
- Damien Chiaverini, l’idée de ce roman ?
- L'idée de ce roman est de donner une illustration romancée de l'entrée en vigueur de la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat, en décembre 1905, dans un village de l'Alta Rocca, qui s'avère divisé sur la question religieuse. Ma première œuvre explorait quelques pans du passé insulaire, de la Protohistoire jusqu'au règne de la Superbe, avec des chassés-croisés depuis l'époque louis-philipparde et même notre contemporanéité. Dans ce roman, j'aborde la profonde césure que constitua la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Et l'illustre, par le biais d'une histoire inventée mais retraçant les profondes divisions sociales qu'elle suscita en 1905, dans le cadre de la montagne corse. Avec, une nouvelle fois en toile de fond, en la Terra dei Signori, le beau et majestueux nid d'aigle de l'Alta Rocca et plus particulièrement, en son sein, la charmante paroisse de Mela. Le personnage principal de cette histoire n'est autre que le curé, à l'identité imaginaire, de cette commune qui, à l'instar de tous ses frères en religion, subit la mise en œuvre d'un nouveau régime qui met fin à celui du Concordat adopté sous Bonaparte. Ce qui, dans une île imprégnée de religiosité et qui, depuis le second Empire, continue de révérer le souvenir de l'œuvre des différents membres de la famille impériale, ne va pas sans occasionner des dissensions et des refus d'application de dispositions jugées contraires à la plus élémentaire décence. Terre chrétienne depuis l'Empire romain, ayant plusieurs fois vu sa Souveraineté dévolue à la Vierge, du temps de Gênes et simultanément à l'ensemble de la Sérénissime en 1637, au moment de l'indépendance en 1735, puis même lors du gouvernement du Roi de France, ce dernier lui ayant consacré tout le Royaume dès 1638, la Corse ne peut benoîtement tolérer d'assister à une maltraitance de l'Eglise. Ayant déjà massivement pris parti pour les prêtres réfractaires, restés fidèles au Pape, lors de la constitution civile du clergé, l'île, bien que traversée d'idées nouvelles, n'accepte pour une bonne part pas ce nouveau spectre de la confiscation des biens que, en compensation de sa renonciation à la dîme, le clergé s'était chichement vu rendre un siècle auparavant. S'ensuit donc, en cette localité rurale de moyenne montagne, un conflit latent qui oppose le parti de l'Eglise, notamment composé de paroissiennes parfois tonitruantes, aux aspirants d'une évolution, lesquels ne s'accordent d'ailleurs pas tous sur les modalités que celle-ci doit recouvrir. Belle foire d'empoigne qui englobe un maire tiraillé entre des intérêts contradictoires et s'agrémente de foucades distillées par d'énigmatiques tenants d'une pensée anarchiste, qui connaît alors l'âge d'or de son expression. Tout cela sous l'œil d'un prêtre, assez farfelu, adorateur à ses heures perdues de Sainte Cécile, patronne des musiciens, que cette épreuve extrait de sa relative léthargie pour le guider vers un renouveau de sa Foi, peut-être jusqu'au Miracle. J'ajoute, en guise d'incise, que si mon caractère m'a toujours donné le goût de la plongée dans le passé, je me reconnais tributaire, dans l'apprentissage des éléments qui donnent corps à tout récit et toute temporalité, aux clefs qu'ont su me livrer, dans la décennie 1990, mes enseignants de Lettres, modernes et classiques, d'Histoire et d'Italien du collège Giraud et du Lycée Giocante de Casabianca, auxquels je rends hommage.
- Après votre recueil de nouvelles et ce 1er roman, des projets ?
- Pour ce qui est de mes projets d'écriture, je caresse notamment l'idée d'une évocation de la période de la Restauration et donc de l'époque romantique, à travers les yeux d'un spectateur de la vie du Tout Paris.
Synopsis
Nous sommes en décembre 1905. « Pour le curé de Mela-di-Tallano, le temps qui précède la Nativité ne se fait pas spécialement à la fête. La froidure, porteuse de germes, qui s’abat sur ce petit village de la montagne corse, ne constitue pas la seule cause de son accablement. Le retrait de la vie qu’opère ce début hivernal s’accompagne également de la loi de Séparation de l’Église et de l’État, qui menace des usages séculaires. Cette ère d’épreuves ne s’ouvre d’ailleurs pas autrement que par une série d’évènements, attentatoires à la dignité de l’unique et quelque peu excentrique membre du clergé de cette humble paroisse. Il n’est donc rien de dire que l’abbé Albertini se trouve confronté à une situation, à la résolution de laquelle son caractère rêveur ne le prédispose a priori guère. C’est justement aiguillonné par la rugosité de l’époque qui s’impose à lui, qu’il va devoir cheminer du doute, qui l’assaillait depuis longtemps, vers la réaffirmation de sa Foi. Transmutation personnelle, qui va guider une communauté, aussi haute en couleurs que déchirée, sur la voie de la Rédemption ».