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Soldes : en Corse, une tradition commerciale qui ne fait plus recette


Léana Serve le Mardi 8 Juillet 2025 à 10:38

Face à une multiplication des promotions tout au long de l’année et à un calendrier décalé par rapport au continent, la période des soldes semble perdre de son efficacité en Corse. Entre baisse de fréquentation et concurrence du commerce en ligne, les commerçants bastiais s’adaptent tant bien que mal.



Photo d'illustration
Photo d'illustration

“Les soldes n’ont plus lieu d’être, les commerçants et les clients s’en fichent”, lâche Olivier Louis Simoni, président de la fédération des unions de commerçants et artisans du Grand Bastia. Alors que les soldes se dérouleront du mercredi 9 juillet au mardi 5 août sur l'île, ce constat, de plus en plus partagé, reflète une réalité : la période des soldes a perdu de son impact. La raison ? Des réductions omniprésentes toute l’année, qui rendent cette période obsolète. “Aujourd’hui, il y a des promotions avant, pendant, et après les soldes, que ce soit le black friday, mais aussi plusieurs périodes de ventes privées dans l’année. Alors quand on arrive dans le mois des soldes, ça n’a plus d’intérêt pour les clients, qui ont déjà profité des réductions. Les commerçants font simplement les soldes parce qu’ils n’ont pas le choix.”
 

Un constat partagé par certains vendeurs bastiais. “Le mot soldes fait toujours vendre, mais on a perdu l’engouement qu’il y avait avant, surtout les quatre premiers jours où on n’arrêtait pas. Je pense que c’est dû au fait qu’il y ait des promotions toute l’année, les clients n’attendent plus une période définie pour se faire plaisir”, confie Maria, vendeuse dans une boutique de lingerie. Même avis pour Fabienne, vendeuse au sein de la boutique de prêt-à-porter ba&sh. “Il y a moins d’engouement pour les soldes, et on voit une vraie baisse de fréquentation. Les clients ont moins d’argent à dépenser dans les vêtements.”

Si les soldes n’attirent plus autant les clients en Corse, c’est aussi à cause du décalage de deux semaines avec les dates de soldes sur le continent, qui se déroulent du mercredi 25 juin au mardi 22 juillet. Un inconvénient que déplore Olivier Louis Simoni : “Les touristes arrivent du continent en ayant déjà fait les soldes. Quand ils arrivent en Corse, quel intérêt pour eux de les refaire ? Il n’y en a aucun.” L’autre difficulté concerne la période elle-même, surtout l’hiver. “On nous colle des soldes juste après Noël. Les clients n’ont déjà pas beaucoup d’argent le reste de l’année, alors vous imaginez au début de l’année après les fêtes.”


Des commerçants contraints de s’adapter

Face à l’essoufflement des soldes traditionnels, les commerçants n’ont d’autre choix que de se réinventer. Une nécessité d’autant plus importante qu’ils doivent désormais affronter le développement du commerce en ligne. Une concurrence perçue comme déloyale par de nombreux professionnels. “Aujourd’hui, des soldes, il y en a toute l’année sur Internet. Comment voulez-vous qu’un commerçant, à Bastia ou ailleurs, puisse rivaliser ? Il ne peut pas”, lance Olivier Louis Simoni. Les professionnels doivent alors s’adapter pour limiter la baisse de leur chiffre d’affaires. “Pour tenir la route, ils n'ont pas d’autre choix que de proposer des réductions plusieurs fois par an, mais on ne peut pas continuer à faire des opérations promotionnelles toute l'année. Comment voulez-vous refaire des collections si vous ne faites pas de bénéfice ?”, s’interroge-t-il.
 

Face à la concurrence en constante augmentation du commerce en ligne, la digitalisation apparaît aujourd’hui comme un passage obligé pour les commerçants. “Ceux qui ont réussi à prendre le virage du numérique tiennent mieux la route”, confirme Olivier Louis Simoni. “Ils ont un site Internet, vendent en ligne, livrent leurs clients, et sont actifs sur les réseaux sociaux. C’est devenu indispensable.” Pour beaucoup, ce nouveau mode de fonctionnement est pourtant un défi de taille. “La Chambre de Commerce et d’Industrie organise beaucoup de formations pour aider les commerçants à se familiariser avec ces outils”, poursuit-il. “Mais il faut du temps, de la persévérance, et surtout une certaine agilité. Pour les jeunes commerçants, c’est facile, ils sont nés dans cette génération digitale, mais pour les plus âgés, c’est plus compliqué, ils ne maîtrisent pas ces choses-là.”

Alors que les soldes semblent avoir perdu de leur efficacité, les commerçants continuent malgré tout de jouer le jeu. “Là, en ce moment, vous avez tous les commerçants sur l'île qui font des ventes privées, qui ont déjà commencé à faire des super promotions avant les soldes”, observe Olivier Louis Simoni. Pour lui, seule une réforme en profondeur permettrait de redonner du sens à ces périodes commerciales : “Il faudrait que les décisions soient prises à l'échelle européenne, voire mondiale. Mais en attendant, personne ne se prive du marché français. Et la France a perdu le pouvoir d’achat qu’elle avait il y a 10, 15 ou 30 ans.” Derrière ce constat économique se cache aussi un sentiment plus amer. “Il y a quelques années, il y avait un vrai engouement pour les soldes. Les clients attendaient devant la boutique, et certains appelaient même pour réserver des articles. Aujourd’hui, c’est terminé. On a même perdu la convivialité et le rapport à l’humain.”