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Pandémie - Boris Cyrulnik : "c’est toujours pour gagner un peu d’argent que la mort se répand"


Julia Sereni le Lundi 5 Octobre 2020 à 19:55

À Ajaccio ce samedi 3 octobre pour une conférence autour de son livre « France-Algérie : Résilience et réconciliation en méditerranée », le neuropsychiatre Boris Cyrulnik nous livre son analyse de la crise sanitaire, qu’il recontextualise dans le temps long de l’histoire.



Pandémie - Boris Cyrulnik : "c’est toujours pour gagner un peu d’argent que la mort se répand"
En ces temps troublés de pandémie, Boris Cyrulnik nous invite à prendre du recul sur notre présent. Pour le célèbre neuropsychiatre, nous aurions la mémoire courte : « On a oublié que les êtres humains vivent constamment dans des épidémies. Pendant deux générations passées, on a oublié » explique t-il. « On a oublié que les êtres humains ne sont pas au-dessus de la nature mais dans la nature, et le virus vient nous le rappeler ». Une histoire qui semble n'être qu'un éternel recommencement, sur de nombreux points :  « Quand j’étais enfant, il y avait la polio, il y avait la variole, la diphtérie, et déjà, il y avait des gens qui manifestaient contre le sérum anti diphtérie, il y avait des gens qui manifestaient contre le vaccin qui a supprimé la polio » raconte t-il.
 
S’il comprend la révolte de ceux, restaurateurs ou cafetiers, qui se retrouvent dans la plus grande difficulté, avec les mesures de restrictions qui les frappent, il les invite néanmoins à accepter la hiérarchie entre vie et profit : « Il va y avoir beaucoup de faillites, beaucoup de chômage. On peut comprendre leur désespoir. Mais pour gagner un peu d’argent, ils vont provoquer le reconfinement et provoquer beaucoup de morts ».
 
Là encore, Boris Cyrulnik fait appel à l’histoire pour illustrer son propos : « Toutes les épidémies se sont transformées en pandémies très mortelles avec le même raisonnement. Quand il y a eu la route de la soie, pendant le transport d’Antioche à Marseille il y a eu des morts, donc on savait qu’il y avait la peste dans le bateau, mais les gens, pour gagner un peu d’argent, ont refusé de faire le confinement dans les îles près de Marseille. Ils ont débarqué les ballots de soie en cachette parce qu’il y avait la foire de Beaucaire. Deux ans après, un européen sur deux était mort et il y a eu des centaines de pestes, et c’est toujours pour gagner un peu d’argent que la mort se répand » conclut-il gravement.