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Plan de déconfinement : L’inquiétude des élus corses qui dénoncent le flou des réponses


Nicole Mari le Mardi 28 Avril 2020 à 21:06

Le plan de déconfinement, présenté par le Premier Ministre, Edouard Philippe, ce mardi après-midi devant l’Assemblée nationale, laisse la Corse sur sa faim. Les premières réactions politiques à chaud dénoncent le flou et l’incertitude des mesures annoncées. L’inquiétude reste grande sur le plan sanitaire au niveau de l’achat des masques et des tests, de la réouverture des écoles… mais aussi sur la stratégie de mise en œuvre du plan au niveau local, et surtout sur le problème du transport et ses conséquences économiques et touristiques pour l’île.



Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.

Gilles Simeoni : « Ce plan confirme la gravité de la situation pour la Corse »

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
Pour le président du Conseil exécutif de Corse : « Le Premier ministre s’est livré à un exercice extrêmement difficile, tout simplement parce qu’il ne dispose pas d’un certain nombre d’éléments de réponse, qu’il s’agisse de l’évolution possible de l’épidémie ou des moyens susceptibles d’être mis en œuvre.
Son plan comporte des aspects positifs, notamment la notion de sortie progressive du déconfinement, d’évaluation permanente, y compris de l’évolution de l’épidémie, et la logique d’une approche différenciée en fonction des secteurs, voire en fonction des territoires. Au-delà, il révèle des éléments d’incertitude et d’inquiétude forts, et des éléments de confirmation de la gravité de la situation pour la Corse. La stratégie d’Edouard Philippe repose sur le principe : « Protéger, tester et isoler ». D’accord ! Cela fait des semaines que nous le disons ! Sauf que pour protéger, nous avons besoin à titre principal de masques et de tests. Où sont les masques de l’Etat ? Où sont les garanties qu’il y aura suffisamment de masques dans tous les secteurs envisagés pour reprendre progressivement une activité normale ? Y-aura-t-il des tests ? Si oui, quand ? Ce qui s’est passé jusqu’à présent nous conduit à être pour le moins prudents ! Certaines réponses restent évasives, y compris sur la rentrée scolaire. Manifestement, la date du 11 mai est une commande du Président de la République, à laquelle le gouvernement n’est pas en état de répondre totalement. Il le dit clairement.
Ce qui renforce l’inquiétude pour la Corse, c’est qu’Edouard Philippe dit qu’il n’y aura pas de déplacements inter-régionaux jusqu’à début juin et probablement jusqu’à fin juin. Cela veut dire concrètement qu’il n’y aura pas de flux touristiques au moins jusqu’à fin juin, et peut-être aussi après. Sans flux touristiques, il n’y a pas de tourisme, c’est, donc, un pan entier de l’économie corse qui s’effondre. Nous devons raisonner dans l’hypothèse d’une saison blanche et d’un manque à gagner de 2,5 milliards € pour la Corse. C’est la confirmation d’une crise économique et sociale sans précédent. Cela impose que le gouvernement et l’Etat considèrent la situation d’insularité de la Corse, prennent en compte ses spécificités par rapport à la crise sanitaire et à la réponse épidémiologique à y apporter, par rapport aussi à la crise économique et sociale à travers les problèmes particuliers et aigus que notre île connaît et va connaître dans les prochains mois. Cela prouve enfin qu’il faut une stratégie de sortie progressive du déconfinement co-construite avec la Corse ».

Jean-Christophe Angelini : « Le plan proposé par le Premier Ministre est imprécis et insuffisant »

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
Pour le conseiller exécutif et président de l’ADEC : « Ce plan soulève trois interrogations fortes. Sur le plan sanitaire, le gouvernement veut rassurer, mais clairement n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Cette crise est vécue sous l’angle compassionnel avec la volonté de parer au plus pressé et de répondre aux attentes immédiates, mais on ne voit pas bien, notamment sur les questions de l’achat de masques et du dépistage qui ont été abordées dans des termes trop imprécis, des tests et plus globalement des réponses de fond, quelle est la volonté politique de ce gouvernement. Les masques devraient être dans un espace non-marchand, c’est-à-dire distribués gratuitement à tous les publics et en tous points des territoires.
Sur le plan de l’adaptabilité de la stratégie et de la liberté laissées aux territoires, la Corse a émis le souhait, au travers de la majorité territoriale et du Conseil exécutif, de co-construire son plan de déconfinement. L’Etat a dit à plusieurs reprises qu’il souhaitait que les territoires à la maille la plus fine jusqu’aux communes s’emparent de ses orientations et qu’ensemble, nous prenions des mesures adaptées aux réalités locales. De ce point de vue-là aussi, l’imprécision domine. Nous sommes encore dans l’attente de mesures claires concernant la démocratie locale et la respiration laissée aux communes et aux intercos, et donc aux régions, pour co-décider de la stratégie de déconfinement.
Enfin, en ma qualité de président de l’ADEC, je suis resté sur ma faim – et c’est un euphémisme ! – concernant l’économie et le tourisme. Aujourd’hui, on entend dire que « le pays est au bord de l’écroulement », mais on attend des mesures opérationnelles dans un équilibre intelligent entre maintien de la santé publique et reprise de l’activité économique. Les normes dans les secteurs d’activités ne sont pas clarifiées. Les normes dans les transports sont suggérées, mais non précisées comme on l’attendait. En matière de fréquentation touristique, de transports interrégionaux, d’ouverture des îles, on pensait que le Premier ministre aurait un mot particulier pour la Corse et les départements et régions d’Outre-Mer, il n’en a rien été ! On n’a pas de visibilité.
Je comprends la difficulté et le caractère complexe et périlleux de l’exercice, mais sur ces trois plans, nous attendons encore des mesures fortes. A ce stade, ce qui est proposé par le Premier Ministre est imprécis et insuffisant ».

Jean-Guy Talamoni : « Contre la réouverture des établissements scolaires avant septembre »

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
Pour le président de l’Assemblée de Corse : « Suite au discours du Premier ministre Edouard Philippe, il convient de constater que son gouvernement persiste à suivre la voie hautement périlleuse ouverte par le Président Macron dans sa dernière allocution, à savoir procéder à la réouverture des établissements scolaires à partir du 11 mai. De surcroît, cette décision intervient alors qu’aucune garantie n’est donnée sur les moyens matériels du déconfinement, à savoir notamment les tests et les masques pour tous. Elle est d’autant plus incompréhensible que si l’on voit clairement les risques qu’elle fait courir à la communauté enseignante, aux parents et à toute la population, on peine à percevoir son intérêt : par exemple, pourquoi rouvrir les lycées à quelques jours de leur fermeture estivale ?
Conscients des conséquences prévisibles d’un tel entêtement et après l’expérience du maintien du premier tour des élections municipales dont on sait les funestes conséquences, il paraît hors de question de suivre aveuglément des directives parisiennes, fermement contestées du reste y compris de l’autre côté de la mer. Ajoutant qu’en la circonstance, le « Haut Conseil scientifique » réuni par le Président Macron, ayant pourtant été jusqu’ici particulièrement conciliant à l’égard du gouvernement (notamment sur la question du maintien des élections qu’il a accepté de cautionner), a lui-même déconseillé la réouverture des écoles le 11 mai, préconisant le renvoi de celle-ci au mois de septembre.
En Corse, cette décision est d’autant plus contestable que l’île connaît une fragilité particulière, notamment en raison de la structure de sa démographie (forte proportion de personnes âgées) ainsi que de la faiblesse de son système sanitaire (capacités réduites des services de réanimation, absence de CHU...). En ce qui nous concerne, nous avons procédé à la consultation des syndicats d’enseignants, des associations de parents d’élèves, ainsi que des médecins et scientifiques réunis au sein du « Collectif anti-covid ». Forts de la position largement majoritaire s’étant exprimée, nous demanderons pour notre part à l’Assemblée de Corse de refuser l’ouverture des établissements scolaires au mois de mai et de la renvoyer au mois de septembre. Nous déposons dès à présent une motion en ce sens, conjointement avec le président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, afin qu’elle soit débattue par les élus jeudi prochain. Cette motion appellera les parents d’élèves à garder leurs enfants à la maison et les maires à ne pas ouvrir les crèches et les écoles. Elle demandera en outre à l’Assemblée de Corse de maintenir fermés les établissements propriété de la Collectivité de Corse, notamment les lycées et collèges. »
 

Jean-Félix Acquaviva : « On reste dans le flou, l’adaptation par territoire est sujette à caution »

Pour le député de la 2nde circonscription de Haute-Corse : « On assiste à un balai concurrentiel sur la façon de déconfiner entre le Président de la République et le Premier Ministre, qui est sommé de mettre en œuvre des dates. On est dans une ambiance où l’Elysée veut charger le gouvernement des conséquences de la crise. Le discours d’Edouard Philippe démontre que nous sommes encore dans le flou. Il n’entre pas dans le détail concernant le micro local et la micro-façon de déconfiner, y compris au niveau sectoriel. On nous demande de voter un plan général en disant qu’ensuite on verra comment on le déclinera sur le plan local. Seulement, le temps est tellement serré que la déclinaison et l’adaptation par territoires sont, pour nous, sujettes à caution. Le gouvernement fait confiance aux territoires, mais après l’annonce. Ce n’est pas la bonne façon de faire ! Il faut faire l’inverse, partir des territoires, regarder l’évolution du virus dans chaque territoire, penser en termes de moyens. Même s’il y a un affichage sur les masques et sur les tests, il n’y a pas de clarification suffisante, notamment sur la généralisation du port du masque en tant que protection obligatoire, et sur la déclinaison d’un déconfinement territorial avec des tests en quantité, même si c’est progressif. De ce point de vue là, le flou artistique continue, il y a une perte de confiance. J’ai voté contre ».

Propos recueillis par Nicole MARI.