Corse Net Infos - Pure player corse

« Si ça rit pas, c’est une souffrance » : la masterclass de Nakache et Toledano au Portivechju Film Festival


le Vendredi 19 Septembre 2025 à 17:40

Jour 2 du Portivechju Film Festival : durant une heure et demie, ce vendredi après-midi, les réalisateurs d’Intouchables, deuxième plus grand succès populaire de l’histoire du cinéma français, ont partagé avec le public porto-vecchiais leur vision du métier de cinéaste, de l’écriture au montage. Tout en partageant des anecdotes savoureuses.



Olivier Nakache et Eric Toledano ont répondu aux questions de l'animatrice du PFF, ainsi que du public.
Olivier Nakache et Eric Toledano ont répondu aux questions de l'animatrice du PFF, ainsi que du public.
Le tournage

Olivier Nakache : « Tout est très cadré, hiérarchisé. Avec les équipes, ça fonctionne d’une seule voix. On aime le travail d’équipe, on n’est pas des solitaires. Pour nous le cinéma, c’est du collectif. Un dialogue peut sonner très bien à l’écriture, mais pas forcément quand les acteurs vont le jouer. »

Eric Toledano : « Il faut beaucoup de talents associés pour réussir un film, et le choix des techniciens est prépondérant. »

L’écriture 

Eric Toledano : « Au départ, il ne se passe rien car la scène est un pur produit de notre cerveau. Notre méthode, c’est d’abord de faire ce qu’on a écrit. Puis les dernières idées de l’écriture arrivent et il y a comme une envie de part et d’autre. Chacun a ses idées et on va arbitrer ça au montage. Le scénario, c’est comme un puzzle : au moment du tournage, on va casser le puzzle en petites saynètes. On va être ultra focus sur les deux minutes qu’on aura sélectionnées pour la journée. Et c’est ensuite que l’on verra si cette séquence entre dans le grand puzzle. »

Le montage

Eric Toledano : « Un jour, on a rencontré un neurologue, dont un des enfants passait un casting. Et il nous a dit : le cerveau, c’est une salle de montage. Avec les diapositifs qu’on a dans le cerveau, on fait toute la journée nous-même du montage. On prend des éléments, on les colle et on leur donne un sens. Et selon l’ordre que vous mettez, ça donne un sens différent. Il y a beaucoup de créativité au montage. Ce qui est sûr, c’est que s’il y a quelque chose qui ne va pas dans le scénario, ça ne sera jamais résolu au montage. Une voiture ne finira pas par rouler s’il y a un souci dans le moteur. »

Olivier Nakache : « Au montage, on essaie de voir si la réalité du scénario s’est bien transformée à l’écran. On est impitoyable : s’il y a quelque chose qui ne marche pas, on coupe. Le rythme du film, c’est crucial. »

Leur rapport au rire

Olivier Nakache : « Très régulièrement avant la sortie d’un film, on fait des projections à l’aveugle, et on voit déjà si ça rigole. On fait des comédies, donc il ne faut pas qu’on entende deux rires dans une salle. Et on est attentifs aux incompréhensions. Si ça revient régulièrement dans les réactions des gens, c’est qu’il y a un souci. Et il faudra le régler au montage. Au final, on va monopoliser 1h50 de la vie des gens. Si c’est une comédie, ils doivent rire. C’est une responsabilité. Les gens payent leur ticket. »

Eric Toledano : « Le rire, c’est très subjectif. Mais nous, on n’aime pas les vannes qui tombent par terre. Si ça rit pas, c’est une souffrance, une petite sueur dans le dos pas très agréable. Le rire collectif, c’est un peu le verdict. Parfois, il nous est arrivé de tout changer. Par exemple, le personnage d’Alban Ivanov dans Le Sens de la Fête. On lui avait mis plein de situations, mais on a pensé que c’était trop et on en a enlevées beaucoup. Mais après une projection test, on s’est rendu compte que tout le monde riait quand il apparaissait. Alors on a remis plein de situations avec Alban Ivanov ! »

 

La masterclass a duré une heure et demie.
La masterclass a duré une heure et demie.
Les adaptations de leurs films

Eric Toledano : « Quand un de nos films fait carrière à l’étranger, on a une charte que l’on transmet aux distributeurs pour expliquer nos vannes. Par exemple, si on parle de Patrick Sébastien dans notre film, il faut trouver quelqu’un qui corresponde à Patrick Sébastien dans un autre pays... »

Olivier Nakache : « … et heureusement, il y en a ! La traduction la plus difficile, c’est quand, dans Intouchables, Omar (Sy) va se faire embaucher par Joséphine de Meaux. Il regarde une peinture et il dit : j’aime beaucoup Goya. Elle répond : moi aussi, mais depuis Pandi Panda, elle a plus fait grand-chose. Allez traduire ça ! »

Leurs conseils à un jeune dans le public qui veut faire du cinéma

Eric Toledano : « Les connections dans le métier, il n’y a pas que ça, sinon on ne serait pas devant toi aujourd’hui. Il faut y aller au culot, à l’audace. Il faut foncer. Il y a des façons d’exister aujourd’hui, grâce à Internet ou aux réseaux.

Olivier Nakache : « C’est ce que tu veux faire ? Du cinéma ? Eh bien, fais. Et bon courage. »

Leur film fétiche

Eric Toledano : « Il y a un film qu’on cite toujours, et qui est pour nous le plus grand de tous les temps, c’est le film d’Ettore Scola, Nous nous sommes tant aimés. C’est un film qu’on peut revoir à plusieurs étapes de l’existence et on y voit autre chose à chaque fois. C’est un film sur le temps qui passe. L’idée de faire ce film, oui, j’aurais voulu l’avoir. »

Les compliments (ou pas) de Pido

Eric Fraticelli, s’adressant à Eric Toledano et Olivier Nakache : « Vous dites que vous êtes très différents tous les deux et c’est vrai, il y en a un des deux... qui est super cool et agréable ! Et comme l’un de vous deux a une maison en Corse, il est temps de vous dire que maintenant, il faut arrêter de faire des films sans moi. Je vieillis les gars, il y a urgence ! (Reprenant son sérieux) Vous avez montré que le plus important pour vous, c’est le public. Et c’est très rare dans le métier. Donc je voudrai vous féliciter pour ça. »