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Remise de 10 cents/litre chez Total : le Syndicat des carburants de Haute-Corse dénonce une concurrence illégale


Nicole Mari le Samedi 12 Février 2022 à 12:47

Le Syndicat du Carburant de Haute Corse a, dans un communiqué, fait une mise au point sur la question du prix des carburants. Il tacle le refus du gouvernement de baisser les taxes qui représentent la moitié de la facture pour les automobilistes. Et estime que la décision du groupe Total de faire une remise de 10 centimes par litre pendant 3 mois dans ces stations va pénaliser les distributeurs concurrents - Vito Corse et Ferrandi Esso - et entrainer de grandes difficultés pour certains pompistes.



Photo CNI.
Photo CNI.
Face à la flambée du prix des carburants, c'est au tour du syndicat du carburant de Haute-Corse de réagir dans un communiqué. « Les effets liés à la reprise économique mondiale sur les cours des matières premières, les hausses conjointes du brut et du dollar (15 %) en 10 ans, l'augmentation de la TICPE en 2018 (13cts ht sur le gazole et 9 cts sur le spb), conduisent les carburants à des niveaux de prix inégalés ».

Une hausse particulièrement ressentie en Corse, note-t-il : « En raison de la faiblesse des transports en commun insulaires, l'utilisation quotidienne de l'automobile est indispensable. Pour chacun d'entre nous, pour chaque famille, comme pour toute entreprise, l'augmentation des prix des carburants est insupportable, car elle va de pair avec les hausses dans l'alimentation, dans l'énergie et les autres biens courants de consommation ». Cette situation n’épargne pas les pompistes qui en subissent aussi l’impact et se disent solidaires de leur clientèle : « Les pompistes insulaires connaissent parfaitement les difficultés et les attentes de leur clientèle, ils souhaitent comme les consommateurs une baisse des prix des carburants. Ils subissent eux-mêmes les hausses répétitives des tarifs, qu'ils sont contraints de répercuter pour assurer un fonctionnement normal et la pérennité de leurs entreprises ». 


Trop de taxes
Dans le viseur du syndicat de Haute-Corse, les taxes qui représentent quasiment un euro par litre de carburant, et le refus du gouvernement de les abaisser pour réduire le prix à la pompe. « Le gouvernement n'ayant pas renouvelé l'opération dite de la « taxe flottante », qui permettait de réduire l'impact des variations des cours par un ajustement des taxes, le montant des taxes ne fait que croître pour arriver à quasiment un euro du litre. Mais une baisse de taxes coûterait « très cher », a justifié M. Castex. De fait, a expliqué Bercy ces derniers jours, une baisse de 1 centime des taxes par litre de carburant engendrerait un manque à gagner d’environ 500 millions d’euros pour les comptes publics. Actuellement, les taxes représentent quasiment la moitié de la dépense supportée par les consommateurs »


La remise de Total
Autre sujet de mécontentement : la décision du groupe Total d’appliquer à ses clients dans l’île, à partir du 14 février et pour une durée de trois mois, une remise de 10 cents par litre, soit une remise de 5 € pour un plein de 50 litres. Une opération ponctuelle que le syndicat du carburant de Haute-Corse qualifie de « goutte de carburant dans un océan de bénéfices ». Le groupe pétrolier a annoncé que la remise ne serait pas affichée sur le prix des carburants, mais sera appliquée en caisse. « L'opération promotionnelle du groupe Total va permettre pendant 3 mois à 1200 stations de proposer un prix plus avantageux. Actuellement, la clientèle s'approvisionne en grande majorité dans les grandes surfaces ou dans les stations de marque à bas prix (type Total Access), quasiment dépourvues de présence humaine », commente le syndicat. Néanmoins, selon lui, cette remise ne résout en rien la problématique de la cherté du carburant dans l’île. « Malgré l'aide ponctuelle apportée aux stations-service, il subsistera un différentiel important avec les prix pratiqués en grande surface, comme en station de marque à bas prix. Au final, les répercussions seront globalement assez faibles, car les zones rurales représentent une faible part du marché des carburants, concentré autour des grandes périphéries. Cette action, certes louable, est néanmoins éphémère et ne solutionne en rien la problématique globale, elle permet momentanément d'alléger le passage à la pompe de quelques euros. Cette opération, décidée à la publication des comptes annuels, révèle plus une opération de communication, qu'une politique pérenne en matière de prix de carburant. Au final, cela n'impactera que très faiblement les résultats du groupe Total (17 milliards d'euros en 2021) rapportée à son coût (500 millions, soit 2,94 % du résultat net annuel du groupe) ». 


Une distorsion de concurrence
Le syndicat insiste sur « l’impact très important » qu’aura cette baisse sur le marché insulaire, et sur les deux autres distributeurs de carburants : le groupe Rubis-Vito et le groupe Ferrandi-Esso.
« Pour la Corse, qui a été considérée comme rurale dans sa globalité, le coût de la partie redistribuée s'élèverait à environ 2,5 millions d'euros et sera compensée entièrement par la maison mère à sa filiale insulaire. Cette somme représente grosso-modo le résultat annuel net du groupe Total en Corse. Les deux autres grossistes en carburant locaux (Vito Corse et le groupe Ferrandi Esso) sont de taille beaucoup plus modeste que la compagnie Total, qui peut facilement soutenir sa filiale. Si le résultat financier annuel de Vito Corse est sensiblement égal à celui de Total Corse, celui du groupe Ferrandi Esso est nettement inférieur en raison d'un nombre de stations plus faible. Ne disposant de la capacité commerciale, ni de la surface financière du soutien d'un leader mondial des carburants, ils ne peuvent soutenir leurs revendeurs à un tel niveau ». 

Le syndicat dénonce : « un réel problème de distorsion de marché qui provoquera une situation de concurrence déloyale et pourrait mener rapidement de nombreuses stations insulaires, déjà fragilisées par la crise sanitaire, à de plus amples difficultés ». 
Il rapproche cette action du groupe Total à ce qu’il appelle « la politique des prix agressive de quelques revendeurs locaux, qui en appliquant des marges anormalement faibles, suscitent des interrogations et jettent un certain discrédit sur la grande majorité de la profession ». 


Une solution pérenne  
Le syndicat martèle l’importance « de préserver les conditions d’une saine concurrence » sous peine d’« engendrer de graves conséquences socio-économiques à très court terme, et cela pourrait déboucher de facto à la création d'un monopole de distribution au détail, avec la disparition possible de plusieurs acteurs du marché et d’emplois induits. Les différentes entreprises liées aux activités de vente de carburant assurent un emploi permanent à plusieurs centaines de personnes ». 

Plutôt que des actions ponctuelles et choc, il plaide pour une solution pérenne, à savoir une fiscalité adaptée comme à l’île de la Réunion. « La totalité des taxes perçues en Corse sur les carburants avoisine les 300 millions d'euros, soit presque 1000 euros par habitant. Pour notre part, il apparaît évident que la problématique des prix des carburants en Corse, trouverait sa solution dans la mise en place d'un système type Lurel, adossé à un encadrement des marges. Pour information, à la Réunion avec le système mis en place, le gazole coute actuellement 1,23 € ». 

Le syndicat prévient enfin, que « soucieux de la préservation des intérêts de la profession dans son ensemble », il restera « très attentif aux suites de cette opération et entreprendra toute action qu'il jugera nécessaire à la survie du réseau dans son intégralité ».