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Le mot "race" est-il raciste ?


Jacques RENUCCI le Lundi 30 Juillet 2018 à 21:33

Le mot "race" rayé de la Constitution : un vote de l'Assemblée inutile ? Beaucoup le pensent



Avant que l'Assemblée nationale ne se déchire sur l'affaire Benalla, elle avait trouvé une belle unanimité (moins le RN, absent du vote) pour rayer le mot « race » de la Constitution, en attendant ratification par le Congrès. Concept « scientifiquement infondé et juridiquement inadéquat », selon Jean-Christophe Lagarde, le mot paie pour le passé colonial et esclavagiste français.

A l'étranger, on s'est étonné de ce débat : si le texte de la loi fondamentale change, entérinant le fait que la « race » n'a aucune réalité biologique, on ne peut pas occulter la situation sociale ou l'histoire. On ne peut pas non plus nier que les discriminations raciales sont une réalité. « Le mot race est-il raciste ?», tel était le thème d'un récent colloque scientifique. Croit_on qu'en chassant le mot des textes de référence, on va affaiblir la chose ? La question a été posée en séance, certains ayant préféré que l'on s'en tienne à l'expression « supposées races » du Code pénal. Pour d'autres, le constat est clair, il est plus facile de supprimer un mot gênant que de construire et de promouvoir l'antiracisme. Le vocable une fois criminalisé, le crime est-il écarté pour autant, rien n'est moins sûr.
Car le racisme suit une pente en quelque sorte naturelle, celle de la défiance et de la défense vis-à-vis d'autrui. Albert Memmi écrivait en 1982 dans Le racisme : « C'est le racisme qui est naturel et l'antiracisme qui ne l'est pas , ce dernier ne peut être qu'une conquête longue et difficile, toujours menacée, comme l'est tout acquis culturel. ». Les députés auraient-ils donc cédé à la facilité, en n'allant pas au fond des choses ? Disons plutôt qu'ils ont écouté leur bonne conscience et qu'ils ont voté avec le sentiment du devoir bien accompli. Mais sous les Constitutions de papier les problèmes demeurent...

Le racisme comme réflexe
Il ne faut plus dire « race » comme, paraît-il, il ne faut plus dire « mademoiselle » - mot discriminant, alors que l'égalité homme-femme est gravée dans le marbre. Et après ? Supprimer le mot « race » de la Constitution avait été l'une des promesses de François Hollande, mais on en parlait depuis longtemps, depuis en fait l'instauration du politiquement correct, qui vise à mettre sous le tapis ce qui est jugé désagréable. Cela fonctionne avec la littérature, le féminisme, la nourriture, bref le quotidien. Mais du quotidien, sauf exception, le racisme ne fait pas partie, tout en étant prêt à se manifester à chaque instant. Il surgit comme un mauvais réflexe ségrégationniste dès qu'il y a une tension avec l'autre, pour peu que celui-ci soit différent par la langue, la religion, la communauté ou l'apparence physique. En supprimant le mot, le pouvoir veut nous faire croire que la situation est quasi normalisée. On est loin du compte. L'exclusion a encore de beaux jours devant elle. Car le racisme, disait Jean-François Revel, « ce n'est pas un choix raisonné, c'est une donnée anthropologique. » Il ajoutait : « Pour surmonter ces sentiments et corriger ces conduites, il faut à chacun de nous une éducation, une philosophie politique, fruit d'une longue participation à la civilisation démocratique, d'une longue imprégnation des mentalités par une morale humaniste et universaliste ». On le comprend, cet apprentissage ne se résout pas, ni ne se résume, par un vote à la va-vite.