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Photovoltaïque : en Corse, un potentiel freiné par les obstacles administratifs


Léana Serve le Dimanche 18 Mai 2025 à 18:16

Alors que la Corse bénéficie d’un fort potentiel en matière d’énergie solaire, les résultats décevants du dernier appel d’offres pour les zones non interconnectées inquiètent le Syndicat des Énergies Renouvelables. Raccordement difficile, lourdeurs administratives, délais trop longs : autant d’obstacles qui freinent la transition énergétique sur l’île. Le syndicat appelle l’État à agir sans tarder pour faire de la Corse un véritable laboratoire du solaire.



Archive CNI
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Le développement du solaire en Corse est-il en train de caler ? Dans un communiqué publié le 17 avril dernier, le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) alerte sur une situation jugée “extrêmement préoccupante” dans plusieurs zones non interconnectées, dont fait partie l’île. En cause : les résultats de la troisième période de l’appel d’offres photovoltaïque, publiés par l’État au début du mois, et dont le bilan est loin des attentes. Cet appel d’offres, ouvert “aux projets photovoltaïques de plus de 500 kilowatts-crête au sol ou en toiture”, concernait six territoires insulaires, dont la Corse. Sur les 99 mégawatts-crête (MWc) de puissance installée prévus, dont 25 sur l’île, “seuls 14,41 MWc ont finalement été attribués”, explique Paul Antoniotti, représentant du SER en Corse.


Des freins au développement de la filière

Pour le SER, le constat est clair : ce n’est pas l’ambition qui manque, mais les projets qui n’arrivent pas à aboutir. “On n'arrive pas à sortir les projets et répondre suffisamment aux appels d'offres”, déplore Paul Antoniotti. Selon lui, plusieurs obstacles freinent considérablement le développement du solaire sur l’île, le premier frein étant administratif. “Il est extrêmement compliqué et long d’avoir un permis de construire pour un parc solaire. On cumule les règlementations : urbanisme, énergie, environnement… Tout ça est amplifié par le fait que les zones insulaires sont soumises aux lois littorales et aux lois montagnes, donc les entreprises ont énormément de mal à obtenir les autorisations et à trouver des terrains favorables à l'implantation des énergies renouvelables.”
 

Autre point noir : le problème du raccordement au réseau électrique. “Les réseaux n'ont pas été prévus, et des schémas n'ont pas été développés”, explique Paul Antoniotti. “Ça devient donc compliqué de raccorder des projets solaires, parce qu'il n'y a plus de capacité de raccordement. Toutes ces choses font que ça surenchérit énormément les coûts, et qu'on arrive à des prix trop hauts pour être acceptables, en plus de retarder les projets.”

Pourtant, la Corse a tout pour devenir un territoire pilote du solaire. Avec un ensoleillement exceptionnel et des coûts de production compétitifs, le développement du photovoltaïque s’impose comme une évidence. “L’énergie solaire est l’énergie la moins chère en Corse”, précise Paul Antoniotti. L’objectif est d’atteindre une autonomie énergétique à 100 % basée sur les énergies renouvelables. “Moins on les développe, et moins on atteint cet objectif”, souligne-t-il. “Quand on compare avec le coût de production des centrales thermiques de Lucciana ou du Vazzio, le solaire est bien plus compétitif, mais tant qu’on ne le développe pas, on continue à payer une énergie plus cher.”


Le SER appelle à une action urgente

Aujourd’hui, le SER tire la sonnette d’alarme. Face à la situation, il demande à l’État d’agir vite. “On demande une réunion à haut niveau avec les représentants de l’État pour trouver des solutions et pour pouvoir avancer”, explique Paul Antoniotti. “On ne peut pas continuer dans la situation actuelle. Par exemple, pour développer un projet solaire, on nous demande parfois de débroussailler, pour des raisons de sécurité, mais on nous demande en même temps de ne pas débroussailler pour protéger les espèces vivantes, donc on se retrouve coincés et on ne sait plus quoi faire.”
 

Deux priorités sont aujourd’hui identifiées, à commencer par la nécessité de reconnaître les projets solaires comme des projets d’intérêt collectif. “On doit nous aider à les implanter et à les développer, sans avoir des freins qui nous bloquent.” La seconde urgence concerne le développement du réseau électrique, aujourd’hui trop limité pour absorber de nouvelles capacités de production solaire.

À cela s’ajoute un enjeu de compétitivité européenne, et une nécessité de “simplifier les procédures”. “Aujourd'hui, pour développer un parc solaire en France, il faut entre quatre et cinq ans en moyenne. Chez nos collègues européens, il faut deux à trois ans. On prend énormément de retard.” Au-delà des enjeux écologiques, le retard a aussi un coût économique réel. “Plus on retarde ce processus et plus on pollue, en utilisant d’autres sources d’énergie.” Pour le SER, le blocage du développement de l’énergie solaire est aussi un manque à gagner pour l’économie locale. “Chaque projet non réalisé, ce sont des millions d’euros qui n’entrent pas dans l’économie insulaire, et des emplois en CDI dans les entreprises corses qui ne voient pas le jour.”