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Manifestation anti-mafia à Ajaccio : suivez notre direct


La rédaction le Samedi 8 Mars 2025 à 14:00

Ce samedi 8 mars, CNI suit en direct la manifestation organisée à Ajaccio par les collectifs Massimu Susini et A Maffia Nò – A Vita Iè. Dès 14 heures, nous relayons en temps réel le déroulement de la mobilisation, les prises de parole et les réactions sur place.



Photos Paule Santoni
Photos Paule Santoni
Face à la mafia, le silence se brise et la rue prend la parole. Pour la première fois en Corse, une manifestation se tient ce samedi 8 mars à Ajaccio pour dénoncer l’emprise du crime organisé. À l’appel des collectifs Massimu Susini et A Maffia Nò – A Vita Iè, le cortège s’élancera à 14 heures depuis la gare.

Ce rassemblement intervient dans un contexte marqué par une recrudescence des règlements de comptes et dix jours après la session antimafia de l’Assemblée de Corse. Il aurait dû se tenir le 22 février, mais la famille de Chloé Aldrovandi, tuée par balles le 15 février à Ponte-Leccia, a demandé son report.

 

De nombreux élus, notamment nationalistes, présents avant le départ du cortège.
De nombreux élus, notamment nationalistes, présents avant le départ du cortège.
Plusieurs partis politiques et associations ont répondu à l’appel des collectifs. Le Parti Communiste Français de Corse, La France Insoumise, Inseme à Manca et A Manca ont apporté leur soutien officiel. Du côté des nationalistes, Femu a Corsica, Core in Fronte et le PNC ont annoncé leur participation vendredi. En revanche, le mouvement Nazione a choisi de ne pas s’associer à la manifestation, évoquant des divergences sur les revendications des collectifs, notamment en ce qui concerne la création de législations et juridictions d’exception. La droite insulaire, de son côté, n’a pas exprimé de soutien officiel.


 

14h30 - Le cortège s’élance

La manifestation contre la mafia démarre à Ajaccio. Environ 1000 personnes, selon la préfecture, 3000 selon les organisateurs, se sont rassemblées place de la Gare pour ce premier rassemblement du genre en Corse. Un chiffre modeste au regard des attentes, alors que l’émotion suscitée par les récents assassinats laissait entrevoir une mobilisation plus large. En revanche, la présence des médias nationaux est significative, signe d’un écho bien au-delà de l’île.

De nombreux élus sont présents. Parlementaires, membres de l’Assemblée de Corse et figures institutionnelles se mêlent au cortège.

La marche progresse vers la préfecture, premier point d’arrêt symbolique où des prises de parole sont prévues. 


14h40 - Le cortège remonte le cours Napoléon

 

La manifestation progresse en direction de la préfecture. Environ une trentaine de personnes en tête de cortège scandent "Assassini, maffiosi, fora", tandis qu’une pancarte affiche en lettres noires "U silenziu tomba". Derrière la première banderole, un groupe exclusivement composé de jeunes, symbole d’une génération qui refuse la fatalité. Plus loin, une seconde banderole arbore le message "A maffia tomba, u silenziu dinò", portée essentiellement par les membres des collectifs organisateurs.


15h00 - Premier arrêt devant la préfecture, un appel à l’union

Le cortège marque une première halte devant la préfecture, où le préfet Jérôme Filippini se tient à l'extérieur, prêt à prendre la parole. Avant son intervention, Jean-Toussaint Plasenzotti, membre du collectif Massimu Susini, s’adresse directement à lui : « Nous allons demander à ce que ce qui se passe aujourd’hui s’élargisse. Si les victimes se mettaient ensemble, en créant des collectifs contre les incendies, les pressions, cela permettrait une société qui s’organiserait beaucoup mieux que si chacun lutte dans son coin. » Un appel à structurer la lutte contre la mafia, alors que le préfet s’apprête à répondre.

15h15 - Premières prises de parole devant la préfecture

Devant à la préfecture, Josette Dell'Ava Santucci ouvre les discours. « Cette journée prouve que nous avons amorcé une autre ère. Ce que veulent les mafieux, c’est notre silence et notre soumission. » Un appel clair à la résistance, lancé devant une foule attentive.

Jérôme Mondoloni, du collectif Massimu Susini, lui succède. Il rappelle l’ampleur du capital criminel de la mafia ces dernières années : une série d’assassinats, dont celui de dix élus, des incendies, des pressions sur des entreprises, et un taux d’élucidation des crimes qui reste proche de zéro. Il insiste sur la nécessité de faire évoluer la législation, dénonçant une forme d’habitude face au racket et aux incendies criminels. Il évoque les propos d’anciens préfets, qui ont eux-mêmes dénoncé l’imprégnation mafieuse jusque dans l’appareil d’État ces dix dernières années. Il cite notamment l’assassinat du président de la Chambre de commerce et l’entourage de Paul Giacobbi, pris pour cible.

Il insiste sur l’urgence d’un changement : « Soit on se couche et on dit qu’il n’y a rien à faire, que ça a toujours été comme ça, soit on soutient nos députés qui se battent à l’Assemblée nationale pour faire évoluer la loi. » Il dit ne pas comprendre pourquoi la demande des collectifs d’introduire un délit d’association mafieuse est qualifiée de liberticide.

Selon lui, le pouvoir d’intimidation mafieux en Corse prend de plus en plus d’ampleur, et il espère que les mesures annoncées par le Garde des Sceaux seront appliquées. « Si la Corse est l’île de la mafia, elle est aussi l’île de l’anti-mafia », conclut-il, appelant la population à rejoindre les collectifs et à soutenir leur combat.


15h30 - Un discours inédit du préfet, longuement applaudi

Après les interventions des collectifs, Jérôme Filippini prend la parole dans un discours rare pour un représentant de l’État. Il monte sur l’estrade et s’adresse directement aux manifestants : « Cela n’arrive pas souvent dans la vie d’un préfet de faire ça. » Il affirme clairement le soutien de l’État à cette mobilisation : « Je suis venu dire, au nom de l’État, que le rassemblement d’aujourd’hui a notre soutien et peut nous donner confiance. »

Le préfet ne contourne pas la question et choisit des mots forts : « La mafia, il faut l’appeler comme telle. Il faut arrêter de tourner autour du pot. La mafia, c’est une ou plusieurs organisations qui veulent prendre le pouvoir. Mais le pouvoir doit appartenir aux élus désignés par la volonté populaire. »

Puis, dans un passage inédit pour un représentant de l’État en Corse, il évoque la relation complexe entre l’île et la justice : « Je pense que, compte tenu des relations difficiles entre la Corse et la justice, il y a beaucoup de raisons de se faire des reproches. » Il poursuit dans un ton inhabituel : « Je dirais volontiers tout le mal que l’État a pu faire dans le passé. Et ceux qui sont en face de moi reconnaîtront ce qu’ils ont pu faire de mal dans le passé. » Mais il appelle à dépasser ce passé pour avancer : « Le passé est le passé. Il faut avancer. La Corse et la République doivent se faire confiance et se tenir la main. Sinon, le crime a déjà gagné. » 

Avant de conclure, il lance un appel à l’unité : « Si nous travaillons ensemble, la Corse et l’État, nous pouvons triompher de la mafia. »

Son discours est longuement applaudi par la foule, une réaction qui souligne la portée inédite de ses propos.



16h40 - Passage devant Le Lamparo

 

Le cortège défile devant Le Lamparo, scandant "Assassini fora ! Mafia fora !"



16h00 - Prise de paroles

La manifestation s’achève devant la Collectivité de Corse, avec deux prises de parole, en français et en corse, par Jean-Toussaint Plasenzotti et Léo Battesti, représentants des collectifs Massimu Susini et Maffia No – A Vita Iè, à l’origine du rassemblement.

Jean-Toussaint Plasenzotti insiste sur le pouvoir d’intimidation, clé de la domination mafieuse. « Le pouvoir d’intimidation est ce qui fait la puissance de la mafia », déclare-t-il, avant de pointer les pressions exercées sur les élus. Il choisit de s’exprimer en corse, affirmant que « la mafia ne porte rien de notre identité » et ajoutant : « La mafia n’a jamais rien créé, elle pille. »  Il insiste sur la nécessité d’un engagement collectif face à la mafia. « Chaque Corse ne doit pas laisser la Corse aux mafieux », affirme-t-il, avant de rappeler que la lutte ne peut se limiter à quelques initiatives isolées. « L’anti-mafia doit être le combat de toute une société. Que les familles des victimes s’unissent, qu’elles créent un collectif. » Il appelle à un sursaut citoyen pour ne pas laisser le crime organisé s’ancrer durablement. « Nous serons capables, ensemble, de promouvoir une culture de la légalité et de vaincre la mafia. »


16:05 - Léo Battesti : « Nous avons ferraillé pour arriver jusqu’ici »

Après Jean-Toussaint Plasenzotti, Léo Battesti prend la parole et revient sur les obstacles qui ont précédé cette mobilisation. « Nous avons ferraillé pour arriver jusqu’ici, car nous avons eu face à nous soit de l’incompréhension, soit un affect qu’on nous a accusés d’exploiter. Mais ce sont ceux qui ne sont pas là aujourd’hui qui l’ont exploité. »

Pour lui, cette manifestation est l’aboutissement du travail des collectifs, fondés il y a six ans pour alerter sur la réalité de la mafia. « Notre appel, il y a quatre ans, a permis de s’adresser aux citoyens pour leur donner un maximum d’informations sur ce qu’est la mafia. » Mais il rappelle que ce combat visait aussi l’État, qu’il accuse d’avoir, pendant des décennies, fait de la lutte contre les nationalistes sa priorité, au détriment du crime organisé. « Aujourd’hui, l’État a changé de stratégie. Jusqu’à quand ? On ne peut pas le dire. » Il souligne néanmoins le caractère inédit du soutien affiché par les autorités à cette manifestation. « Voir le préfet monter sur le camion, comme un révolutionnaire, pour soutenir la lutte contre la mafia, est une satisfaction. »

Léo Battesti s’appuie ensuite sur les chiffres pour illustrer l’ampleur du phénomène mafieux en Corse. Il rappelle que le dernier rapport du SIRASCO (Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée) recense 25 bandes criminelles sur l'île. « Aujourd’hui, la Corse est infestée de mafieux. Cela, nous ne le tolérons pas. » Il dénonce ensuite les attaques récentes contre les boulangeries Spiga, dont le propriétaire se trouve dans la foule. « Il faut qu’aujourd’hui on arrive à trouver des coupables, parce que l’impunité, ça suffit dans ce pays ! » lance-t-il, en écho aux nombreuses affaires qui n’ont pas été élucidées ces dernières années.

Le coût social et économique de la mafia
Loin d’être cantonnée aux règlements de comptes, la mafia exerce une pression constante sur la société et l’économie. Léo Battesti déplore son poids sur les travaux publics, où elle capte une part importante des financements. « La réalité de la Corse, c’est que nous avons des élus sous tension. Ils n’avouent jamais les pressions qu’ils subissent. » Il rappelle que la drogue reste un vecteur essentiel du crime organisé, mais insiste aussi sur la pénétration progressive de la mafia dans l’économie légale. Il cite en particulier les nombreuses terres achetées ces dernières années en plaine orientale, dans l’espoir de spéculer dessus. Sur le volet agricole, il souligne une avancée récente. « La bonne nouvelle de cette année, c’est qu’un président anti-mafia a été élu à la Chambre d’agriculture. » Une référence à Batti Arena, présent dans la foule.

Un combat qui passe aussi par l’éducation
Léo Battesti termine en évoquant l’importance de la sensibilisation des jeunes. Il annonce une nouvelle initiative prise avec l’Éducation nationale : « Hier, nous étions avec le recteur et nous avons mis en place un plan de bataille. Dès la classe de quatrième, nous allons intervenir pour sensibiliser les élèves à la lutte contre la mafia. » Il lance un appel aux volontaires : « Nous avons besoin de dizaines d’intervenants, car c’est là que nous allons construire notre société. » Une invitation à agir, qui vient conclure son intervention sous les applaudissements.


 



Pour clôturer la manifestation, l’artiste Julie Robert réalise une performance en direct, en hommage aux victimes de la mafia et à ceux qui se lèvent contre elle.