
Le trafic de stupéfiants ne cesse de croître en Corse. Quelle est aujourd’hui l’ampleur du phénomène ?
Nous sommes, comme le reste du territoire national, fortement impactés par le trafic de stupéfiants. Ce phénomène se renouvelle année après année et continue de prendre de l’ampleur. La cocaïne, en particulier, est un produit extrêmement dangereux dont les saisies explosent. Hier encore, plus de 300 kg ont été interceptés sur le continent. En Corse, nous constatons également une augmentation significative des volumes, avec des saisies de plusieurs kilogrammes et des réseaux de distribution bien établis. Il en va de même pour le cannabis, preuve que le trafic et la consommation restent élevés sur l’île.
Quel poids représente ce trafic dans l’activité judiciaire de l’île ?
Il s’agit de l’un des principaux contentieux traités par le tribunal correctionnel, que ce soit en première instance ou en appel. Nous sommes face à des réseaux bien structurés, souvent connectés aux grandes plateformes du continent, notamment Marseille, Nîmes ou la Côte d’Azur. Face à cela, les services de police et de gendarmerie, ainsi que les magistrats, mettent tout en œuvre pour lutter contre ces trafics.
Le narcotrafic favorise-t-il d’autres formes de criminalité en Corse ?
Sans aucun doute. La concurrence entre réseaux entraîne des tensions, des menaces et parfois des violences, notamment par armes à feu. L’usage des armes est relativement banalisé en Corse, et ces rivalités peuvent dégénérer en règlements de compte. Si certains homicides s’inscrivent dans le banditisme traditionnel corse, nous observons aussi de nouveaux passages à l’acte directement liés au trafic de stupéfiants.
Face à cette montée en puissance, faut-il renforcer les moyens de lutte ?
C’est une nécessité. La prise de conscience est réelle au niveau national, avec un texte récemment adopté par le Sénat qui sera prochainement examiné par l’Assemblée nationale. La création d’un procureur national dédié à la criminalité organisée est une avancée majeure. La Corse, bien qu’étant une île, ne doit pas être en marge de cette lutte et doit s’inscrire pleinement dans cette dynamique.
Certains parlent d’une véritable mafia en Corse. Partagez-vous ce constat ?
Je ne parlerais pas de mafia à proprement parler. En revanche, nous sommes confrontés à des comportements et des procédés mafieux : intimidation, extorsion, blanchiment d’argent et mainmise sur certaines entreprises. Ce sont des clans criminels très actifs et extrêmement nuisibles.
Vous avez également insisté sur la lutte contre les violences intrafamiliales. Où en est la justice sur ce sujet ?
C’est une priorité absolue, inscrite dans la circulaire de politique pénale générale du nouveau garde des Sceaux. Nous devons poursuivre cette action volontariste pour éradiquer ces violences, notamment celles faites aux femmes.
Les juridictions corses font face à un manque de magistrats. La situation peut-elle s’améliorer ?
La loi d’orientation 2023-2027 prévoit des renforts, mais nous avons récemment appris que nous ne serons pas prioritaires. Nous ignorons donc quand ces effectifs arriveront pour nous permettre d’intensifier nos efforts. Dans une petite juridiction comme celle de Bastia, l’absence d’un ou deux magistrats a des conséquences bien plus lourdes que dans un grand tribunal comme celui de Marseille.
