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Gilles Simeoni : « Je suis candidat à l’élection municipale de Bastia pour continuer le combat »


Nicole Mari le Mercredi 17 Décembre 2025 à 21:58

Après plusieurs semaines de suspense et à trois mois du scrutin, le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, vient d’annoncer sa candidature à la mairie de Bastia. Onze ans après avoir conquis la citadelle zuccarelliste, il explique les raisons de son retour dans l’arène municipale où tout avait commencé en mars 2014 et qu’il avait quittée en décembre 2015 après l’accession historique des nationalistes aux responsabilités territoriales. Gilles Simeoni veut former une liste de rassemblement et d’ouverture qui inclurait les indépendantistes pour continuer le combat et mener à terme ce qui a été construit depuis dix ans tant à Bastia qu’en Corse.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse et candidat à la mairie de bastia. Photo CNI.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse et candidat à la mairie de bastia. Photo CNI.
- Après des semaines de suspense, vous venez d’annoncer sur Via Stella que vous êtes candidat à la mairie de Bastia. Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?
- C’est une décision difficile, longuement pesée et réfléchie, partagée aussi avec un certain nombre d’élus proches, de personnes avec qui j’ai analysé la situation. Les facteurs, qui me conduisent à cette décision, sont de plusieurs ordres. La situation politique globale est soumise à des évolutions profondes, parfois même dangereuses, négatives, comme les logiques de conflits dans le monde et en Europe, l’instabilité politique, la crise budgétaire et institutionnelle majeure que traverse la France. Mais aussi les mécanismes puissants qui menacent aujourd’hui la société corse. Tout cela nous oblige à retourner vers le terrain, réaffirmer un certain nombre de fondamentaux, et, sans doute aussi, et à ouvrir de nouvelles perspectives, que ce soit à Bastia ou en Corse. En ma qualité de président du Conseil exécutif, le calendrier impose de dresser un bilan de dix ans de mandature, dix années d’engagement extrêmement intenses, denses, avec toujours la volonté de servir l’intérêt général. Nous avons beaucoup travaillé, beaucoup avancé et beaucoup construit, même s’il reste beaucoup à faire. Nous savons bien que sur un certain nombre d’objectifs fondamentaux, nous n’avons pas gagné de façon irréversible, aussi le combat doit-il continuer.
 
- Pourquoi le continuer à Bastia ?
- Parce que les deux problématiques globale et locale sont liées. À Bastia, le bilan des dix ans de mandature nationaliste, alliée à des forces de progrès, est extrêmement positif. Mais, de nouveaux défis se cristallisent en Corse et singulièrement à Bastia. Deux phénomènes semblent converger dans la séquence électorale municipale. D’un côté, une coalition très large de forces traditionnelles, accompagnée sur un mode minoritaire par le PNC, n’a comme seul dénominateur commun au premier et au deuxième tour que la volonté de déconstruire ce qui a été fait à Bastia et, en arrière-plan, à l’échelle de la Corse depuis dix ans. Son but est de préparer l’avènement d’une vision qui est en rupture totale avec ce que nous portons historiquement et que nous avons commencé à mettre en place. De l’autre, la montée en puissance du Rassemblement national qui fait écho à ce qui se passe dans le monde. La singularité en Corse est que ce discours d’Extrême-droite cherche aujourd’hui, à travers des manœuvres qui relèvent de l’imposture politique, à faire croire que le nationalisme corse est compatible avec le nationalisme français alors qu’historiquement et encore actuellement, ce sont deux logiques totalement irréconciliables. Ces forces politiques très différentes, mais convergentes dans leur volonté de déconstruire ce qui a été fait par les nationalistes, ciblent clairement le combat que nous portons et cherche à remettre en cause ses acquis. Je l’ai dit, et je le redis : ce combat, je vais le mener directement à Bastia et partout en Corse. À Bastia, je reviens là où tout a commencé avec la volonté à la fois de poursuivre ce qui a été engagé et de le réussir totalement.
 
- Vous saluez le bilan de Pierre Savelli, mais votre candidature ne sonne-t-elle comme un désaveu de son action, comme le prétend l’opposition ?
- C’est normal que l’opposition cherche à interpréter cette décision à l’aune de ses objectifs. Si Pierre Savelli s’était représenté, l’opposition se serait déchaînée de toute façon. La critique de ce côté-là sera toujours systématique et systémique. Les choses sont simples. Pierre Savelli a été maire pendant 10 ans. Son bilan avec son équipe municipale est excellent. Je le partage et je le fais mien puisque nous l’avons réalisé ensemble. Bastia est la ville où je suis né et où j’ai construit une grande partie de ma vie personnelle et professionnelle. Mon élection en tant que maire de Bastia en 2014 a été, pour moi, un grand honneur. Je n’ai pu exercer jusqu’au bout cette fonction puisqu’en décembre 2015, les Corses m’ont mis en situation d’exercer celle de président du Conseil exécutif de Corse. Aujourd’hui, nous allons ensemble vers d’autres séquences politiques, vers un enjeu de réaffirmation et de réponse à ces coalitions d’oppositions uniquement soudées par le rejet de ce que nous avons fait, vers également un enjeu de transmission. Avec Pierre Savelli et la majorité municipale actuelle, nous avons décidé ensemble que ce choix-là était le meilleur. C’est un choix que j’assume avec détermination, en portant une vision à la fois réaffirmée et renouvelée de ce que nous voulons faire, que ce soit en termes de dynamique politique ou en termes de projets.
 
- Pierre Savelli sera-t-il présent sur la liste ?
- La liste sera constituée dans les jours et les semaines à venir. Elle fait l’objet de larges discussions pour être la plus représentative possible. Je souhaite que Pierre Savelli soit présent sur la liste comme un certain nombre d’autres élus, responsables de premier plan, qui ont beaucoup contribué à tout ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui. Nous sommes toujours dans la même dynamique politique, c’est-à-dire la volonté de faire converger le plus largement possible l’ensemble des nationalistes, mais également d’agréger des forces de progrès, de gauche, de droite, de la société civile, notamment celles et ceux qui étaient dans la démarche depuis 2014, mais également des forces nouvelles qui ont vocation à nous rejoindre autour d’un projet et d’une vision. Nous l’avons fait en 2014, nous avons vocation à continuer à le faire, non seulement à Bastia, mais aussi à l’échelle de beaucoup de communes en Corse. Cela peut préfigurer ce qu’il faudra faire, dans les mois et les années à venir, à d’autres niveaux.
 
- Jean-Louis Milani affiche sa rupture avec la majorité sortante et refuse d’être sur la même liste que Pierre Savelli. Pensez-vous réussir à le rallier ?
- J’ai, à titre personnel, des liens anciens et beaucoup d’estime pour Jean-Louis Milani. Sur le plan politique en 2014, nous avons souhaité que la majorité municipale s’élargisse jusqu’au courant politique qu’il incarne. Aujourd’hui, les relations entre Jean-Louis Milani et Pierre Savelli se sont dégradées dans des conditions importantes. J’essaierai de préserver la dimension humaine, et je rechercherai les moyens de la cohésion politique la plus forte possible parce que nous avons besoin d’être d’accord comme nous l’étions en 2014. Nous avons un travail considérable à accomplir et nous verrons, dans les jours à venir, si les conditions pour que nous retrouvions cette cohésion sont remplies. Cela semble difficile, mais je ne veux pas fermer la porte au moment où je parle.
 
- Qu’en est-il d’Emmanuelle de Gentili. Sera-t-elle sur la liste ?
- Aujourd’hui, je n’annonce pas de composition de liste, je fais acte de candidature. Je vais aller avec tous ceux qui soutiendront la démarche vers les Bastiaises et les Bastiais avec notre engagement pour Bastia et aussi une vision plus large de la société Corse et de son devenir. Si les Bastiais me font confiance, j’assumerai les fonctions de maire de Bastia en me donnant les moyens, dans le cadre de l’action collective qui est menée à la collectivité de Corse, de réaliser un certain nombre d’objectifs stratégiques dans les mois à venir et de mener à terme des chantiers qui sont, pour moi, prioritaires. C’est une histoire qui reste à écrire. N’anticipons pas !
 
- Les partis indépendantistes aussi appellent à l’union. Où en êtes-vous des discussions avec Core in Fronte et Nazione ? Seront-ils intégrés à la démarche ?
- Les principes politiques, autour desquels se structure la démarche et se composera la liste, sont très clairs. C’est la volonté de faire converger l’ensemble des nationalistes dès lors qu’ils sont d’accord sur les valeurs et le projet. Les discussions ont déjà eu lieu. Elles ont été globalement positives, voire très positives. Il faut maintenant les finaliser et les concrétiser dans les jours qui viennent. Il faut une cohérence d’ensemble et une démarche qui incarne la diversité d’une ville corse, méditerranéenne, qui se projette résolument dans le présent et l’avenir. Je souhaite que Bastia travaille de façon encore plus étroite et resserrée avec la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB) et ses communes membres, mais également, au-delà de la CAB, que nous portions collectivement une vision forte de développement économique et infrastructurel des territoires, y compris dans la coopération renforcée avec les autres intercommunalités.
 
- Vous avez été absent de Bastia pendant 10 ans, qu’est-ce qui vous fait penser que les Bastiais vous renouvelleront leur confiance ?
- Je vais aller vers les Bastiais comme je vais vers les Corses. Je n’ai pas été présent au conseil municipal de Bastia, mais j’ai créé les conditions politiques pour que Bastia, la CAB et au-delà, l’ensemble des communes de Corse, s’engagent dans un chemin d’espoir, de paix et de développement. J’ai conscience que, dans toute entreprise humaine, il y a des carences, des insuffisances, peut-être même des erreurs, ce que j’assume. Mais, globalement, je crois que nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait, du bilan que je vais présenter, non seulement pour Bastia et la majorité municipale sortante, mais également pour la Corse. Et puis après, les Bastiais jugeront. J’ai toujours dit les choses de façon très claire et transparente. À l’époque où j’étais maire de Bastia, j’avais dit, pendant la campagne électorale, que si j’étais en situation d’être président du Conseil exécutif de Corse, j’irai vers cette responsabilité. J’ai assumé ses fonctions totalement et pleinement pendant 10 ans. Je veux terminer ce qui a été engagé, y compris avant la fin de la mandature.
 
- Cela veut-il dire que vous resterez présent à l’assemblée de Corse et à l’Exécutif, si vous devenez maire de Bastia ?
- Je resterai présent au niveau de la collectivité de Corse. Je verrai sous quelle forme. Très probablement, effectivement, au sein du Conseil exécutif de Corse. Tout simplement parce qu’il y a quatre chantiers prioritaires qui sont prêts d’aboutir et dans lesquels je me suis investi tout particulièrement et que je souhaite concrétiser pour la Corse et les Corses avant la fin de la mandature. Le premier, c’est le chantier de l’autonomie. C’est l’engagement de ma vie, mais c’est aussi l’engagement qui transcende les générations au plan politique, et, en ce qui me concerne, au plan personnel et familial. J’ai reçu l’engagement renouvelé du gouvernement et de l’État que le statut d’autonomie et la révision constitutionnelles seront discutés devant le parlement français à partir d’avril 2026. Cela veut dire que l’autonomie est aujourd’hui à portée de main. C’est impératif pour la Corse que ce rendez-vous soit fructueux. Je ferai tout pour que cette réforme institutionnelle et surtout pour que la solution politique, qu’elle permet, aboutisse. Il ne faut pas laisser passer le train de l’histoire, parce qu’après, on ne sait pas quand est ce qu’il repassera. C’est un objectif de très court terme.
 
- Si vous êtes élu maire de Bastia, qui portera les discussions ? Comment pensez-vous continuer à mener ce combat ?
- La majorité territoriale, la présidente de l’assemblée de Corse et le Conseil exécutif ont été mandatés par le peuple pour porter cette réforme. Nous l’avons portée, nous l’avons incarnée, nous l’avons partagée avec d’autres élus dans un consensus politique extrêmement large. Je crois qu’aujourd’hui, personne ne peut remettre en cause la légitimité de cette aspiration qui puise, à la fois, à l’histoire, au présent et au respect du suffrage universel. Les choses sont sur la table, il reste maintenant à convaincre la représentation nationale. Nous le ferons collectivement.
 
- Quelles sont les trois autres réformes structurelles que vous voulez mener à terme ?
- La deuxième réforme structurelle stratégique est celle du rattachement de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) à la Collectivité de Corse qui est, là aussi, en passe d’aboutir. C’est une réforme décisive parce qu’elle organise la souveraineté économique de la Corse sur les infrastructures portuaires et aéroportuaires. C'est un pas politique et stratégique majeur. Nous sommes le seul territoire insulaire, y compris autonome, à avoir, à la fois, la propriété et la gestion publique des ports et aéroports. Cette réforme est aussi la conséquence d’un contrat politique et moral que j’ai passé avec Jean Dominici, le président de la CCI, le directeur général, l’ensemble des cadres, les 1100 salariés, qui vont rejoindre, par la voie du rattachement, l’ensemble collectivité de Corse, et leurs familles. Cette réforme-là, il est indispensable de l’amener à son terme dans les semaines et les mois à venir. Le troisième enjeu est du même ordre. J’ai été fier d’être le chef des personnels de la Collectivité de Corse, en tant que président du Conseil exécutif pendant ces 10 années. Nous avons engagé, sous l’autorité du nouveau DGS avec l’ensemble des agents et des organisations syndicales, une réforme profonde qui vise à parachever la fusion de 2018 et à créer l’institution moderne dont les Corses ont besoin. C’est un enjeu majeur, et je contribuerai, à la place qui sera la mienne, à porter cette réforme à son terme. Le quatrième chantier est la défense du service public dans le domaine aérien et maritime pour lequel nous sommes beaucoup battus depuis dix ans, et tout ce qu’il représente pour les Corses, pour le développement économique de l’île, les enjeux sociaux avec des milliers d’emplois en jeu. Dans le domaine aérien, nous avons engagé, avec l’implication forte de la présidente du Conseil de surveillance du directoire et de l’ensemble des salariés d’Air Corsica, une réforme structurelle qui va permettre à ce fleuron de l’industrie corse de continuer à se développer dans un secteur en pleine mutation et de plus en plus soumis à de fortes pressions concurrentielles. C’est, pour moi, un enjeu stratégique majeur. Je veux aussi le mener à terme avant 2028.

- En continuant en même temps sur les deux fronts bastiais et corse, qu’espérez-vous obtenir ?
- Si nous réussissons à mener à bien tous ces chantiers et qu’on met en perspective le bilan dont nous pouvons déjà nous prévaloir et, je l’espère, l’autonomie qui interviendra, je considérais qu’en 2028, les 13 années de pouvoir nationaliste auront fait avancer la Corse et le peuple Corse de façon très significative. Nous aurons contribué à poser les jalons d’une émancipation politique, économique, sociale et culturelle. À partir de 2028, s’ouvrira un nouveau cycle avec, je l’espère, une majorité territoriale, toujours nationaliste, mais élargie à des forces de progrès, certainement aussi avec des femmes et des hommes nouveaux. Il faudra alors assumer l’autonomie, développer l’économie de ce pays, renforcer la solidarité sociale, projeter plus jamais la Corse dans sa dimension méditerranéenne et européenne. En ce qui me concerne, je verrai à ce moment-là comment je peux contribuer, à la place qui sera la mienne, à ce que cette démarche vers l’émancipation continue dans les meilleures conditions.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.