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Lutte contre la spéculation foncière : Pas de carte des espaces urbanisés dans le cadre du PADDUC


Nicole Mari le Mardi 29 Décembre 2020 à 20:39

Identifier et délimiter les espaces urbanisés dans le cadre du PADDUC pour lutter contre la spéculation foncière : c’est la demande formulée à l’Assemblée de Corse par Pierre José Filipputti, au nom du groupe Corsica Libera. Le conseiller territorial a demandé à l’Exécutif d’établir une carte spécifique à l’instar de celle des Espaces stratégiques agricoles (ESA). Impossible dans le cadre actuel et pour cause de Loi Elan, répond le conseiller exécutif et président de l’AUE, Jean Biancucci. Seule une révision du PADDUC permettrait de localiser les espaces urbanisés, mais uniquement dans les communes littorales.



Plaine de Casinca - Marana. Photo CNI.
Plaine de Casinca - Marana. Photo CNI.
« La pression foncière n’a jamais été aussi prégnante. Compte tenu de la flambée des prix qui empêche les Corses de construire dans leur village sur leurs terres familiales, force est de constater que la crise économique, sociale et sanitaire, que nous traversons depuis mars dernier, n’a en rien entravé les appétits féroces de grands investisseurs ». Partant de ce constat, Pierre José Filipputti, élu du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, estime que « les contraintes liées aux différentes lois - montagne, littoral, Elan, ALUR - en vigueur constituent un handicap supplémentaire à l’installation des Corses dans leur village en exploitant leur patrimoine familial. Paradoxalement, les zones dites constructibles sont souvent situées dans des endroits subissant une forte pression foncière, alors que certains hameaux historiques sont sans perspective et se voient juste proposer une désertification presque inéluctable ». Pour l’élu indépendantiste, la solution pourrait être de « lier le statut de résident à la question foncière », mais un des problèmes majeurs serait l’absence de document d’urbanisme ou « l’existence de documents d’urbanisme totalement archaïques et incompatibles avec le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) ». L’autre problème viendrait du « rôle trouble joué par l’Etat à travers la délivrance de permis de construire dans des conditions souvent curieuses ».

Pierre-Jo Filipputti. Photo Michel Luccioni.
Pierre-Jo Filipputti. Photo Michel Luccioni.
Une carte et un calendrier
Rappelant que la question foncière est un engagement politique des Nationalistes, Pierre Jo Filipputti a profité des questions orales de la dernière session de l’Assemblée de Corse pour interpeler l’Exécutif territorial : « Il est de notre devoir de nous assurer de la maîtrise du développement et de l’aménagement de notre territoire au service exclusif de notre peuple ». Pour cela, la Collectivité de Corse (CdC) doit, selon lui, « poursuivre son engagement et ses actions en matière d’accompagnement aux communes dans l’élaboration de leur Plan Local d’Urbanisme (PLU), en adéquation avec un développement local maîtrisé et compatible avec le PADDUC ». Plus concrètement, il propose qu’à l’instar de la nouvelle carte des Espaces stratégiques agricoles (ESA), adoptée en octobre par l’Assemblée de Corse, la CdC établisse une carte des espaces urbanisés « afin d’accélérer la mise en place de documents d’urbanisme, maillons essentiels d’un développement maîtrisé et cohérent ». Identifier et caractériser ces espaces permettrait, dit-il, de « prendre en compte les réalités liées à l’urbanisation traditionnelle de la Corse, c’est-à-dire l’urbanisation par hameau ». Ce qui rejoint un enjeu du PADDUC « d’établir la limite entre espace urbanisé ou partie actuellement urbanisée de la commune et urbanisation diffuse ou mitage, et de proposer (…) les modalités d’urbanisation propre aux dits espaces urbanisés ». Aussi demande-t-il à l’Exécutif de se prononcer sur le sujet et de définir un possible calendrier.

Jean Biancucci. Photo Michel Luccioni.
Jean Biancucci. Photo Michel Luccioni.
Les limites du PADDUC
Si le conseiller exécutif en charge du PADDUC et président de l’AUE (Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse), Jean Biancucci, trouve la question « extrêmement pertinente », il ne peut, cependant, souscrire à la proposition pour des raisons juridiques. Ni le PADDUC dans son cadre actuel, ni la Loi Elan ne le permettant. « Le PADDUC est habilité à préciser les lois Littoral et Montagne. Il est l’ensemblier de différentes normes existantes. Il les précise selon la réalité du territoire, sans pour autant les modifier, ni les adapter. Ce document nous a permis, par exemple, d’assimiler les notions de « parties actuellement urbanisées » et « d’espaces urbanisés » au niveau des communes. Ce travail exclusif au PADDUC permettait la densification modérée des espaces déjà urbanisés » explique-t-il. L’île ayant connu, au cours des dernières décennies, un phénomène d’étalement urbain très marqué, l’idée était de réparer ces secteurs existants, d’autant plus que la Loi ALUR venait d’être votée l’année d’avant. « Ce travail a, également, permis de sécuriser le cadre juridique applicable aux hameaux traditionnels, difficilement qualifiables dans les communes rurales. Le PADDUC avait prévu la possibilité de les renforcer. Tout un travail rendu caduc par l’entrée en vigueur de la loi Elan ! ». Et de préciser pour lever toute ambiguïté : « Sur ce point là, nous sommes allés au plus loin de ce que la notion de précision nous permet de faire. Nous ne pouvons pas aller plus loin ! La délimitation des espaces urbanisés irait au-delà de l’habilitation qui est faite au PADDUC et priverait les communes de toute marge de manœuvre ».
 
A la demande
Si le conseiller exécutif ne rejette pas la possibilité, « dans le cadre de relations plus formelles avec les communes », de travailler au coup par coup, à la demande, sur la localisation de formes urbaines et d’espaces urbanisés, il martèle : « l’AUE ne pourrait établir de documents cartographiques portant sur les espaces urbanisés à l’échelle de la Corse ». Ceci dit, la loi Elan ne permet de densifier les espaces urbanisés des communes littorales qu’à condition que ces espaces aient été localisés dans le PADDUC. « Un travail qui ne pourrait se faire qu’à travers une future révision », déclare-t-il. Avec un bémol : s’il était conduit, « ce travail ne pourrait porter que sur la localisation des espaces urbanisés des communes littorales. Il ne pourrait, en aucun cas, s’agir d’une délimitation précise des espaces urbanisés ». Il admet : « Cela ne répond qu’en partie à vos attentes, mais les textes régissant le PADDUC ne permettent pas d’aller plus loin ». Jean Biancucci annonce, cependant, que sur ce point, comme sur l’identification des secteurs des communes littorales et de montagne sur lesquelles ne s’appliquerait plus que la Loi Montagne, le Conseil exécutif présentera « l’ensemble des éléments d’appréciation » à l’Assemblée de Corse fin 2021, c’est-à-dire à l’occasion du premier bilan du PADDUC, prévu au terme des six ans d’application. « Il s’agit d’établir des projets de développement communaux et intercommunaux qui permettront d’aller de l’avant ». Et de conclure avec réalisme : « Cela ne suffira pas à la résolution complète du problème central, celui de la régulation de la spéculation foncière et immobilière, sur lequel nous continuons de travailler ».
 
N.M.