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Statut de coofficialité de la langue corse : Les réactions politiques


Nicole Mari le Dimanche 19 Mai 2013 à 01:04

Le vote est tombé à 21 heures. Après quelques secondes de silence groggy, comme celui qui suit un combat intense, l’hémicycle s’est levé pour saluer cette victoire historique par des applaudissements et des embrassades. Puis, l’émotion et la joie ont déferlé. Corse Net Infos a saisi à chaud les réactions, bien sûr, nationalistes, mais aussi des élus de gauche, de droite, des membres de l’Exécutif et même des détracteurs du projet. Tous, unanimes à déclarer que le combat ne fait que commencer… Il faudra, maintenant, convaincre Paris !



Statut de coofficialité de la langue corse : Les réactions politiques

Pierre Ghionga, rapporteur du statut de coofficialité, conseiller exécutif en charge de la langue corse 
« Je ressens beaucoup de joie et d’émotion. Ce vote n’est pas une fin en soi, mais le début d’un processus différent pour obtenir une réforme de la Constitution et enclencher le processus de coofficialiation qui demandera de l’argent et des moyens humains. Nous avons la volonté de le faire. Je suis dynamisé par ce vote qui est une victoire de la langue corse et de la Corse. Les élus de la CTC ont montré leur maturité en répondant à deux urgences : l’urgence de sauver la langue corse et l’urgence de répondre au souhait de la majorité des Corses d’avoir un statut pour notre langue. Ils ont réussi à faire un pas les uns vers les autres et à se mettre d’accord pour obtenir ce succès. Il n’y a eu aucun vote contre le statut et, même sur certains points, nous avons obtenu un vote unanime. Certains groupes ont eu peur du mot coofficialité. Peut-être ne l’avons-nous pas assez expliqué ! Mais, ils ont reconnu que ce texte était une avancée pour notre langue ».
 
Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif de l’Assemblée de Corse 
« C’est un très grand moment pour l’assemblée de Corse, pour tous ses membres, ceux qui ont voté pour et ceux qui n’ont pas participé au vote, mais qui ont participé, de manière très importante et constructive, à cette délibération. Naturellement, ce vote n’est pas une fin en soi, seulement un programme de travail. Tout reste à faire. Mais, il est très satisfaisant et surtout très encourageant de se lancer dans cette aventure indispensable avec l’idée que la représentation de la Corse est unanime puisque personne n’a voté contre et qu’une large majorité se dégage en faveur des principes de travail, d’action et de droit que nous avons arrêté ainsi. La langue corse était le dossier primordial. Si nous ne sommes pas capables de décider per a nostra lingua, nous ne déciderons rien pour le reste !».
 
Dominique Bucchini, président de l’Assemblée de Corse :
« L’assemblée de Corse a effectué un travail important pour l’épanouissement de notre langue. Il faut que l’opinion publique comprenne que ce statut ne dresse pas une langue contre une autre, mais propose deux langues ensemble. Il va falloir cheminer en mettant beaucoup de temps et d’argent, mais il est nécessaire pour l’épanouissement des gens que l’on puisse continuer à parler et à chanter de plus en plus en corse.
En dépit de ce que quelques esprits chagrins croient, c’est nous qui avons initié ce terme de coofficialité. Les deux fédérations du parti communistes français, à partir des travaux d’un linguiste corse de renommée internationale, Jean-Baptiste Marcellesi, défendent ses positions depuis 1985. Je pense beaucoup à lui, qui vient souvent en Corse et qui habite dans le Var. Il va être content de voir que le combat, qu’il mène depuis des années, a trouvé sa consécration ».
 
Gilles Simeoni, co-leader du groupe Femu a Corsica 
« J’éprouve beaucoup de joie et d’émotion avec la conscience d’avoir participé à un moment important, sans doute historique, et la satisfaction du devoir accompli. Je pense à toutes celles et ceux qui ont permis que ce moment se réalise et, bien sûr, aux générations de femmes et d’hommes qui ont œuvré pour que notre langue vive. Certains ne sont plus là. Je pense, aussi, avec émotion aux générations à-venir pour lesquelles nous nous battons et qui pourront connaître leur langue, vivre leur culture, savoir d’où ils viennent pour décider où ils veulent aller ».
 
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Femu a Corsica 
« C’est, bel et bien, un moment historique avec un phénomène relativement inattendu à bien des égards. Une très large majorité, qui dépasse de très loin les contours de la seule majorité territoriale, s’est prononcée en faveur du rapport. Il n y’a pas eu d’opposition frontale, pas d’hostilité, pas de vote contre. Ce qui va permettre de renvoyer, d’abord à la société corse, un signal d’avenir et d’apaisement et, ensuite, à Paris, un signal fort en espérant que le gouvernement et l’Etat sauront prendre l’exacte mesure et engager le processus de coofficialisation comme une très large majorité de la CTC leur a demandé ».
 
Jean-Guy Talamoni, président du groupe Corsica Libera 
« Ce vote est vraiment, pour notre pays, un moment très beau et très important qu’il faut savourer. L’émotion était partagée sur tous les bancs de l’Assemblée. Les élus étaient fiers de ce qu’ils ont fait. Un pas a été franchi pour sauver la langue corse et lui permettre de se développer. Il n’y a pas eu un seul vote contre, cela veut dire qu’il n’y a eu, à l’Assemblée de Corse, aucune opposition pour mettre en œuvre un statut de coofficialité. Cela signifie aussi que l’Assemblée de Corse s’est affranchie de la tutelle parisienne et qu’elle ne s’est pas autocensurée. Elle a dit ce qui était bon pour la Corse. C’est peut-être la première fois qu’elle le fait aussi clairement. C’est une preuve de maturité ».
 
Jean-Baptiste Luccioni, président du groupe Corse Social Démocrate 
« L’instant est vraiment important et même historique. Nous avons, à travers notre majorité, présenté un projet fort et accompli un acte politique fort. Nous nous retrouvons avec tous les progressistes qui ont adhéré à ce projet. Il a fallu, pour arriver à ce vote important, que cinq groupes de l’Assemblée de Corse arrivent à transcender les clivages. Nous avons su mettre de côté nos différences pour nous rassembler sur l’essentiel et faire que le patrimoine immatériel le plus important de notre île, notre langue, qui va cimenter notre société et notre communauté, soit maintenant défendu, et puisse revivre et continuer à vivre. J’espère que ce statut sera repris dans un cadre constitutionnel qui fera que la langue corse pourra être le véhicule important de notre identité ».

Etienne Bastelica, président du groupe Communistes et Citoyens du Front de Gauche 
« A force d’entendre parler des anciens comme Albert Ferracci ou Paul-Antoine Luciani qui étaient là avant moi, je pense qu’avec ce vote, nous avons franchi un pas important. C’était notre but. C’est une véritable déclaration d’amour que nous faisons à la langue corse. C’est un nouveau moment qui est en train de naître et pour lequel notre groupe a fait preuve de beaucoup d’intelligence politique. Il faut continuer à travailler et, avec notre force de conviction, convaincre encore et encore. Nous en avons les moyens. C’est dans la force de conviction et dans la force des idées que résident tous les progrès de la Corse et pas ailleurs ! ».
 
François Tatti, président du groupe Gauche républicaine
« L’Assemblée de Corse a voté un texte qui ne correspond pas au projet de statut et à l’architecture institutionnelle que nous avions souhaités. C’est un travail qui a des aspects positifs. Nous n’avons pas voté contre ce projet parce que ce n’était pas le sens du travail que nous avons accompli depuis des mois. Nous considérons que c’est un début de parcours. Ce projet aura un cheminement et reviendra devant l’Assemblée assez rapidement où nous aurons l’occasion de le parfaire. C’est, en tous cas, le souhait que je forme. »
 
Antoine Orsini, élu du groupe Corse Social Démocrate 
« Nous avons vécu un moment historique qui marquera cette mandature et, j’espère, un nouveau départ pour la langue corse et pour sa renaissance dans notre société. Ce qui a été fait n’était pas facile, je rends hommage à Pierre Ghionga, à l’Exécutif et à tous ceux qui ont travaillé sur ce projet. Le plus dur reste à faire : il faut convaincre l’Etat de s’approprier ce statut pour lui donner toute la vigueur juridique qu’il mérite et que sa mise en œuvre suppose. J’éprouve, à la fois, un sentiment de joie et de confiance dans l’avenir et d’espoir dans l’Etat pour entendre le signal que nous avons émis ».
 
Petr’Anto Tomasi, membre du bureau exécutif de Corsica Libera
« Heureux et soulagé après 48 heures de négociations âpres, quasiment 3 années de travail et plusieurs décennies de combat pour la reconnaissance de la langue corse. C’est une grande joie pour tous ceux qui nous ont précédés et se sont battus pour ce qui constitue le socle commun de ce peuple et de cette nation. Ce vote est la première étape, la première marche d’un projet global pour la Corse. C’est un pas décisif. Il faudra, dans les faits, aller arracher cette officialité à Paris. Mais, ce qu’il faut retenir aujourd’hui, c’est que ce projet a transcendé les clivages. In tutta a sucietà, c’é una brama di lingua. Avà, volèrà à cuncretizà la ! ».
 
Propos recueillis par Nicole MARI

Suite des réactions politiques, demain.