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San Ghjisé, "intercède pour nous tous dans la tourmente qui est la nôtre aujourd’hui"


Iviu Pasqualini le Jeudi 19 Mars 2020 à 19:23

Après A Madonnuccia hier à Ajaccio, c'est la Saint Joseph qui a été célébrée ce jeudi 19 à Bastia d'une façon inédite. Face à l’épidémie de coronavirus, l'église corse s'est adaptée au confinement et à célébré le saint patron de la ville de Bastia en forme privée.
Iviu Pasquali, président de l'association Guardia Corsa Papale, nous décrit sa San Ghjasè.



J’habitais le Maroni, quartier de Saint Joseph Bastia, en 1968 alors en 6ème j’étais au collège du même nom. Mes grands-parents maternels trop vieux pour rester seuls au village de Zuani habitaient le 11 bis dans la rue de Saint Jo.

Les fêtes du Saint patron de Bastia étaient pour nous importantes et incontournables. Les enfants de tous les quartiers alentours pour la plupart des garçons, au-delà du fait religieux, se retrouvaient tous les soirs de la neuvaine sur le parvis et les escaliers de l’église. Nous assistions bien évidement à un petit dixième de messe de neuvaine dans une église toujours bondée, à l’époque les églises étaient pleine et la dévotion à San Ghjasè omniprésente toute l’année.

Comme tous les garnements de nos âges nous nous faisions souvent sermonner pour notre indiscipline et notre bougeotte. Ce qui nous faisait vibrer c’était les bêtises et les nombreux jeux que nous faisions sur le parvis de l’église nous jouions à "ciccia" en nous explosant le dos et des batailles à "zozzo" en nous faisant tomber par terre souvent en nous faisant mal, des jeux de garçons que nous ne voyons plus de nos jours.

Tous nous nous connaissions nous étions très près les uns des autres et partagions absolument tout : le peuxque nous possédions. Les quartiers étaient très vivants et bouillonnants de monde de la rue Colonella aux capucins. Pour certains, dès la fin des cours au collège, nous nous retrouvions de suite devant l’église, certaines scènes ou des parents venaient chercher leur progéniture avec quelques fois des coups de pied au derrière me font toujours sourire.

Un grand boum
Nous attendions le 19 avec impatience car il était un grand jour pour nous. Le matin de la Saint Jo un canon était installé près de l’église et toute les minutes il lâchait un grand  boum Les marchands installaient leurs stands de bonne heure Les vendeurs de panzarotti les bougies et toutes sortes de bibelots de fête. Ce qui nous intéressait à nous c’était les pétards et les pistolets à bouchon qui d’une tige pointue faisaient exploser un pétard en le percutant. Bien entendu pour ma part, ma mère ainsi que ma grand-mère ne manquaient pas de faire ces délicieux panzarotti que nous distribuions et partagions avec amis et connaissances.
La rue très animée et colorée de petits drapeaux était en effervescence et les pétarades incessantes.

Pour les messes l’église était trop petite pour accueillir tout le monde ; certains devaient se contenter de rester sur les murs et la place extérieure. Le travail de fourmis des confrères, comme toujours remarquable et exemplaire, faisait rassembler en prière et en communion tout ce monde pour certains venus de loin.
Cette fête religieuse nous prenait au cœur, après la grand-messe qui voyait toujours la venue d’un prélat important ainsi que tous les hommes politiques des alentours qui profitaient de l’occasion pour leurs petites affaires, les gens se retrouvaient dans un bouillonnement qui faisait penser à une ruche. Saint Joseph c’était la fête ou il fallait se faire voir un lieu important pour la vie sociale de tout un quartier et bien plus. Et puis la fête de celui qui fut choisi pour être le Père du Fils de Dieu se doit d’être couronnée.  Il y avait beaucoup de menuisier dans les quartiers et comme cette fête était la leur tout était mis en œuvre pour qu’elle soit réussie.

Voici que la procession commence les confrères en ordre et bien alignés portent la statue de leur Saint Patron : quel honneur et quelle fierté pour eux d’accomplir cette mission.  Attendus par les confrères de Santa Croce dans la cathédrale de Santa Maria voici Saint Joseph prié et chanté, les cantiques résonnent fort la procession est dense et intense, la lyre bastiaise, musique municipale, suit et accompagne la longue procession qui serpente dans les rues de ces vieux quartiers illuminés de milliers de bougies sur les fenêtres et les terrasses.
Ce sont des milliers de gens qui suivent en prière leur Saint jusqu’au retour pour clôturer une magnifique et exceptionnelle journée.
Voilà ce qu’étaient les Saint Jo de mon enfance.
Plus tard je me suis rapproché du travail important des confères pour maintenir cette fête puisqu’ils sont les seuls propriétaires de l’église, seul cas en Corse d’une confrérie qui possède son église. J’ai, avec eux, participé au renouveau des chants traditionnels avec mon frère de toujours Alain Nicoli, canti di messa in paghjella qui n’étaient pas pratiqués auparavant, je suis aussi fier de mon travail à l’origine du jumelage de l’Arciconfraterna di San Ghjiseppu avec l’Arciconfraternità del carmine du Trastevere de Rome.

Je félicite avec force et amour tous les confrères de Saint Jo avec leur ancien président Fanfan Dalcoletto et leur nouveau président Joseph Gandolfi , leur prieur François Villa pour le travail majeur et indispensable qu’ils font avec foi et passion.

Grace à eux la ferveur et la tradition se perpétuent et le quartier avec son église vivent toujours sous la protection de leur Sain patron, en espérant qu’il intercède pour nous tous dans la tourmente qui est la nôtre aujourd’hui.

Evivva San Ghjiseppu !