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Sécheresse : Pas d’inquiétude immédiate, vigilance dans le Fium’Orbu et en Balagne


Nicole Mari le Vendredi 12 Juillet 2019 à 22:33

La Corse est, pour l’instant, globalement épargnée par la sécheresse qui sévit sur le continent. C’est le constat positif qui ressort de la réunion des comités hydriques des deux départements de Haute-Corse et de Corse du Sud, qui s’est tenue, vendredi, matin dans les locaux de Corsic’Agropôle à San Giuliano sous la présidence conjointe de la préfète de Corse, Josiane Chevalier, et du président de l’Office d’équipement hydraulique de la Corse (OEHC), Saveriu Luciani, en présence de leurs services, des Chambres d’agriculture et des autres acteurs concernés. Chargés notamment de surveiller le niveau de la ressource en eau et l’état de sécheresse de l’île, ces comités ont dressé un bilan de saison en termes de recharge hydrologique et anticipé une fin d’été qui s’avère plus problématique. Avec deux maitres-mots : vigilance et sensibilisation des usagers.



Sécheresse : Pas d’inquiétude immédiate, vigilance dans le Fium’Orbu et en Balagne
La canicule de juin avait fait craindre le pire, mais finalement les nouvelles sont plutôt bonnes en Corse. Alors qu’une cinquantaine de départements du continent doivent faire face au spectre des pénuries d’eau et mettent en place des mesures de restrictions, la Corse, qui a quand même été placée en vigilance sécheresse, semble, dans les faits, pour l’instant, y échapper. « Nous sommes dans une situation intermédiaire entre celle de la saison 2017 qui était extrêmement sèche et celle de 2018 qui était prolifique, la saison très pluvieuse n’a pas engendré de problème hydrique. Néanmoins, les courbes d’utilisation d’eau, notamment agricole, sont assez hautes, mais en deçà de 2017 », explique Saveriu Luciani, président de l’OEHC. Ce début juillet, les stocks de l’OEHC atteignent 85 %, ceux d’EDF dépassent 90 %. Malgré un début d’année fort peu humide, la neige, qui est tombée mi-mai sur les montagnes de l’île, permet d’afficher un bon niveau hydrique. Et même si l’été devrait rester très sec, la météo ne prévoit plus d’épisode caniculaire, ce qui donne une tendance estivale plutôt favorable. « Nos réserves restent très hautes, malgré le pic de consommation de 3 millions de m3 pendant la semaine de canicule. La consommation a baissé depuis, mais, on s’attend à un rebond entre mi-juillet et le 20 août, quarante jours pendant lesquels il faudra être très vigilants ».
 
La pression touristique
Le bon état de la ressource cache, cependant, de forts points d’inquiétude. Les deux nappes littorales, qui alimentent en eau potable le Fium’Orbu et le Rizzanese, sont en extrême vigilance. Les rivières de Favone et du Fangu sont pratiquement à sec. « Je demande que les collectivités et les fermiers en soient avertis. On ne peut pas continuer comme si de rien n’était. Le tarissement des fleuves et des nappes phréatiques doit nous faire réfléchir à une alimentation mixte. Bastia et la CAB (Communauté d’agglomération de Bastia) ne peuvent plus, en été, s’alimenter à partir de leurs propres ressources qui viennent du Niolu et ont besoin de l’OEHC qui leur vend environ 2 millions de m2 d’eau ». Autres zones à surveiller : la Balagne et l’Extrême-Sud que la pression touristique rend, l’été, toujours particulièrement vulnérables en termes de consommation et de réserves. « La Corse accueille 3 millions de touristes, il faut absolument que les collectivités, l’industrie touristique, l’ensemble des partenaires et usagers le prennent en compte. 9 millions de m3 sont stockés dans le Sud, au bout de la saison estivale, 85 % de cette eau est consommée en eau d’agrément ou en eau potable, l’agriculture n’en utilise que 15% ». Dans ces microrégions, Météo France note, aussi, des signes de sécheresse agricole très sévère.
 
Rester vigilants
La vigilance est, donc, le mot d’ordre. Le lieu choisi pour la cette réunion de suivi hydrique, Corsic’Agropôle à San Giuliano, en plein cœur de la Plaine orientale, grande dévoreuse d’eau brute, était, à lui seul, tout un programme. « C’était symboliquement important de mettre le monde agricole au cœur de la problématique, sans pour autant le stigmatiser. On ne peut pas résumer la question hydraulique à l’activité agricole qui est essentielle et qu’il faut développer. Les pics de consommation concernent l’ensemble des utilisateurs que ce soit en eau brute ou potable qu’il faut, tous, sensibiliser. Leur dire de faire attention, de changer de comportement, d’avoir une consommation raisonnée. Ce n’est pas parce qu’il y a des stocks qu’il faut baisser la garde », commente Saveriu Luciani. L’OEHC s’apprête à relancer sa campagne de sensibilisation aux bons gestes. « J’ai demandé que les réunions de suivi hydrique territorial soient plus fréquentes. La prochaine aura lieu le 30 juillet. Nous aurons une idée plus affinée de l’état de la ressource. Nous disposerons, à la fois, de chiffres sur la consommation et les rendements des différentes régions de Corse. Nous serons en mesure de définir un ou deux scénarii possibles pour la fin de la saison ».
 
Arroser moins et mieux
Si l’heure n’est pas à la restriction, la gestion se fait à flux tendus, l’état de stress hydrique devenant la norme estivale. L’interrogation reste entière sur l’arrière-saison. « Nous pensons réussir à assurer l’irrigation de l’agrumiculture. Par contre, comme nous sommes dans une gestion inter-saisonnière, il faut impérativement qu’il pleuve à l’automne ». Un débat avec les représentants des Chambres d’agricultures a porté sur les sondes et les plans d’irrigation des différentes filières : « La charte agricole, que nous avons signée l’an dernier, commence à être appliquée, cela nous permet d’être optimiste en matière d’équipements. Le monde agricole a besoin, filière par filière, de s’équiper de sondes. L’économie d’eau réalisée est très importante : on arrose moins et on arrose mieux. On se rend compte qu’il faudra très rapidement faire évoluer le matériel, certains types de semences, mais aussi la formation et l’information des hommes pour s’adapter au changement climatique ». Charte et sonde ont attiré l’attention du ministère de la transition écologique qui a demandé des compléments d’information et les a retenues pour les Assises de l’eau. « La charte, qui est une des premières chartes signées entre une collectivité et le monde agricole, peut servir de modèle en Europe. Son corollaire est l’absolue nécessité d’installer des sondes partout pour sonder le territoire sans discrimination de filière ». Parmi les voies à explorer, commence à s’imposer l’idée de la réutilisation des eaux usées. Un chantier de plusieurs millions de m3 qui seraient défalqués du stockage actuel.
 
La bataille des rendements
Autre point noir : les rendements. « J’ai demandé à mes services de travailler de manière beaucoup plus soutenue sur les rendements parce qu’entre la production et la facturation, il y a parfois, ici ou là, un écart qu’il faut résorber. Ce n’est pas une question de fuites, elles sont résiduelles ». Dans le viseur de l’OEHC : les resquilleurs et les branchements sauvages. Dans certaines zones de la Plaine Orientale, des agriculteurs profiteraient de la manne hydraulique sans la payer. Pour le président Luciani, il est important de remettre de l’ordre pour y voir plus clair : « L’objectif est d’avoir, à terme, un rendement supérieur à 60%, voire 70%, ce qui est énorme. La Sardaigne est à 50 %. La Corse n’est pas loin des 60%, mais il y a, quand même, des milliers de m3 qui manquent. Avoir les vrais chiffres de ce que l’on produit et de ce que l’on distribue, est important en termes de gestion. Nous avons besoin de cet éclairage pour donner une perspective aux filières agricoles, certaines ont besoin d’eau jusqu’en juillet ou août, d’autres jusqu’en novembre. Ce qui est en jeu, ce n’est pas la chasse aux pirates, mais la nécessité d’être optimal dans le plan d’aménagement futur de la Corse et d’appuyer nos projets sur des données objectives des besoins actuels et des besoins futurs ».
 
Un plan Marshall
Le Conseil exécutif a demandé au gouvernement de faire de l’eau un des enjeux majeurs du futur PTIC (Plan de transformation et d’investissement de la Corse), prévu en remplacement du PEI (Plan exceptionnel d’investissements). « Nous avons besoin d’un plan Marshall de l’eau. Nous devons réfléchir, dans le cadre du plan Acqua Nostra, aux lieux d’implantations des futurs stockages, mais aussi à la route de l’eau avec une interconnexion régionale et aux moyens de transfert et d’interconnexion que nous pourrions mettre en place. Il faut densifier le réseau pour transférer la ressource du Nord au Sud en cas de besoin vers les régions déficitaires. C’est l’enjeu du sur-presseur de Tagliu-Isulacciu. Le prochain sera certainement installé à Bravone. Se pose aussi la question des droits de l’eau. Nous sommes dans une construction patiente, mais rien ne sera efficace sans la volonté des hommes de changer de comportement ». La première phase du plan Acqua Nostra sera présentée à l’Assemblée de Corse dans le courant de l’hiver.
 
N.M.

Les participants au Comité hydrique autour de la préfète Josiane Chevalier et du président de l'OEHC, Saveriu Luciani.
Les participants au Comité hydrique autour de la préfète Josiane Chevalier et du président de l'OEHC, Saveriu Luciani.

Le niveau des nappes phréatiques en Haute-Corse

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