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Pollution des ports et des mers : Bruxelles négocie un plan de traitement des déchets marins


Nicole Mari le Dimanche 19 Août 2018 à 21:09

Près de 8 milliards de dollars par an ! C'est le coût des déchets et de la pollution occasionnés par les navires dans les quelques 700 ports de l'Union européenne (UE). Près de 750 000 navires produisent, chaque année, 5 à 7 millions de tonnes de résidus huileux et plus d’un million de tonnes de résidus solides. Bruxelles a décidé de prendre une nouvelle directive visant à mettre en place des installations de collecte et de dépôt des déchets des navires dans les ports. L'objectif est de proposer des recommandations et des mesures incitatives pour réduire les déchets.



Le port de commerce d'Ajaccio. Crédit photo M.L.
Le port de commerce d'Ajaccio. Crédit photo M.L.
Les navires ne devraient tirer aucun avantage financier à déverser leurs déchets en mer. C’est l’orientation générale qui prévaut à Bruxelles, tant au Conseil européen qu’au Comité des régions, face à l’augmentation de la pollution marine générée par le transport maritime. Pour combattre les déversements de déchets, le Conseil a décidé de réactualiser les règles relatives aux installations de réception portuaire, qui remontent à l’an 2000, et d’y inclure des mesures pour inciter les navires à apporter leurs ordures à terre. « Il s'agit là d'un outil important pour rendre le transport maritime plus respectueux de l'environnement », a déclaré Ivaïlo Moskovski, ministre bulgare des transports, des technologies de l'information et des communications. « Cela nous aidera à protéger nos mers contre les déchets plastiques, les engins de pêche laissés à l'abandon et d'autres déchets qui, à l'heure actuelle, finissent par endommager notre environnement marin ».
 
Une redevance pour tous
Avec cette réforme, les navires devront verser une redevance indirecte qui leur donnera le droit de déposer leurs déchets dans un port. Ils devront acquitter cette redevance, qu'ils déposent des déchets ou non. La redevance s'appliquera également aux navires de pêche et aux bateaux de plaisance. Ce qui signifie qu'elle concernera aussi la mise au rebut des filets de pêche hors d'usage et des déchets pêchés de manière passive. « La redevance sera basée sur le principe du recouvrement des coûts d’acheminement de tous les déchets. Le barème sera fixe pour la plaisance et la pêche. La notion de « navire vert » permettra d'appliquer une réduction de la redevance aux navires qui démontreront leurs capacités à gérer de manière durable les déchets à bord. Les navires verts ont l’obligation de mettre en place des mécanismes pour purifier les carburants et les résidus », précise Spyros Spyridon, représentant grec au Comité européen des régions et conseiller municipal de Poros, rapporteur d'un avis sur le sujet qui a été adopté, en juin dernier à Sofia en Bulgarie.
 
Pédagogie et tri sélectif
Le plan quinquennal pour l’acheminement des déchets n’a pas eu les effets escomptés. La raison ? « Le traitement des déchets n’apporte pas de bénéfice pour les ports. Il faut pourtant arriver à réduire de 300 000 tonnes par an le volume de déchets en jouant sur deux tableaux : l’économie circulaire et la création d’emplois », explique Spyros Spyridon. Cet impératif suppose de former les équipages, mais aussi les passagers au tri ainsi qu’au stockage adapté des déchets. La pédagogie et le tri sélectif, tout comme la mise en place des infrastructures nécessaires, ont un coût qui pourrait être intégré dans la tarification des services portuaires. C’est là où le rôle des collectivités locales devient essentiel. « L’objectif est d’obliger les navires à acheminer les déchets aux ports et de demander des efforts aux collectivités locales, gestionnaires des ports », ajoute l’élu grec. L’idée est de trouver pour les plus petits ports régionaux, comme les ports corses, des mécanismes simples pour recevoir et traiter les déchets.
 
Des législations harmonisées
Cette révision de la directive en vigueur sur les installations de réception portuaires devrait, en outre, selon Bruxelles, permettre d'améliorer l'efficacité des opérations maritimes dans les ports grâce à un allégement de la charge administrative pour le secteur et les autres parties prenantes. « Elle assurera la cohérence de la directive avec la législation européenne en matière de déchets, par exemple en prévoyant que les ports doivent avoir des plans de réception et de traitement des déchets. Enfin, elle alignera la législation européenne sur la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires qui a été modifiée depuis l'adoption de la directive en vigueur ». L’harmonisation des procédures se fera via des systèmes électroniques.
 
Renforcer MARPOL
Cette convention, connue dans le monde entier sous le nom de MARPOL, a été initialement adoptée en 1973 par l'OMI (Organisation maritime internationale), modifiée par les Protocoles de 1978 et 1997 et actualisée par le biais de divers amendements. La Convention MARPOL couvre différents types de pollution : les hydrocarbures, les substances liquides nocives transportées en vrac, les substances nuisibles transportées par mer en colis, les eaux usées des navires, les ordures et la prévention de la pollution de l'atmosphère par les navires. MARPOL, qui s'applique à 99 % du tonnage de la flotte mondiale des navires de commerce, a, toujours selon Bruxelles, « grandement contribué à réduire de manière significative la pollution imputable aux transports maritimes internationaux ». Le problème est que si MARPOL fixe le cadre de la gestion des déchets des navires, elle ne prévoit pas de mécanismes permettant d’en imposer la mise en œuvre.
 
Un plan d’action proactif
D'autres traités couvrent les systèmes antisalissure utilisés à bord des navires, le transfert des espèces exotiques, via les eaux de ballast des navires, et le recyclage écologiquement rationnel des navires. « La pollution imputable aux navires a pu être réduite en traitant les questions relatives à l'élément humain et aux aspects techniques et opérationnels. Cette réduction est d'autant plus remarquable lorsqu'on la compare à l'importante croissance connue par le secteur des transports maritimes internationaux, que l'on s'en réfère à la taille de la flotte mondiale ou aux distances parcourues par les navires. L'OMI s'efforce sans cesse d'adopter une approche proactive afin d'améliorer la mise en œuvre et le respect de ces traités, à la fois par les États du pavillon et les États du port. Cet effort comprend notamment un plan d'action proactif visant à garantir que les installations de réception à terre pour les déchets provenant des navires suivent les prescriptions réglementaires internationales en vigueur », affirme-t-on à Bruxelles.
 
Pollution de l’air
Le projet de directive, approuvé par le Conseil européen et le Comité des régions, va bientôt être discuté au Parlement européen où des négociations sont à prévoir concernant notamment l’impact sur la compétitivité des ports et du transport communautaire. Le texte final doit être approuvé par le Conseil et le Parlement pour pouvoir entrer en vigueur. Les États membres enclavés, n'ayant ni ports, ni navires battant leur pavillon, ne seront pas tenus de transposer la directive ou certaines parties de celle-ci. Certaines voix à Bruxelles s’élèvent pour intégrer à cette directive des mesures concernant la pollution atmosphérique. Le transport maritime est responsable de 8% des émissions de CO2 dans le monde, 60% des émissions d’Azote, 3% des gaz à effets de serre d’origine humaine. Soit deux fois plus que l’avion. Les bateaux de croisière génèreront, d’ici à 2050, jusqu’à 17% supplémentaires de C02. Là aussi, il y a urgence !
 
N.M.