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Relancer la filière pierre en Corse, un défi pour les architectes et les artisans


Léana Serve le Mardi 23 Septembre 2025 à 19:16

Ce mardi au musée de Bastia, architectes, artisans et représentants institutionnels se sont réunis pour débattre de l’avenir de la pierre sèche, matériau historique de l’île. Face au déclin de son usage, cette journée organisée par l’Ordre des architectes de Corse a mis en lumière les défis et les pistes à explorer pour relancer une filière durable.



En présence du maire, Sylvia Ghipponi a ouvert l'après-midi dédié à la pierre sèche
En présence du maire, Sylvia Ghipponi a ouvert l'après-midi dédié à la pierre sèche

C’est au musée de Bastia que s’est tenue ce mardi après-midi la nouvelle édition de la journée Architectures et Territoires, organisée par l’Ordre des architectes de Corse, en partenariat avec le Conseil national de l’Ordre des architectes. Cette rencontre annuelle avait pour thème central la pierre sèche, un matériau à la fois ancestral et emblématique, dont la place dans les architectures contemporaines est aujourd’hui réinterrogée. « Nous avons décidé de poser sur la table l’épineuse question de la filière pierre », a déclaré Sylvia Ghipponi, présidente de l’Ordre des architectes de Corse, dans son discours d’ouverture.
 

Autour de cette problématique, architectes insulaires, représentants nationaux et artisans ont échangé sur les enjeux techniques, économiques et culturels liés à la réutilisation de la pierre sèche dans les projets d’aujourd’hui. Si la pierre est omniprésente dans l’histoire du bâti corse, son usage s’est largement effacé, au profit de techniques modernes et de matériaux industrialisés. « La pierre sèche a toujours été utilisée en Corse pour la construction. On est un petit peu triste aujourd'hui parce qu’on ne l'extrait plus que pour de la toiture lauze, en grande partie », détaille Amandine Albertini, vice-présidente de l'Ordre des architectes de Corse.
 

Ce recul s’explique aussi par la difficulté d’exploitation des carrières locales, dont certaines ont été fermées ou ralenties. « On n’en trouve presque plus, et on les fait venir de l’autre bout du monde, alors qu’on est quand même un rocher au milieu de la mer », déplore Michel Guillaumin, artisan couvreur. Pour Sébastien Celeri, élu au Conseil national de l'Ordre des architectes, « on se heurte à un paradigme, celui d'un héritage ancien et d'une manière qu'on avait de faire les choses en utilisant la ressource locale, mais aussi au monde moderne de l'industrialisation ».  « Il y a une autre logique à repenser pour pouvoir de nouveau exploiter les matières qu'on a sur place. C'est important d'essayer de valoriser ce culte du local, mais aussi cet aspect historique pour ne pas dénaturer un espace comme Bastia aujourd'hui, où tout est construit en pierre. »
 

Relancer la filière pierre
 

Face à ce constat, plusieurs pistes ont été avancées tout au long de l’après-midi pour relancer une dynamique autour de la pierre sèche et plus largement de la filière pierre en Corse. Parmi elles, le fait de remettre en lumière les savoir-faire traditionnels, aujourd’hui menacés. « Il faut des formations pour les jeunes, pour garder au moins ce genre de savoir-faire », insiste Michel Guillaumin. Un besoin de transmission partagé par les architectes, pour qui le retour de la pierre dans les projets ne pourra se faire sans une réflexion sur son utilisation. « Aujourd’hui, on a une carrière encore en activité, et une deuxième sur le point de reprendre », indique Amandine Albertini. « On est convaincus qu'on pourra avoir une autre histoire avec cette pierre, sans dénaturer son patrimoine historique, c’est pour ça qu’on organise une table ronde avec des carriéreurs. On va discuter des différentes manières de travailler la pierre locale. »

Sébastien Celeri insiste sur l’importance d’une collaboration entre tous les acteurs du territoire. « La pierre nous renvoie à des choses : on voit la pierre, on voit nos villages. Il faut consolider le dialogue et la relation de travail qu'on peut avoir entre les maires et les architectes. Les maires ont des idées, des visions, et les architectes sont là pour leur faire prendre forme, c’est l'occasion de consolider ça. La conservation du patrimoine est un enjeu, on a un vrai conservatoire de techniques qui servent aussi à la création contemporaine. Aujourd'hui, les architectures qui sont remarquées sont celles qui reviennent à ce sens un petit peu ancien, mais avec une écriture nouvelle. »