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Michel Castellani : « Il y a incompatibilité entre les politiques du Sénat et de l’Assemblée sur le budget de l’Etat »


Nicole Mari le Vendredi 19 Décembre 2025 à 16:38

La France n’aura pas de nouveau budget avant la fin de l’année. La Commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, réunie vendredi matin, a échoué à trouver un accord sur le projet de loi de finances pour 2026. Le débat budgétaire est, donc, renvoyé, en janvier. Le gouvernement a immédiatement saisi le Conseil d'Etat d'un projet de loi spéciale afin de permettre à la France de continuer à fonctionner à partir du 1er janvier 2026. Ce projet sera présenté lundi au vote des députés et mardi aux sénateurs. Quelles sont les conséquences pour la France et pour la Corse ? Explications, pour CNI, de Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe LIOT, membre de la Commission des Finances, qui a participé à la CMP.



Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe LIOT.
Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe LIOT.
- Pourquoi la CMP a-t-elle échoué à trouver un accord ?
- Il y a deux politiques qui sont difficilement compatibles. D’une part, une politique majoritaire au Sénat qui consiste à freiner la dépense publique, et, d’autre part, la politique d’une partie de l’assemblée nationale qui consiste, au contraire, à soutenir la demande. On ne peut pas appuyer en même temps sur la pédale de frein et la pédale de l’accélérateur ! C’est pour cela que la réunion a été très brève, même pas une heure. Chacun des 14 membres a parlé deux minutes. On a constaté immédiatement qu’il y avait incompatibilité entre les deux approches. Donc, la commission paritaire s’est révélée très rapidement négative.
 
- Quelle a été votre position ?
- J’ai pris acte du fait qu’il y avait incompatibilité. J’ai dit qu’il fallait maintenant sortir de ce blocage. Nous sommes devant une feuille blanche su laquelle il faudra résoudre une quadrature de cercle. Il faut, à la fois, maîtriser les prélèvements obligatoires très élevés en France, maîtriser le niveau de dépenses publiques, maîtriser les déficits en général, tout en ne sacrifiant pas les politiques publiques et en ne bloquant pas la croissance. Et j’ai ajouté, comme député de la Corse, en n’oubliant pas l’initiative des collectivités territoriales. Il faudra veiller à avoir une contribution plus juste à l’effort commun en proportion des revenus et des ressources. Il faudra aussi une meilleure efficacité de la machine publique en se penchant enfin sur le millefeuille administratif, sur l’existence de centaines d’organismes à l’utilité improbable. Et surtout avoir l’esprit de compromis, s’écouter, s’entendre avec la volonté de bâtir un avenir à nos enfants.
 
- Que va-t-il se passer maintenant ?
- Le gouvernement a saisi le conseil d’État d’un projet de loi spéciale. Cette loi spéciale consiste à faire en sorte que le gouvernement reprenne les bases du budget 2025 et soit autorisé à emprunter en cas de besoin. On reste sur ces bases-là, donc c’est du provisoire. Nous allons nous réunir lundi matin à l’assemblée nationale pour voter cette loi spéciale. Je pense qu’elle sera votée, qu’il n’y aura pas de problème là-dessus. Si elle ne l’est pas, on passe aux ordonnances et, à ce moment-là, le gouvernement fait très exactement ce qu’il veut. En janvier, on recommencera les discussions budgétaires à zéro. Ce qui est effrayant d’ailleurs ! Lors du dernier débat, nous avons passé 125 heures en Commission des finances et 105 heures dans l’hémicycle.
 
- Cette absence de budget remet-elle en cause les sommes que vous avez arrachées pour la Corse à travers des amendements ?
- De ce point de vue, j’ai ouvert le parapluie et j’ai pris des garanties maximales directement du côté de Matignon. J’ai eu la promesse qu’on ne toucherait pas aux 60 millions € de rallonge de la dotation de continuité territoriale et qu’on ne toucherait pas aux 4 millions € que j’ai obtenu pour la Chambre de commerce. Par contre, il reste le problème du crédit d’impôt Corse que j’avais fait proroger jusqu’en 2030. Il représente un apport très important pour la Corse, qui se chiffre à environ 170 millions €. Là, je n’ai aucune garantie qu’il sera inscrit, je pense même qu'il ne le sera pas.
 
- Quel est votre sentiment face à cette situation ?
- Je tiens quand même à ajouter une chose : se battre pour arracher des millions d’euros, c’est bien, il faut le faire pour la Corse, mais ce n’est pas gratifiant. Pour moi, la fonction de député, ce n’est pas seulement ça, ce n’est pas d’aller quémander à droite et à gauche pour de l’argent. Un député doit bâtir une société, il doit avoir un projet. Et, pour nous, le projet, c’est le projet de la société corse, c’est donner un avenir à nos enfants sans rupture avec notre culture, avec notre langue et avec notre tradition historique. Pour moi, le vrai combat est là. On a essayé de l’amorcer à Beauvau. Relancer Beauvau, ça va être encore un combat terrible. Quand je combats pour arracher telle ou telle somme pour la Corse, c’est bien, pour l’hôpital ou pour l’IRA de Bastia. Mais, au-delà, on devrait avoir une autre ambition.
 
- Ce rejet de la loi de finance pèsera -t-il sur le calendrier de l’autonomie et l’examen au Parlement du projet d’écritures constitutionnelles ?
- C’est la panique générale au Parlement ! Comment voulez-vous avoir une garantie quelconque sur un sujet quelconque ! On verra. On essaiera de faire en sorte que les choses avancent. Mais la question Corse n’est visiblement pas prioritaire dans un Etat qui n’a même pas un budget.
 
- Quelles seront les conséquences de l’absence de budget sur la situation économique en France ?
- La situation économique de la France n’est pas bonne, que ce soit en matière industrielle ou en matière agricole. Il y a un ralentissement de croissance qui est très dommageable. Il y a toujours le poids énorme des déficits publics qui vont encore se creuser, vue l’instabilité. On n’a pas réussi à avoir une loi de finance, cela veut dire, ipso facto, que les taux d’intérêt vont encore augmenter et la charge de la dette aussi. Cela veut dire de l’argent jeté par les fenêtres, de l’argent qui ne va pas s’intégrer dans la société française pour créer de l’activité et de l’emploi. Aussi, il faudra essayer d’avoir une vue constructive.
 
- Comment voyez-vous l’avenir ?
- Il y a une accumulation de problèmes. Quand on regarde le monde d’aujourd’hui avec toute une poche de violence et de misère, quand on regarde l’Europe avec la guerre en Ukraine et les dissensions profondes entre les Européens, qu’on regarde les profondes divisions de la société française, qu’on regarde les dérapages de la société Corse, tout cela ne porte pas à l’optimisme. Mais, le rôle d’un citoyen, et en particulier d’un député, ce n’est pas d’avoir une vue pessimiste des choses, c’est de voir les choses telles qu’elles sont et d’agir pour qu’elles aillent dans un sens meilleur.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.