
Paul-André Colombani, député PNC de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, membre du groupe LIOT.
- Pourquoi ce projet de loi sur la mortalité infantile ?
- La France connait, depuis 2020, une augmentation très importante de la mortalité infantile, à tel point qu’alors qu’elle était septième, il y a une dizaine d’années, au classement de l’OCDE, elle se retrouve 23e, c’est-à-dire parmi les dernières en Europe. On va bientôt croiser malheureusement les taux de Bulgarie. En 2024, il y a eu 4,1 décès pour 1000 naissances vivantes contre 3,5 quatre ans plus tôt. Cela fait 2800 nourrissons qui n’arrivent pas à l’âge d’un an, dont près de 70 % décèdent au cours du premier mois de vie. Cette évolution s’explique par un certain nombre de facteurs qui sont liés à la santé des femmes, à la réanimation des grands prématurés, à la précarité. En même temps, depuis de nombreuses années, on a réduit le nombre de maternité. On compte aujourd’hui 40 à 45 % de maternités en moins qu’en 1995.
- La fermeture des maternités est-ce un élément préoccupant en termes de risque de mortalité infantile ?
- C’est la question que je pose à travers ma proposition de loi. J’ai choisi le prisme d’étudier le problème de la mortalité infantile au niveau des territoires à partir de la fragilité d’accès aux soins et des petites unités. Aujourd’hui, 900 000 femmes en âge de procréer résident à plus d’une demi-heure d’un centre d’accouchement. Le nombre de celles vivant à plus de 45 minutes a augmenté de 40 % depuis 2000. Une enquête récente révèle que le risque de décès néonatal est multiplié par deux lorsque le trajet jusqu’à la maternité dépasse 45 minutes. Ce risque augmente dans certains territoires insulaires, ruraux ou de montagne, comme en Corse, en Outre-mer ou dans le Lot, où les distances sont encore plus grandes et où le temps d’accès aux soins dépasse fréquemment les seuils reconnus comme critiques. Je me suis servi de l’histoire de Porto-Vecchio où la fermeture envisagée de la maternité aurait contraint les femmes à parcourir plus de deux heures de route pour accoucher à Bastia, soit trois fois le seuil de 45 minutes considéré comme critique pour la sécurité des mères et des nouveau‑nés. Lorsqu’on ferme une maternité de 500 accouchements, le prix est d’avoir un hélicoptère. Or, en général, on dit qu’il faut fermer une maternité parce que c’est dangereux, mais on ne donne pas la recommandation de l’hélicoptère. A la place de la maternité de Porto-Vecchio, on nous proposait un centre de périnatalité et un hôtel pour les femmes. Mais ce modèle, qui a été mis en œuvre à Cahors, ne trouve pas sa place. Très peu de femmes l’utilisent et on ne parlait ni d’hélicoptère, ni de renforcer en même temps la maternité de Bastia qui devait accueillir 250 accouchements en plus. D’où l’idée de demander un moratoire sur la fermeture des maternités pour faire un état des lieux, territoire par territoire. En Commission, j’ai fait adopter l’idée de l’état des lieux, mais pas celui du moratoire.
- Pourquoi ce refus du moratoire ?
- Il y a, c’est vrai, des arguments scientifiques sur certaines petites maternités qui peuvent être dangereuses parce qu’elles font peu d’accouchement et où les équipes médicales ne sont potentiellement pas suffisamment entraînées. Quand il y a des difficultés dues à la démographie médicale, on ne peut pas assurer les tableaux de garde, on a recours à l’intérim, c’est-à-dire à des gens qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble, ce qui génère potentiellement un risque. Ce sont ces arguments qui poussent à fermer les maternités. Il reste en France 23 maternités de moins de 300 accouchements. Elles ont besoin qu’on leur donne un temps de répit de trois ans pour voir lesquelles peuvent être sauvées ou pas.
- Votre projet de loi comporte d’autres propositions qui ont été adoptées. Lesquelles ?
- Le premier article, qui est la mise en œuvre d’une recommandation d’une mission flash réalisée par des collègues, il y a deux ans, propose la création d’un registre national des naissances. Pour piloter sa politique de natalité, la France n’a, aujourd’hui, qu’une enquête périnatale qui se fait tous les cinq ans. Il faut deux ans pour l’analyser. Cet instrument n’est plus adapté. Je propose de mettre en place un système de recueil de données, qui sont aujourd’hui éparpillées, de les chaîner pour améliorer la connaissance et pouvoir réagir plus vite sur l’identification des facteurs de risque de mortalité précoce. L’article 3 demande la mise en place dans chaque maternité, de formations régulières, continues aux gestes d’urgence obstétrique pour sécuriser les accouchements sur l’ensemble du territoire. Cette mesure fait aussi partie des recommandations de la mission flash qui vise à renforcer la capacité des équipes médicales à faire face aux situations critiques, en particulier dans les structures isolées ou à faible effectif, où il y a moins d’accouchement que la moyenne, donc potentiellement moins de gestes d’urgence, par exemple sur le dépistage des hématomes rétro-placentaires qui, malheureusement, posent le plus de problèmes.
- Êtes-vous déçu au final ?
- Non ! Je suis quand même assez content. Ma proposition de loi a été adoptée à l’unanimité. Il y a encore du travail pour l’améliorer. Je pense qu’elle serait plus efficace avec un moratoire de 3 ans sur la fermeture des maternités, mais la bataille n’est pas finie. J’ai été surpris par un vote que je n’attendais pas, notamment par un amendement du groupe centriste qui a été rejoint par le RN. Je vais réécrire un amendement sur le moratoire que je défendrai lors de l’examen en séance publique, la semaine prochaine.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- La France connait, depuis 2020, une augmentation très importante de la mortalité infantile, à tel point qu’alors qu’elle était septième, il y a une dizaine d’années, au classement de l’OCDE, elle se retrouve 23e, c’est-à-dire parmi les dernières en Europe. On va bientôt croiser malheureusement les taux de Bulgarie. En 2024, il y a eu 4,1 décès pour 1000 naissances vivantes contre 3,5 quatre ans plus tôt. Cela fait 2800 nourrissons qui n’arrivent pas à l’âge d’un an, dont près de 70 % décèdent au cours du premier mois de vie. Cette évolution s’explique par un certain nombre de facteurs qui sont liés à la santé des femmes, à la réanimation des grands prématurés, à la précarité. En même temps, depuis de nombreuses années, on a réduit le nombre de maternité. On compte aujourd’hui 40 à 45 % de maternités en moins qu’en 1995.
- La fermeture des maternités est-ce un élément préoccupant en termes de risque de mortalité infantile ?
- C’est la question que je pose à travers ma proposition de loi. J’ai choisi le prisme d’étudier le problème de la mortalité infantile au niveau des territoires à partir de la fragilité d’accès aux soins et des petites unités. Aujourd’hui, 900 000 femmes en âge de procréer résident à plus d’une demi-heure d’un centre d’accouchement. Le nombre de celles vivant à plus de 45 minutes a augmenté de 40 % depuis 2000. Une enquête récente révèle que le risque de décès néonatal est multiplié par deux lorsque le trajet jusqu’à la maternité dépasse 45 minutes. Ce risque augmente dans certains territoires insulaires, ruraux ou de montagne, comme en Corse, en Outre-mer ou dans le Lot, où les distances sont encore plus grandes et où le temps d’accès aux soins dépasse fréquemment les seuils reconnus comme critiques. Je me suis servi de l’histoire de Porto-Vecchio où la fermeture envisagée de la maternité aurait contraint les femmes à parcourir plus de deux heures de route pour accoucher à Bastia, soit trois fois le seuil de 45 minutes considéré comme critique pour la sécurité des mères et des nouveau‑nés. Lorsqu’on ferme une maternité de 500 accouchements, le prix est d’avoir un hélicoptère. Or, en général, on dit qu’il faut fermer une maternité parce que c’est dangereux, mais on ne donne pas la recommandation de l’hélicoptère. A la place de la maternité de Porto-Vecchio, on nous proposait un centre de périnatalité et un hôtel pour les femmes. Mais ce modèle, qui a été mis en œuvre à Cahors, ne trouve pas sa place. Très peu de femmes l’utilisent et on ne parlait ni d’hélicoptère, ni de renforcer en même temps la maternité de Bastia qui devait accueillir 250 accouchements en plus. D’où l’idée de demander un moratoire sur la fermeture des maternités pour faire un état des lieux, territoire par territoire. En Commission, j’ai fait adopter l’idée de l’état des lieux, mais pas celui du moratoire.
- Pourquoi ce refus du moratoire ?
- Il y a, c’est vrai, des arguments scientifiques sur certaines petites maternités qui peuvent être dangereuses parce qu’elles font peu d’accouchement et où les équipes médicales ne sont potentiellement pas suffisamment entraînées. Quand il y a des difficultés dues à la démographie médicale, on ne peut pas assurer les tableaux de garde, on a recours à l’intérim, c’est-à-dire à des gens qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble, ce qui génère potentiellement un risque. Ce sont ces arguments qui poussent à fermer les maternités. Il reste en France 23 maternités de moins de 300 accouchements. Elles ont besoin qu’on leur donne un temps de répit de trois ans pour voir lesquelles peuvent être sauvées ou pas.
- Votre projet de loi comporte d’autres propositions qui ont été adoptées. Lesquelles ?
- Le premier article, qui est la mise en œuvre d’une recommandation d’une mission flash réalisée par des collègues, il y a deux ans, propose la création d’un registre national des naissances. Pour piloter sa politique de natalité, la France n’a, aujourd’hui, qu’une enquête périnatale qui se fait tous les cinq ans. Il faut deux ans pour l’analyser. Cet instrument n’est plus adapté. Je propose de mettre en place un système de recueil de données, qui sont aujourd’hui éparpillées, de les chaîner pour améliorer la connaissance et pouvoir réagir plus vite sur l’identification des facteurs de risque de mortalité précoce. L’article 3 demande la mise en place dans chaque maternité, de formations régulières, continues aux gestes d’urgence obstétrique pour sécuriser les accouchements sur l’ensemble du territoire. Cette mesure fait aussi partie des recommandations de la mission flash qui vise à renforcer la capacité des équipes médicales à faire face aux situations critiques, en particulier dans les structures isolées ou à faible effectif, où il y a moins d’accouchement que la moyenne, donc potentiellement moins de gestes d’urgence, par exemple sur le dépistage des hématomes rétro-placentaires qui, malheureusement, posent le plus de problèmes.
- Êtes-vous déçu au final ?
- Non ! Je suis quand même assez content. Ma proposition de loi a été adoptée à l’unanimité. Il y a encore du travail pour l’améliorer. Je pense qu’elle serait plus efficace avec un moratoire de 3 ans sur la fermeture des maternités, mais la bataille n’est pas finie. J’ai été surpris par un vote que je n’attendais pas, notamment par un amendement du groupe centriste qui a été rejoint par le RN. Je vais réécrire un amendement sur le moratoire que je défendrai lors de l’examen en séance publique, la semaine prochaine.
Propos recueillis par Nicole MARI.