En déplacement à Bastia ce jeudi 5 juin, Gérald Darmanin a multiplié les annonces sur le front pénitentiaire. Devant la presse, le ministre de la Justice a confirmé son intention de « construire des places supplémentaires de prison » en Corse. Une réponse, selon lui, à l’état des établissements existants, aux conditions de détention dégradées, au manque de dispositifs de semi-liberté, et à la nécessité d’adapter l’offre carcérale aux réalités locales. « La prison, ce n’est pas l’exception. Ça doit être la règle pour ceux qui s’en prennent, notamment en violences physiques, contre les personnes », a-t-il affirmé.
Confronté à une situation que plusieurs syndicats décrivent comme « intenable » — manque chronique de places, établissements saturés, personnels à bout — le garde des Sceaux a exclu tout élargissement systématique. « La bonne solution, ce n’est pas la régulation carcérale, ce n’est pas faire sortir des gens alors que des magistrats indépendants ont jugé qu’ils devaient y aller. C’est de construire des places supplémentaires », a-t-il insisté, se déclarant « très favorable à la construction d’une unité supplémentaire de prison sur l’île de Beauté ». Gérald Darmanin a toutefois assuré vouloir associer les élus locaux au projet. « Je vais en parler avec le président de l’exécutif. Les collectivités doivent y participer », a-t-il souligné.
La question de l’éloignement géographique des détenus a également été abordée. « Beaucoup de détenus d’Ajaccio sont incarcérés à Bastia, à Borgo. Ce n’est pas normal. Il faut qu’ils soient proches de leur famille », a-t-il estimé, saluant au passage la participation de la Collectivité au réaménagement du terrain de sport de la prison de Borgo et appelant à une mobilisation plus large.
Concernant l’établissement de Casabianda, le ministre évoque la nécessité de développer des aménagements de peine. « Il n’y a quasiment pas de places de semi-liberté. Il faut en créer à Borgo comme à Casabianda. Et on pourrait imaginer d’autres sites », avance-t-il, estimant que le contexte foncier corse, où l’État détient des terrains pénitentiaires, pourrait permettre d’accélérer les projets.
Des établissements à bout de souffle
Reste à savoir si ces intentions ministérielles se traduiront rapidement par des actes. Car sur le terrain, l’urgence est déjà là, alertent les syndicats de l’administration pénitentiaire. Au lendemain des annonces du ministre, Raphaël Barallini, délégué régional FO Pénitentiaire, dresse un constat préoccupant : « Sur le centre pénitentiaire de Borgo, on compte actuellement trois détenus qui dorment à même le sol sur des matelas. La situation est très tendue. Le personnel est épuisé, les agents cumulent jusqu’à 90 heures supplémentaires par mois. » Selon lui, l’ajout de bâtiments modulaires, évoqué par le ministre, pourrait constituer une solution transitoire, mais reste insuffisant à court terme. « Il faut compter entre 18 mois et deux ans pour les rendre opérationnels. Et pour une prison classique, il faut sept ans de construction. Aujourd’hui, toutes les structures en Corse sont en surpopulation pénale. On ne peut pas attendre. »
À Ajaccio, la maison d’arrêt, construite en 1848, est dans un état jugé critique. Prévue pour accueillir 50 personnes, elle en a compté jusqu’à 94 ces derniers mois, dont 17 détenus au sol. « On ne peut pas pousser les murs. C’est une structure obsolète, inadaptée. Même si les détenus souhaitent rester près de leur famille, la réalité est qu’on ne peut plus faire face », ajoute le représentant syndical.
Au-delà de la capacité d’accueil, les contraintes liées à la séparation des profils de détenus rendent la gestion quotidienne encore plus complexe. « C’est infaisable dans ces conditions », insiste-t-il, d’autant que la pression va croissant avec l’arrivée de la haute saison touristique : « On va doubler, voire tripler la population civile en Corse, donc mécaniquement, il y aura plus de personnes écrouées. »
Le manque de personnel est également dénoncé. À Borgo, il faudrait 90 agents pour fonctionner normalement ; ils ne sont aujourd’hui que 66. Et parmi eux, certains doivent être redéployés sur de nouvelles missions — sécurité, surveillance vidéo — sans renforts prévus. « On nous demande plus, avec moins. Ce n’est plus tenable », résume Raphaël Barallini.
S’il reconnaît que les annonces du ministre pourraient produire des effets « dans un avenir plus ou moins proche », le syndicat réclame des mesures immédiates. « Ce qu’on attend, ce sont des solutions pour l’instant T. Les détentions sont en train d’exploser. Nous avons besoin de renforts, d’espace, de réponses concrètes. »
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