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Procès Incendie : Six mois de prison ferme pour un pétard et avec sursis pour un mégot !


Nicole Mari le Jeudi 25 Août 2016 à 22:22

Six mois de prison ferme et 12 avec sursis, mandat de dépôt à la barre et mise en détention immédiate à Borgo, assortis d’une interdiction définitive d’exercer la profession de sapeur-forestier et de sapeur-pompier et d’une interdiction de porter une arme pendant 5 ans pour avoir, le 22 août à Vezzani, lancé un pétard qui a brûlé une parcelle de 16m2. Six mois de prison avec sursis et 175 heures de travail d’intérêt général à effectuer dans un délai de 18 mois pour avoir jeté un mégot dans une pinède du cordon lagunaire de La Marana et détruit 4 hectares sur les communes de Biguglia et de Borgo. Les deux jeunes hommes, le premier âgé de 27 ans et le second de 18 ans, étaient jugés en comparution immédiate, jeudi après-midi, au TGI de Bastia. Dans les deux cas, la Cour a suivi les réquisitions du procureur.



Procès Incendie : Six mois de prison ferme pour un pétard et avec sursis pour un mégot !
C’est en plein cœur d’une actualité dramatique au moment même où de violents incendies ravagent, en Haute-Corse, la Conca d’Oru et menacent des maisons dans la plaine de Casamozza que s’est tenue, au Tribunal de grande instance (TGI) de Bastia, jeudi après-midi, une audience de comparution immédiate pour deux jeunes hommes, présumés responsables de départs de feu. Une actualité qui a pesé lourd dans les réquisitions du procureur et le jugement qui en a directement découlé et qui a sanctionné, de deux façons très différentes et sans aucune commune mesure entre elles, une même légèreté. Le jet raté d’un pétard à Vezzani a déclenché un mini-feu qui a détruit 16 m2 et envoyé Julien Boursacchi, un jeune sapeur-forestier de 27 ans, pour six mois de prison ferme à Borgo avec, notamment, une interdiction à vie d’exercer son métier. Le jet d’un mégot de cigarette dans une pinède du cordon lagunaire de la Marana a détruit quatre hectares et vaut à Anthony Branet, un jeune cuisinier de 18 ans, d’écoper de six mois de prison avec sursis et de 175 heures de travail d’intérêt général.
 
Volontaire ou pas ?
Un pétard et un mégot : deux bêtises, deux gestes stupides et immatures, deux insouciances coupables qui auraient pu avoir des conséquences tragiques, au final deux appréciations judiciaires des responsabilités et des sanctions à infliger. Pourquoi la justice fait-elle deux lectures différentes d’affaires quasi-similaires ? Les deux jeunes gens reconnaissent les faits qui leur sont reprochés, mais par leur intentionnalité. La justice croit l’un, mais pas l’autre. Elle accuse le sapeur-forestier d’incendie volontaire, le cuisinier, d’incendie involontaire. Le premier, malgré la petitesse de la surface brûlée et le fait qu’il a contribué à éteindre le feu, pâtit de sa profession et d’un témoignage à charge que la Cour et le ministère public ont adjugé pour argent comptant parce qu’il émane d’un magistrat et ne peut, précisent-ils, du fait de la profession du témoin, être remis en cause ! Le second bénéficie de sa jeunesse et d’un doute raisonnable. Dans cette seconde affaire, le département de la Haute-Corse, propriétaire de l’étang, s’est constitué partie civile.
 
Une histoire de pétard mouillé
« Pourquoi un sapeur-forestier, ancien pompier volontaire, chargé de la surveillance du risque incendie pour l’été et donc parfaitement informé du danger, a-t-il balancé un pétard dans la nature ? ». C’est la question lancinante qui obsède la présidente Michèle Saurel tout au long de l’audience et qui l’empêche de croire en l’innocence du prévenu. « Je voulais m’en débarrasser, mais il n’a pas pété ! S’il pétait en l’air, il n’y avait pas de risque ! », répond celui-ci. Il indique qu’il a l’habitude, par jeu, de lancer des pétards à ses collègues – qui confirment - et qu’il en a tiré un en l’air en se rendant en voiture à son travail. Au lieu d’exploser, le pétard tombe sur un talus en bord de route et enflamme la végétation qui est très sèche. Le prévenu tente, explique-t-il, d’éteindre l’incendie avec ses pieds. N’y parvenant pas, il regagne son lieu de travail et revient, deux minutes après, avec un collègue et un véhicule à eau pour étouffer ce départ de feu. « J’ai été pris de panique. J’ai été stupide ! Je regrette ! ». La présidente reconnaît que cette intervention rapide a circonscrit et éteint l’incendie, mais s’étonne que le sapeur-pompier n’ait pas avoué son geste à son collègue. Elle lui oppose la version discordante d’un magistrat qui passait par là en voiture et qui affirme avoir vu le sapeur-forestier allumer le feu « avec probablement un briquet d’un geste bref et délibéré ». Elle conclut : « C’est un témoin important parce qu’en tant que magistrat, cette personne sait le poids de ce qu’elle dit ! ».
 
Un témoin magistrat
Ce témoignage d’un de leurs collègues pose, définitivement, pour la Cour, comme pour le ministère public, « l’interrogation sur le point de départ du feu ». C’est, d’ailleurs, complètement sur lui que s’appuie le procureur, Aurélie Belloli, pour construire son réquisitoire. Elle élimine, ainsi, d’un revers de main, l’histoire du pétard « qui n’est corroboré par aucun élément matériel. Ce comportement de jeter un pétard n’est pas compatible avec les lieux et la version du témoin ». Rejetant également l’excuse « d’une très grosse bêtise », elle assène : « Ce n’est pas un tribunal pour enfants. Cette bêtise est une infraction punie de 10 ans d’emprisonnement. Elle n’est pas commise par un adolescent de 13 ans, mais par un adulte de 27 ans dont la qualité professionnelle fait que le dossier prend une tournure bien plus désagréable qu’une bêtise ». Dénonçant « un comportement parfaitement caractérisé et volontaire dans son geste et dans ses conséquences », elle requiert une peine très lourde « au vue de la gravité des faits reprochés, de la teneur de la profession du prévenu, de sa mauvaise foi et du risque encouru » : 18 mois de prison dont six avec sursis avec mandat de dépôt à la barre et mandat de détention, une interdiction définitive d’exercer la profession de sapeur-forestier et de sapeur-pompier et une interdiction de porter une arme pendant 5 ans.
 
Un geste imbécile
La lourdeur des réquisitions abasourdit la défense, comme la famille du prévenu présente dans la salle. Me Rosa Prosperi n’en revient pas : « Ce réquisitoire d’une extrême sévérité aurait pu être justifié si l’acte était délibéré et que l’incendie avait pris des proportions considérables ! ». Tout à fait consciente que « l’actualité ne plaide pas en faveur de l’accusé », elle rappelle que « la justice juge des faits et des hommes » et qu’elle doit « prendre la mesure de l’infraction commise ». Elle s’attache, ensuite, à démonter la version du magistrat, à relativiser son caractère de vérité absolue « un témoin, quelque soit la profession qu’il exerce, est troublé quand il est confronté à un fait inattendu » et à lister les erreurs du témoignage que le témoin lui-même a reconnu au cours de l’enquête. Elle plaide, enfin, « l’immaturité d’un jeune homme de 27 ans », qui commet « un acte imbécile qu’il essaye de couvrir et de réparer de manière imbécile comme le fait un gamin quand il se rend compte de l’ampleur de la bêtise ». Récusant toute intention volontaire, elle affirme « Ce n’est ni un voyou, ni un délinquant, ni un incendiaire. Il a compris, aujourd’hui, qu’il n’y avait pas de geste anodin. Ce garçon n’a rien à faire en détention. Je vous supplie également de ne pas prononcer une condamnation d’interdiction d’exercer sa profession ».
 
Un emprisonnement immédiat
Après 40 minutes de délibéré, la Cour ne l’entend pas et suit les réquisitions du procureur, reconnaît le jeune homme coupable et le condamne à 18 mois dont 12 avec sursis, à une interdiction définitive d’exercer la profession de sapeur-forestier et de sapeur-pompier et à une interdiction de porter une arme pendant 5 ans. Estimant « qu’il y a une absence d’éléments pour un aménagement de peine » tout en précisant que cet aménagement peut être sollicité auprès du juge d’application des peines, elle ordonne son incarcération et son transfert immédiat à Borgo. La famille, en état de choc, sort en silence de la salle d’audience, mais laisse éclater son désarroi dans le hall. L’incompréhension est totale.
 
Un mégot dans une pinède
Un « comportement imbécile », c’est aussi ce qui ressort de la comparution d’Anthony Branet, accusé « de destruction involontaire par violation délibérée d’une obligation de prudence au regard de l’article 5 de l’arrêté préfectoral interdisant de fumer dans un endroit forestier du 1er juin au 30 septembre ». Le jeune cuisinier de Biguglia reconnaît sans détours qu’il a allumé une cigarette alors qu’il discutait avec un ami dans la pinède du cordon lagunaire de la Marana et, dans un réflexe habituel, a jeté le mégot par terre. Il vérifie que « le mégot, tombé dans un tas d’aiguilles à pins, ne prend pas feu » et repart vers sa voiture. Mais, « pris de doute parce que je me suis rendu compte qu’il y avait du vent », il revient, « deux minutes après », sur ses pas et constate un début d’incendie. Résultat : 4 hectares brûlés sur les communes de Biguglia et de Borgo. La présidente Saurel s’étonne de « ce comportement irresponsable de jeter vos mégots n’importe où ! » de la part d’un « Corse qui connaît les risques d’incendie dans son pays, qui sait que l’été est sec et qu’il y a un arrêté interdisant de fumer et de jeter les mégots ».
 
Une inconscience inadmissible
C’est aussi l’avis du procureur Belloli qui flagelle « un comportement gravissime, inadmissible dans un contexte d’été très chaud, de problèmes techniques de Canadair et d’interdiction de fumer avec un risque incendie très médiatisé ». Partant de là, elle invoque « une responsabilité pénale pour faire prendre conscience d’un comportement qui doit être sanctionné » et réclame « une sanction à la mesure d’une inconscience et d’une légèreté plus que blâmable ». Elle requiert, « compte tenu du contexte et des conséquences » : six mois de prison avec sursis avec l’obligation d’effectuer 200 heures de travail d’intérêt général dans un délai de 18 mois.
La défense, par la voix de Me Marie-Charlotte Benedetti, reconnaît « un acte stupide et immature d’un jeune homme de 18 ans » et « une négligence avérée », mais « aucune intention délibérée » de mettre le feu. Et demande à la Cour de tenir compte de l’âge du prévenu et de ses aveux immédiats : « Il a bien compris qu’il fallait faire face à ses responsabilités. Il est en bonne voie d’acquérir les règles de base de la vie en société ».
Après un très court délibéré, le tribunal suit les réquisitions du procureur et prononce une peine de six mois de prison avec sursis et 175 heures de travail d’intérêt général à effectuer dans un délai de 18 mois. La présidente conclut sur une semonce ferme à l’égard du jeune homme.
 
N.M.