Les absents ont-ils toujours tort ?
Après avoir remarqué et regretté l’absence des élus de l’opposition, le maire s’est lancé dans une longue explication sur ce qui s’est passé au cours des cinq derniers mois.
Laurent Marcangeli a rappelé la coïncidence lors de l’ouverture du chantier et la découverte des quais des les premiers coups de pioche : « On s’est aperçu de l’intérêt que représentaient ces deux vestiges appartenant au patrimoine de la ville et comme par hasard, on apprend que les quais devaient être déplacés. J’ai aussitôt demandé la suspension du chantier. Discussions avec des juristes, audits, réunions avec des experts archéologiques ont suivi sans parler des vices cachés de la DSP lors de sa présentation en 2011 qui impactait indéniablement l’environnement tout autant que l’identité, l’image de la ville et ses finances. Les quais ont une histoire, ils sont l’incarnation de la dernière présence de Bonaparte à Ajaccio (1799). Avais-je le droit de faire cela. Je pense très sincèrement non, car on ne brade l’identité de cette ville. Non, nous ne participeront pas au démantèlement de notre patrimoine. J’ai une âme et je ne la vendrai pas. On ne déchire pas une page, on la tourne. Je vous rassure sur un point : la ville ne fait pas une guerre contre Q-park. Je regrette de voir les bancs de l’opposition vides, exception faite de MM. Casasoprana et Filippi. Ont-ils ou non pris les bonnes décisions. Les débats, il faut les affronter car on doit faire face à ses erreurs et je puis vous dire qu’il y en a. Voilà la réalité de cette histoire. Si nous dénonçons le contrat avec la société Q-Park c’est pour un motif d’intérêt général. Cela a été décidé en tout conscience, collectivement. »
François Casasoprana, seul à la barre !
François Casasoprana a pris la parole à son tour pour donner son point de vue et celui de l’opposition. Il a rappelé l’objet de ce contrat liant la ville et la société Q-Park et insisté sur le rapport de présentation de la délibération à ses yeux « entretenant un certain flou. »
Il a notamment précisé : « Il était temps que notre assemblée délibérante soit saisie. En mai dernier, vous annonciez une décision imminente concernant le devenir du parc de stationnement Campinchi mais la décision est intervenue trois mois plus tard. Il est temps que vous puissiez rendre compte de vos démarches devant l’assemblée qui, entre autres missions, vote les projets soumis par son exécutif, est seule à habiliter juridiquement la commune. Cela était d’autant plus nécessaire que chaque semaine de réflexion, chaque semaine d’indécision, chaque semaine à jouer la montre pour chercher un éventuel bouc émissaire a coûté cher aux Ajacciens.
A la lecture de votre rapport, je reste un peu sur ma faim ; quelques lignes minimalistes, peu d’explications, pas d’éléments financiers, pas de mise en perspective. Il y a trois ans, vous siégiez de ce côté ci de la salle et vous étiez saisi à ce titre du projet d’approbation de la convention relative à la DSP. Vous n’aviez pas tout vu…Avec le peu de document remis à l’appui de ce rapport, on peut redouter qu’à nouveau, des éléments échappent à l’examen prudent des conseillers…Je le dis avecun e certaine ironie pour souligner combien je redoute que cette affaire soit traitée avec légèreté » a précisé le conseiller municipal de l’opposition qui a poursuivi : « C’est une décision grave. Les Ajacciens nous regardent. Ils attendent des réponses aux difficultés qu’ils rencontrent. Je vois souvent, chez eux, une sorte de fatalité qui s’est installée. Ils ne croient plus que leurs problèmes puissent être réglés. Ils ne nous croient plus ! »
François Casasoprana a rappelé qu’il fallait apporter plus de réponses concrètes, des actes, pas de beaux discours, pas d’alibis faciles : « C’est une décision grave qui doit être prise dans toute sa solennité, et surtout, ne spéculez pas sur d’éventuelles dissensions au sein de l’opposition. Vous n’êtes plus dans l’opposition. Votre rôle n’est plus de vous opposer aux projets des autres mais d’en porter des nouveaux. Or, de projets, je n’en vois pas. J’ai bien compris que vous attendez des audits mais il y a des urgences. Je ne vois aucun plan B pour régler ce problème majeur, je ne vois aucune extension du parking du Diamant, tout cela semble bien léger. Il est alors plus facile de regarder chez les autres. »
François Casasoprana a également précisé qu’il avait longuement travaillé avec ses collègues de l’opposition sur ce projet de délibération et qu’il avait rencontré de nombreux ajacciens, pris le temps de les écouter : « Ils m’ont dit ce qu’ils avaient sur le cœur et ont l’impression que cette attention leur manque. Monsieur le maire, il y a des enseignements que nous devons tirer, tous, de façon collective, des trois ans et demi écoulés
- Il faut donner plus de sens aux efforts demandés à nos concitoyens. C’est ça l’esprit de responsabilité
- La ville a déjà mandaté des sommes importantes, nulle part vous ne les mentionnez. Nulle part vous ne les détaillez. La ville s’est pourtant dotée d’un budget annexe pour financer en partie cet équipement.
- La ville a contracté un emprunt dont le remboursement s’opère par le truchement des recettes perçues sur ce budget annexe. Une redevance versée par le délégataire est censée couvrir une part importante de cette charge. Comment justifier que l’usager rembourse un emprunt. Si le parking n’est pas réalisé, seuls les usagers du stationnement de surface seront concernés. Quelle est votre politique à cet égard ?
- Autre enseignement à tirer, on ne gouverne pas au sondage. Il y a trois ans, le DSP a été approuvé à l’unanimité. Tout le conseil municipal se félicitait de l’opération. En fait, Monsieur le maire, on ne sait pas trop. Mais surfer sur les vagues, c’est bien, les devancer, c’est mieux
- Cette agitation, ce clivage, cette suspicion, comment ferons-nous demain pour négocier à nouveau des partenariats publics-privé.
Je crois qu’il est temps de prendre la mesure des grands chantiers, ne pas les subir au gré des mouvements d’humeur ou pire, des calculs du moment.
Monsieur le maire, alors que débute le 6e mois de votre mandat, je n’ai pas le sentiment que vous ayez pris pleinement la mesure des défis qui se présentent à nous. Trop de postures, pas assez de vision. C’est ce que je redoute en ces moments difficiles pour la Corse. Votre rapport ne comporte aucun élément de nature à lever cette inquiétude, aucun élément de nature à me convaincre de l’approuver… »
Laurent Marcangeli a répondu point par point à l’élu de l’opposition, rappelant notamment : « On dit beaucoup de chose mais le plus important est de faire comprendre aux Ajacciens la réalité des choses. Si j’avais écouté les chantages, je ne serai pas en face de vous. Je vous rassure, je prends la mesure de ma charge qui est la mienne car Ajaccio me passionne, c’est ma ville et j’y suis très attaché. Avoir du cœur, j’en ai et ça sert !
Au regard de ce que je sais et ce que je crois, la décision prise est la bonne. Nous sommes bien préparés et on continue. S’il y a des erreurs, il nous faudra les corriger. »
José Filippi : "Il y a eu tromperie…"
José Filippi est intervenu à son tour pour souligner d’entrée que ce « chjami e risponda » n’était plus de circonstance : « Je crois qu’on assiste à un naufrage politique. Et cela dure depuis plusieurs décennies. Au-delà de l’aspect patrimonial, il y a autre chose » a-t-il poursuivi en rappelant le début des années quatre-vingt-dix, la société SEREP et le rachat de celle-ci par la société …Q-Park !
« Il y a eu beaucoup trop de tromperie. Nous avons été trompés par des pratiques commerciales douteuses et le fait de rompre ce contrat avec la société en question est une bonne chose. C’est une décision intelligente. Il faut désormais penser à l’avenir, c’est même devenu urgent. La population ajaccienne veut sortir de cette situation car il y a eu tromperie. Il faut trouver les moyens de démonter ces palissades, aménager cette place au plus vite et tout remettre en place. Je voterai cette délibération. »
« C’est notre but aussi a répondu Laurent Marcangeli, « notre objectif premier. Le square Campinchi deviendra la place publique qui fait défaut aujourd’hui. » Et de rappeler que la municipalité travaille d’arrache-pied pour traiter les grands dossiers : « Nous avons une vision sur la ville, sur la Citadelle (sa session pour l’euro symbolique est une supercherie, je le rappelle pour certains) sans oublier d’autres lieux qui méritent d’être mis en valeur avec des plans d’aménagement durable. Laissez nous le temps de la réflexion pour les réaliser. J’attendrai les six ans pour être confronté à un bilan… »
J. F.