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Prix des carburants en Corse : Paul-André Colombani dépose une proposition de loi pour les réguler


le Mercredi 21 Mai 2025 à 08:46

Alors que les prix des carburants restent anormalement élevés sur l’île, le député de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud vient de déposer une proposition de loi portant régulation des prix des carburants et contrôle des concentrations économiques en Corse. Conformément à l’application de dispositions législatives, ce texte élaboré aux côtés du collectif « Agissons contre la cherté des carburants » aspire à faire appliquer en Corse des mécanismes déjà en vigueur dans les territoires d’Outre-mer



(Photo d'illustration)
(Photo d'illustration)
L’initiative permettra-t-elle de faire enfin baisser les prix à la pompe en Corse ? Le député de la 2èmecirconscription de Corse-du-Sud, Paul-André Colombani, vient de déposer une proposition de loi portant régulation des prix des carburants et contrôle des concentrations économiques en Corse.  Élaboré aux côtés de Frédéric Poletti du collectif « Agissons contre la cherté des carburants en Corse » et co-signé par l’ensemble des députés insulaires, ce texte vise à répondre au surcoût des carburants sur l’île qui « fait peser une forte pression économique sur les ménages corses » et est dénoncé depuis de nombreuses années.
 
« Le marché des carburants en Corse se caractérise par une concentration excessive, une faible intensité concurrentielle et une dépendance logistique aussi exclusive à une infrastructure essentielle contrôlée par un opérateur unique. Cette organisation a conduit à la formation d’un monopole de fait, verrouillant l’accès au marché », souligne ainsi l’exposé des motifs du texte de l’élu du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT). En outre, il rappelle que dans un avis du 17 novembre 2020, l’Autorité de la concurrence avait « souligné la spécificité du marché corse ». « À l’amont, l’approvisionnement et le stockage sont contrôlés par une entreprise verticalement intégrée ; à l’aval, la distribution se fait via un oligopole de trois réseaux, sans concurrence par les grandes surfaces, empêchées d’entrer sur le marché faute de maîtrise de la logistique. Cette configuration constitue une barrière structurelle à l’entrée pour tout nouvel opérateur, consolidant un monopole de fait et une situation de verrouillage du marché », détaille-t-il. Dans ce droit fil, dans son avis l’Autorité de la concurrence avait constaté qu’en dépit « d’un taux de TVA inférieur de 7 points sur l’île, les carburants présentent un différentiel de prix très significatif en Corse par rapport au continent de l’ordre de +6,7% pour le gazole et de +5,3% pour le SP95 » et conseillait « d’examiner l’opportunité de mettre en œuvre sur les marchés de la distribution des carburants en Corse des mesures structurelles permettant de corriger les dysfonctionnements constatés ». 
 
Actionner le même mécanisme que dans les Outre-Mer
À nouveau, alors que le surcoût des carburants a des conséquences sociales importantes dans une île « où le salaire moyen est inférieur de plus de 400 euros à celui constaté sur le continent » et où « plus de 18% des ménages vivent sous le seuil de pauvreté », Paul-André Colombani pointe le fait que l’instauration de solutions pérennes pour lutter contre ce phénomène « est plus que jamais indispensable ». Or, il déplore que malgré les « interpellations répétées auprès du Gouvernement afin de demander la mise en place de mesures spécifiques permettant de répondre à la situation exceptionnelle que connaît le marché de la distribution des carburants en Corse », « aucune solution adaptée aux réalités de l’île n’a été apportée » à ce jour.  « On se rend compte que malgré le travail que nous avons fourni sur le sujet du prix des carburants, c’est un dossier qui n’a pas vraiment été pris à bras le corps par le Gouvernement et nous sentons qu’il y a des blocages », souffle Frédéric Poletti. « Comme rien ne bouge, l’idée a été de déposer un projet de loi pour obtenir une régulation sur le modèle de ce qui se fait dans les Territoires d’Outre-Mer », ajoute le porte-parole du collectif « Agissons contre la cherté des carburants en Corse ». En effet, sur la base de l’article L. 410-5 du Code du commerce, depuis 2013 les décrets « Lurel » permettent une régulation des prix et des marges dans les secteurs marqués par une concentration excessive dans ces territoires. « Ces mesures ont démontré leur efficacité pour corriger les défaillances structurelles du marché local », souligne l’exposé des motifs de la proposition de loi en insistant sur le fait « la Corse, bien qu’insulaire et soumise à des contraintes comparables ne bénéficie d’aucun mécanisme équivalent, alors même qu’elle partage avec ces territoires une dépendance logistique forte et une taille de marché restreinte ». 
 
« Ce que nous demandons, c’est la mise en œuvre stricte de la loi »
Dans ce droit fil, la proposition de loi aspire à la mise en place d’une « base juridique permettant la régulation temporaire des prix ou des marges des carburants en Corse ». « Ce que nous demandons, c’est la mise en œuvre stricte de la loi. Les dispositions de l’article L. 410-5 du Code du commerce peuvent s’appliquer partout sur le territoire national à partir du moment où il n’y a pas de libre concurrence. Or nous constatons qu’il y a un blocage pour la Corse », commente Frédéric Poletti. « Normalement, il ne devrait pas y avoir besoin de faire cette proposition de loi car cela relève du décret. Mais cela fait des dizaines de fois que l’on demande la mise en place de ce décret au Gouvernement à travers des questions auprès des différents ministres qui se sont succédés depuis ces cinq dernières années. Maintenant, si on n’arrive pas à obtenir les choses par la voie normale, on va se servir du Parlement à travers les Semaines de l’Assemblée », abonde le député de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud. 
 
Au-delà, la proposition de loi vise à actionner deux autres leviers complémentaires pour rétablir l’équilibre : « L’instauration de seuils de notification spécifiques pour les opérations de concentration dans les secteurs stratégiques à fort impact local, afin de prévenir les effets anticoncurrentiels durables dans un marché où même une opération modeste peut avoir des conséquences structurelles », et « le renforcement de la capacité d’analyse et d’action de l’Autorité de la concurrence lorsqu’une opération porte sur une infrastructure logistique essentielle implantée en Corse, afin de garantir un accès équitable aux acteurs présents ou souhaitant entrer sur le marché ». 
 
« Nous n’inventons rien. Nous demandons la mise en place du mécanisme du décret Lurel », appuie encore Paul-André Colombani en indiquant espérer faire inscrire sa proposition de loi dans les Semaines de l’Assemblée d’ici l’automne.