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​À Ajaccio, le collège du Stilettu inaugure un parcours inédit de sensibilisation aux pratiques mafieuses


Patrice Paquier Lorenzi le Mardi 16 Décembre 2025 à 17:32

Ce mardi matin, au collège du Stilettu à Ajaccio, une classe de 4ème a inauguré l’expérimentation d’un parcours pédagogique inédit de sensibilisation aux pratiques mafieuses. Sous le regard du Recteur de l'Académie de Corse, de magistrats et d’élus, cette première séance marque le coup d’envoi d’un dispositif appelé à être déployé dans l’ensemble des collèges et lycées de Corse. Il concernera à terme tous les élèves de la 4e à la terminale, soit environ 16 000 élèves dans l’académie.



Ce matin, au collège du Stilettu à Ajaccio, une classe de 4e a inauguré l’expérimentation d’un parcours pédagogique inédit de sensibilisation aux pratiques mafieuses sous le regard du Rectorat, de magistrats et d’élus
Ce matin, au collège du Stilettu à Ajaccio, une classe de 4e a inauguré l’expérimentation d’un parcours pédagogique inédit de sensibilisation aux pratiques mafieuses sous le regard du Rectorat, de magistrats et d’élus
9 heures, un matin comme les autres au collège du Stilettu à Ajaccio : la vingtaine d’élève de la classe bilingue de 4ème entre en cours, pensant assister comme d’habitude à un cours du programme général. Mais, Laurent Bourgaut, le principal, leur annonce qu’ils sont les premiers à être initiés à l’expérimentation du parcours pédagogique de sensibilisation contre les pratiques mafieuses, et qu’ils vont être filmés à cette occasion. Dans la salle d’à côté, le comité de pilotage composé du Recteur de l'Académie de Corse, Rémi-François Paolini, et de toute son équipe, des magistrats de la Cour d’Appel de Bastia, Muriel Fagni, conseillère territoriale, et des journalistes suivent à distance le cours, animé par le binôme de professeurs, en vidéo.

« Ce dispositif s’inscrit dans la poursuite du parcours éducatif que nous construisons progressivement dans l’Académie de Corse, en lien étroit avec la Collectivité de Corse et le volet éducatif du rapport adopté par l’Assemblée de Corse en février dernier. Il est également mené en collaboration avec les autres services de l’État – justice, préfecture – et l’ensemble de la communauté éducative. Après un travail de conception de séquences pédagogiques, enrichies notamment par un voyage d’étude en Italie à Naples et à Rome, où nos collègues sont engagés depuis longtemps sur ces sujets, nous avons renforcé l’axe du travail de mémoire et de l’hommage aux victimes. Aujourd’hui, il était temps de passer à la phase concrète : les interventions en classe, menées par des binômes d’enseignants, rejoints bientôt par des magistrats, policiers, avocats et acteurs associatifs », explique le Recteur de l'Académie de Corse. 

Un dispositif qui concernera à terme près de 16 000 élèves

A ce titre, une phase d’expérimentation est donc lancée jusqu’à la fin dumois de février, afin d’ajuster et d’améliorer le dispositif avant sa généralisation au dernier trimestre. Il concernera à terme tous les collégiens et lycéens de la 4ème à la Terminale, soit environ 16 000 élèves dans l’Académie, avec un objectif clair : « Former les jeunes, c’est d’abord les informer sur la réalité de ce phénomène, en Corse comme en ItalieFace à un phénomène inquiétant, déstructurant et mortifère pour la société corse, la réponse ne peut être uniquement judiciaire ou policière. Elle doit aussi être éducative. Informer, prévenir certaines dérives, protéger la jeunesse : c’est ainsi que l’on protège la société corse d’aujourd’hui et de demain ».

Dans la classe, Cathy Albertini, professeur de Français, et Anna Arrighi, professeur d’Histoire Géo dispose d’outils pédagogiques pour entamer la discussion et mettre un mot sur le mal de notre île : « la Mafia ». Grâce à des fresques, des portraits (notamment celui de Chloé Aldrovandi) et des vidéos de courte durée, les élèves sont invités à participer aux échanges et à libérer la parole. Pour le binôme de professeurs, l’essai est concluant :« Le retour est très positif. Nous avons eu l’impression que les élèves ont bien réagi, qu’ils étaient réellement intéressés. Ils avaient des questions auxquelles nous avons répondu, et ces échanges ont d’ailleurs fait émerger d’autres interrogations que nous aborderons sans doute par la suite ». Concernant le contenu des échanges, les enseignants ajoutent : « Ils ont notamment posé des questions très précises sur la définition de la mafiaIls se sont montrés très intéressés par les spécificités locales et, clairement, ils sont au courant de ce qui se passe sur notre île — sans doute plus que ce que nous pensionsLors de certaines activités pédagogiques, comme le nuage de mots, nous avions anticipé quelques réponses, mais pas à ce niveau-là. Ils n’ont peut-être pas encore la précision d’analyse d’un adulte, mais ils perçoivent très bien leur environnement et les enjeux qui les entourent ».

Pour cette première expérimentation, l’équipe pédagogique pioche depuis plusieurs semaines afin d’être paré à répondre à toutes les interrogations des élèves : « Nous avons travaillé en binôme, ce qui a été essentiel. Ensemble, nous avons préparé un large éventail de réponses possibles, y compris pour des situations plus délicates : comment réagir, quoi répondre, comment reformuler. Le travail d’équipe a été à la fois utile et nécessaire. Nous n’avons pas ressenti de gêne particulière chez les élèves. Parfois, il y avait une hésitation à poser certaines questions, par peur qu’elles soient “bêtes”, mais nous avons rappelé qu’il n’y a pas de questions inutiles.Le but de l’école, et de ces cours en particulier, est d’apprendre aux élèves à réfléchir, à comprendre la société dans laquelle ils vivent, afin de pouvoir faire des choix en pleine conscience. C’est tout l’intérêt et le sens de ce travail pédagogique ». 

Inédit, ce parcours fait suite au rapport de la Collectivité de Corse soulignant l’ampleur des pratiques mafieuses en Corse, et une volonté partagée avec le Rectorat de Corse de bâtir une réponse éducative pour éclairer les mécanismes mafieux et désamorcer les mythologies du crime.