientifique. Si l’avis de l’IRSN se réduit à ces 2 pages, il ne sera pas admis dans une revue scientifique qui exige une argumentation étayée, fondée, sérieuse, et non pas un papier de circonstance. Enfin, je suis choqué sur le fond par cette lenteur à reconnaître les faits.
 
- Quelles en sont, aujourd’hui, les conséquences ?
- S’il survenait, aujourd’hui, en France une catastrophe comme Fukushima, le droit français ne permettrait d’indemniser personne. C’est un détail qu’on oublie ! Pour être indemnisé, il faudrait démontrer la corrélation entre une affection et le rayonnement. Ce qui est extrêmement difficile à faire ! On voit bien qu’il y a un problème.
 
- A quoi est-il du ?
- A l’ignorance et au lobby nucléaire. Il faut bien le dire ! Je suis tout à fait favorable à l’énergie nucléaire, mais ce n’est pas rendre service à l’industrie nucléaire que de mentir, de professer des choses inexactes et de manipuler. Bien au contraire, il faut faire et dire les choses dans la transparence. L’industrie nucléaire a suffisamment de qualités pour ne pas avoir besoin de s’abriter derrière le mensonge et la manipulation permanente.
 
- Avez-vous aussi le sentiment que l’étude est traitée avec mépris parce qu’elle vient de Corse ?
- Oui. J’ai un peu ce sentiment-là. Pourtant, on ne devrait pas traiter avec mépris ce que la Corse fait. Ce sont les initiatives, que nous avions prises, notamment au Conseil général de la Haute-Corse, qui ont finalement abouti à faire reconnaître, entre autres, que les mesures faites dans l’île n’étaient pas celles que l’IRSN avait prétendu faire à l’époque. L’IRSN reconnaît, aujourd’hui, que la Corse a été un des territoires français les plus impactés par les retombées de l’accident de Tchernobyl. Or, pendant des années, il nous a dit qu’il n’y avait pas de radioactivité en Corse du fait de Tchernobyl. Il lui a fallu des années pour le reconnaître.
 
- L’étude est-elle critiquable ?
- Bien entendu que l’étude est critiquable ! Mais, c’est faire preuve de beaucoup de mépris que de critiquer, à nouveau, de manière aussi sommaire alors même que, précédemment, il a été reconnu que nous avions raison et que l’IRSN avait tort !
 
- Que comptez-vous faire maintenant ?
- Nous comptons poursuivre. Nous allons, très certainement, présenter, à l’Assemblée nationale, un projet de résolution portant sur la reconnaissance d’une présomption de lien de causalité entre l’exposition aux radiations, suite à un accident nucléaire, et la maladie ou le décès. Beaucoup de gens sont, quand même, choqués. Il faudra bien que l’on finisse par reconnaître. Ce qui est idiot, c’est que l’on finira par reconnaître les faits, mais on met beaucoup de temps à le faire.
 
- En tant que président de l’Exécutif, quelles suites donnerez-vous à ce rapport ?
- Ce rapport appartient à la Commission ad hoc compétente qui est présidée par Josette Risterucci. Cette Commission va travailler, avancer sur le sujet et faire des propositions. C’est, malheureusement, un travail de longue haleine.
Propos recueillis par Nicole MARI.
 
A suivre, deux interviews :
- Dr Jean Charles Vellutini, dont les 16 000 dossiers de patients ont permis de réaliser l’étude épidémiologique.
- Fabienne Giovannini, élue territoriale de Femu a Corsica, membre de la Commission Tchernobyl et présidente de l'observatoire régional de la santé.
 
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